Légende de Paniolo, le 100 pieds amoureux d’une princesse


Dessin: "La proie" par Colo
PAPEETE, le 1er octobre 2015- Tahiti Heritage vous présente cette semaine l’histoire d’un veri, un 100 pieds ou scolopendre, qui se prénommait Paniolo. C’était un veri très intelligent et très gentil, qui rapportait toujours à manger pour son village de Papara. Dans ce village, vivait la princesse Mirivai qui était promise au prince Mégakiro de Pa’ea.

LES PREPARATIFS DU MARIAGE

Un jour, le roi de Papara, décida d’organiser un grand tama’ara’a (festin) pour fêter les fiançailles de sa fille, la princesse Mirivai, avec le prince Mégakiro. Il commença les préparatifs et annonça aux habitants qu’ils étaient tous conviés au tama’ara’a. Mais la princesse n’était pas d’accord avec la décision de son père.

Le soir du tama’ara’a, tout le monde était ébloui par la beauté de la princesse. Elle était vêtue d’un tapa (tissu végétal), d’un diadème en écailles de tortue et de coquillages avec une couronne ornée de perles et de dents de dauphins. Cependant, cela ne lui plaisait pas d’être là et elle cherchait dans la foule quelqu’un qui puisse comprendre ce qu’elle ressentait. C’est à ce moment là qu’elle croisa le regard de Paniolo, un teuteu (domestique) qui servait le repas. Elle fut aussitôt submergée par des sentiments qu’elle n’avait jamais ressenti auparavant pour personne. Ils étaient là, à se regarder, sans pouvoir se toucher, se parler, ni exprimer les sentiments qu’ils éprouvaient l’un pour l’autre, du fait de leur situation sociale.

La princesse n’avait pas le droit de parler sans la permission de son père. Leurs sentiments étaient cependant si intenses qu’ils décidèrent de braver les interdits pour échanger quelques mots en toute discrétion. Les gardes, qui les virent ensemble, éloignèrent la princesse du serviteur. Paniolo eut juste le temps de lui glisser un petit mot lui disant qu’il aimerait bien la revoir car il était fou amoureux d’elle dès le premier regard qu’ils échangèrent. Elle lui fit un signe de la tête pour lui dire qu’elle acceptait avec le plus grand plaisir.


Légende photo : Veri, 100 pieds, Scolopendre. Photo Yan Peirsegaele
LES AMOUREUX TRAHIS

Le soir d’une rencontre secrète entre la princesse Mirivai et le Paniolo, Hi’opo’a, l’espion du prince Mégakiro, se mit à suivre la princesse. Il découvrit la tromperie des deux amants et la trahison faite à son Prince. Il décida d’avertir immédiatement le prince de la liaison secrète de Mirivai et de Paniolo :
– Iaorana, Arii, puis-je vous parler un moment de choses très importantes.
– Que veux-tu ? Tu as vu l’heure qu’il est ? Ça ne peut pas attendre demain ?
– Excusez-moi de vous déranger à une heure pareille mais j’ai quelque chose qui vous intéressera très certainement, osa insister le fidèle espion.
– J’espère pour toi mon brave. Car me déranger à cette heure pour une bêtise pourrait te coûter la vie. Je t’écoute donc et ha’aviti mai (Dépêche toi !).
– Voilà, vous m’avez demandé de surveiller votre promise et de vous rapporter ses faits et gestes.
– Et alors, viens-en au fait, s’impatienta le Prince !
– Voilà, en suivant la princesse, je me suis aperçu qu’elle rejoignait tous les soirs le veri qui servait le repas lors de la cérémonie de présentation de la princesse. Ils étaient ensemble et s’embrassaient amoureusement. Ils avaient l’air très amoureux, se permit-il de commenter !
– Comment oses-tu me dire que Mirivai me trompe avec un serviteur alors qu’elle m’est promise ? Espèce de traite, je vais te jeter au ma’o (requin) si jamais tu mens !
– Non, maître, je vous jure, je ne vous trahirai jamais. Vous êtes trop bon avec moi, ne me jetez pas aux ma’o. Ils n’apprécieraient pas de manger quelqu’un de laid, de maigre et d’amer. Je vous supplie, épargnez-moi, maître, supplia t-il !!!
– Si ce que tu dis est vrai, Mirivai paiera cher pour cette trahison et l’humiliation qu’elle fait à ma famille et à moi même. Hors de ma vue, je ne veux plus te voir, hurla t-il vexé !
– Comment a-t-elle pu me faire une chose pareille ? En plus avec un serviteur ! Elle va le regretter, pensa t-il. Je vais de ce pas en informer mon père le Arii o Pa’ea (chef de Paea) et lui demander conseil.
– Père, père, réveillez-vous, j’ai quelque chose d’important à vous dire.
– Pourquoi me réveilles-tu ? As-tu vu l’heure qu’il est Mégakiro ! Que se passe-t-il ?
– Ce soir Hi’opo’a a surpris Mirivai et Paniolo le teuteu du tamara’a qui s’embrasaient, alors qu’elle m’est promise!
– E aha, quoi ? Comment Arii o Papara a-t-il pu me mentir ? Il nous a trahis, c’est un déshonneur envers nous qui sommes de sang royal alors que lui n’est qu’un simple teuteu (domestique) de rien du tout !
– Oui, père, je suis d’accord avec toi.
– Je n’accepterai pas cette humiliation. Je me vengerai, même si pour cela je dois lui faire la guerre ou tuer ce teuteu pour regagner mon honneur et lui faire comprendre qu’on ne se moque pas de moi de cette façon.
Quelques jours plus tard, le Arii o Pa’ea vint rendre visite au Arii o Papara qu’il retrouva près de la vallée Raumiri à Papara. Pour laver l’affront fait à son fils, le Arii o Pa’ea posa ses conditions. Si la princesse continuait à fréquenter Paniolo, il dirait à tous les villageois que celle-ci fréquente un veri, ce qui rendra honteux le Roi de Papara qui perdra son honneur en n’ayant pas respecté la loi : une princesse doit se marier avec un prince !

UNE SOLUTION RADICALE

Pour le roi de Papara, son trône représentait toute sa vie, sa famille et ses ancêtres. Il demanda un délai de deux semaines pour trouver une solution. Le arii o Pa’ea lui accorda ce délai et lui demanda de venir le voir dès qu’il aura une solution acceptable à lui proposer.
Une semaine plus tard, le arii o Papara, après avoir demandé conseil au Raatira qui habite non loin du marae Mata’irea, prit une décision qui ne plairait malheureusement pas à sa fille. Il se rendit alors chez le arii o Pa’ea, dans la vallée ‘Orofero, et lui annonce qu’il ordonnerait à ses ‘aito (guerriers) de tuer Paniolo. Le surlendemain à l’aube, les ‘aito du arii o Papara coupèrent la tête de Paniolo. Le reste de son corps s’enfuit, et se tortilla jusqu’à la mer en creusant la rivière et l’embouchure qu’on appelle désormais Taharu’u.

Il se réfugia au fin fond de l’océan et se choisit un autre destin !

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Rédigé par () le Vendredi 2 Octobre 2015 à 10:54 | Lu 17442 fois