Le transport public terrestre en panne à Moorea


Tahiti le 23 janvier – La société RTU qui s’occupait du  transport public terrestre et scolaire à Moorea rapatrie tous ses bus dès février laissant ce service sans opérateur. Si une solution d’urgence est en place jusqu’en juin pour les scolaires, rien n’est pour l’heure prévu pour les autres usagers. Le Pays renvoie la balle à la commune, compétente en matière de transport public sur l’île sœur, mais Moorea assure ne pas avoir le budget et se dit prête à travailler “avec le gouvernement”.
 
Après le redémarrage chaotique du transport scolaire pour la rentrée de janvier, se pose désormais le problème du transport régulier de personnes. Jusqu’à lundi dernier, jour de la rentrée scolaire, la société RTU prenait en charge le service public du transport terrestre régulier pour les usagers de Moorea. Mais sa concession de service public étant arrivé à terme, elle s’apprête à rapatrier tous ses véhicules sur Tahiti. Ce sera chose faite le 1er février.
Et sur l’île sœur, les salariés, qui n’ont pas de moyen de transport, sont nombreux à prendre le bus le matin et le soir, pour se rendre au quai et prendre la navette pour se rendre au travail à Tahiti. Le soir, il s’agit de rentrer à domicile. Dans moins d’une semaine ils ne seront plus transportés.

“C’était prévu”

Le directeur des ressources humaines à RTU, Xavier Chung Sao, a annoncé à Tahiti Infos que la société de transport devait retirer ses bus de Moorea petit à petit et qu’en février il n’y en aurait plus aucun sur l’île sœur. “Étant donné que nous perdons le marché de transport scolaire, la société RTU envisage de se retirer totalement de Moorea”, avait-il alors expliqué. “La ligne régulière seule, ce n’est pas rentable”, explique-t-il. “Les bus ne sont remplis qu’au premier et le dernier bateau. La journée il n’y a pas beaucoup de monde, voire personne parfois.”
La société RTU opérait jusqu’à présent quinze bus à Moorea pour assurer le transport public régulier et scolaire.
 
Si une solution d’urgence a été trouvée pour le transport scolaire, grâce à l’intervention de la société de Warren Guilloux, l’entrepreneur ne dispose pour l’heure que de onze bus et dit ne pas pouvoir prendre en charge le service du transport public régulier. Contacté ce mardi, il assure que pendant “les horaires des scolaires, je ne pourrais pas assurer cela : ma priorité c’est le transport scolaire”. Tout au plus déclare-t-il que pendant les vacances scolaires, il pourra assurer “sans problème” le transport le matin et le soir.
 
Autre option, selon le nouveau transporteur : “Après 8 heures et jusqu’à 13h30, je pourrais également faire du transport régulier, car après on reprend le transport scolaire. Et je pourrais également assurer le transport de ceux qui prennent les deux dernières navettes en partance de Tahiti soit celles de 16h45 et 17h30. Étant pris par le transport scolaire, il n’a pas pour l’heure de solution pour les usagers qui prennent la navette maritime de 5 heures.

Compétence communale

Comme le précise le statut d’autonomie, “les communes sont compétentes en matière de transport communaux”. Pour le Conseil d’État les communes sont “seules compétentes pour organiser des services de transport de personnes d’intérêts communal ayant pour objet la desserte de différents points de leur territoire”. Cette compétence incombe au Pays lorsque la desserte concerne plusieurs communes, comme à Tahiti.
 
Le problème à Moorea, est d’ordre budgétaire. Contactée la directrice générale des services, Karen Mou, rappelle qu’en 2019 le conseil municipal de Moorea avait pris une délibération en concertation avec le Pays, relative à “un projet commun”. Il s’agissait “de mutualiser les besoins de la commune en matière de transport régulier de personnes et également pour le transport scolaire”. Ce travail avait été fait de concert avec la DGEE et l’ancien ministre du transport terrestre, René Temeharo. “Il était convenu que le Pays fasse l’acquisition de trente bus”, pour un budget de 400 à 500 millions de francs, relate-t-elle, la        commune assurant le service en régie ou via une délégation de service public. “Cela aurait réglé tous les problèmes de transport, et surtout on ne serait pas dans la situation où l’on se trouve aujourd’hui.”
 
Karen Mou regrette que ce projet ne se soit pas concrétisé mais assure que la municipalité est prête “à travailler avec le Pays pour identifier la meilleure solution pour la population de Moorea. Le transport c’est vraiment un problème de société et cela génère plusieurs difficultés pour la population”. Le tāvana Evans Haumani envisage de rencontrer le président du Pays Moetai Brotherson pour relancer ce dossier. “On n’est pas équipé à Moorea pour faire cela et comme le Pays le fait déjà sur Tahiti avec des transporteurs qui ont l’expérience, les moyens humains et matériels, ils ont tout ce qu’il faut pour garantir le transport scolaire et régulier à Moorea.
 
Côté Pays, le directeur de la Direction des transports terrestres, Lucien Pommiez, rappelle que le transport régulier relève de la compétence des communes. “Le pays s’occupe du transport scolaire des élèves inscrits à Moorea et aussi de ceux qui font la navette entre Moorea et Tahiti au travers de la DGEE. Le Pays organise le transport scolaire et régulier uniquement sur l’île de Tahiti”. Il rappelle d’ailleurs qu’il y a eu des “investissements conséquents” pour cela.

“Aujourd’hui on se retrouve dans une situation où la Polynésie n’a pas la capacité de se substituer au maire quand bien même en 2019 une délibération de principe a été prise pour un transfert de compétence ou un financement partagé”, explique-t-il, même s’il reconnait volontiers que ce “n’est pas simple pour l’autorité organisatrice de la mobilité, en l’occurrence la commune de Moorea-Maiao. Il faudrait qu’elle réfléchisse à l’opportunité de structurer le transport régulier”.

Lucien Pommiez affirme avoir déjà effectué “une analyse de ce type de situation”. Mais qu’à l’heure actuelle le Pays “ne peut se substituer aux communes”. Mais il souligne qu’il y a eu “des modifications de la loi organique et [que] des outils permettent d’avoir des partenariats”.
En attendant que le politique se penche sérieusement sur ce problème de transport régulier des personnes dans les communes, le directeur de la Direction des transports terrestres invite les administrés de Moorea à faire du covoiturage car, selon lui “il ne va pas y avoir de réponse rapide à ce problème”.

Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Mardi 23 Janvier 2024 à 19:36 | Lu 5090 fois