Le traitement des terres polluées de Hao fait évoluer le Code de l'environnement


En mars 2015, des travaux de terrassement pour installer une unité de traitement par biotertre avaient provoqué la polémique à Hao. On s'aperçoit aujourd'hui que ce mode de traitement nécessite aussi des ajustements juridiques et réglementaires du Code de l'environnement de Polynésie française.
HAO, le 8 décembre 2015. Il y a plusieurs mois déjà, l'État décidait de traiter sur place, à Hao, les terres polluées issues de la démolition des anciens sites militaires de la base arrière du Centre d'expérimentations du Pacifique. Le choix s'est porté pour un traitement par biotertre qui reste quasi expérimental en Polynésie française. D'où la nécessaire adaptation du Code de l'environnement pour en préciser les modalités.

Les terres polluées de Hao n'ont pas fini de faire couler de l'encre, mais cette fois c'est pour l'encadrement juridique de la méthode de dépollution qui sera employée ! En début d'année 2015, une polémique était née au sujet du site retenu pour installer cette unité de dépollution alors qu'un début de terrassement avait démarré. Pour clore la polémique, c'est finalement sur une parcelle du Pays que cette dépollution par biotertre (voir encadré) sera effectuée pour ne plus avoir à subir l'opposition des propriétaires privés. Mais il restait néanmoins à fournir un cadre juridique à cette technique de dépollution sur le territoire. Car, si le traitement par biotertre a déjà été utilisé avec succès en 1998 à Huahine (sur des terres polluées au gasoil), il reste largement expérimental en Polynésie française et n'avait pas d'autorisation réglementaire jusqu'ici.

C'est désormais chose faite. Un arrêté pris en conseil des ministres à la fin du mois de novembre dernier fixe les conditions et modalités de stockage de terres polluées en vue d'un traitement par biotertre. Ainsi, les terres polluées ne doivent notamment pas être mises en stockage sur site plus de trois ans ; les liquides en provenance des biotertres sont récupérés et stockés dans un réceptacle étanche avant leur évacuation ou leur réinjection dans les biotertres ; le volume des terres polluées par des hydrocarbures traitées en biotertres est limité à 15 000 mètres cubes ; le volume des terres polluées par des hydrocarbures et des métaux lourds traitées en biotertres est limité à 10 000 mètres cubes.

Selon cet arrêté ministériel, l'autorisation de stockage des terres polluées en biotertres est délivrée par le président de la Polynésie française et l'enquête de commodo et incommodo "peut dans le cas présent être remplacée par la consultation publique prévue par la procédure d'étude d'impact réalisée dans le cadre de l'excavation, du déplacement et du terrassement pour le stockage des terres concernées".

Les modalités techniques des biotertres en Polynésie française étant à présent définies, il reste néanmoins à prendre encore un arrêté ministériel autorisant les biotertres sur le territoire. Ce qui devrait être fait sous peu. Cette technique de traitement des polluants hydrocarbures légers avait donné d'excellents résultats à Huahine, en moins de 18 mois. À Hao, cependant, les terres à traiter ne sont pas polluées uniquement aux hydrocarbures légers : on y trouve aussi des PCB (pyralène), des métaux lourds et personne n'a la garantie que le traitement par biotertre sera suffisant pour faire disparaître cette pollution industrielle.

Il y a actuellement plus de 150 000 tonnes de terres souillées à Hao. Dans un premier temps, l'État a prévu de stocker et traiter par biotertre 21 000 tonnes pour dégager les parcelles sur lesquelles le projet de ferme aquacole Tahiti Nui Ocean Foods doit venir s'implanter sur l'atoll.


b[Biotertre : qu'est-ce que c'est et comment ça marche ?


Le biotertre consiste à mettre des sols pollués en tas en vue d’un traitement biologique. Les sols pollués font généralement l’objet d’un amendement et les conditions dans le biotertre sont contrôlées (aération, ajouts de nutriments…). Cette technique est couramment employée sur des hydrocarbures volatils à semi-volatils biodégradables.

Le procédé nécessite au préalable une excavation. Les sols pollués sont mélangés avec un amendement (agent structurant ou enzyme) et sont par la suite dirigés vers une aire de traitement et de stockage avec un système de collecte de lixiviats, des unités d’aération pour stimuler la biodégradation. La biodégradation est contrôlée (température, taux d’humidité, nutriments, oxygène, pH).

La dégradation biologique est, la plupart du temps, réalisée par biostimulation. D’une manière générale, les tas de déchets à traiter ne dépassent pas une hauteur supérieure à 3 mètres (afin d’éviter le compactage). Le biotertre s’applique à des sols pollués par les produits pétroliers de type gasoil, fuel, kérosène. Les rendements épuratoires sont plus faibles avec les huiles et les pesticides.

Le rendement de ce procédé de dépollution varie fortement en fonction des conditions du milieu dans lequel il s'opère : il peut dans certains cas atteindre plus de 90 % si le temps de traitement est suffisamment long.

Rédigé par Mireille Loubet le Mardi 8 Décembre 2015 à 17:46 | Lu 1694 fois