Le tourisme thaïlandais au coeur du trafic des éléphants d'Asie


BANGKOK, 02 mars 2013 (AFP) - Le plus gros animal terrestre passe difficilement les frontières incognito. Mais rien n'arrête les trafiquants qui, selon des militants, alimentent en éléphants les attractions touristiques de Thaïlande et menacent encore un peu plus l'espèce asiatique du pachyderme.

Ces éléphants d'Asie, dont les femelles sont dépourvues de défenses, ne font pas les gros titres comme leurs cousins africains, abattus pour leur ivoire et qui seront l'une des stars de la réunion s'ouvrant dimanche à Bangkok de la Convention sur le commerce international des espèces menacées d'extinction (Cites).

Mais ils sont eux aussi en danger, notamment sous la pression d'une industrie touristique accusée d'être des plus voraces. "Tout le monde, même les soi-disant centres de préservation, essaient d'acheter des éléphants", estime ainsi John Roberts, de la Golden Triangle Asian Elephant Foundation.

En 1989, les éléphants domestiques de Thaïlande, qui a fait du pachyderme l'un de ses emblèmes nationaux, s'étaient retrouvés au chômage après l'interdiction des exploitations forestières. Mais ils ont été reconvertis dans le tourisme.

Les camps et autres zoos qui exhibent les mastodontes dans des spectacles de funambule, des matchs de foot ou encore des concours de peinture, emploient la quasi totalité des 4.000 éléphants domestiques du pays (contre 2.000 à l'état sauvage).

Et le nombre de bébés qui "entrent dans le système" est supérieur à ce qui semble possible "par reproduction naturelle", souligne Roberts, qui a lui-même décidé il y a sept ans de ne plus acheter d'éléphants pour son camp, où vivent 26 pensionnaires.

"Je ne vois pas comment acheter un éléphant sans provoquer le trafic d'un autre", regrette-t-il, soulignant qu'un mahout remplace systématiquement son animal. Du coup, les prix explosent, de 500.000 à 2 millions de bahts (12.000 à 50.000 euros) par bébé, selon les estimations.

Certains imagineraient de complexes scénarios, mais "l'option la plus logique est de prendre une route normale", relève Vincent Nijman, spécialiste du commerce d'espèces sauvages à l'université d'Oxford Brooks. "L'éléphant peut être dans un camion ou même marcher" devant des douaniers corrompus.

Une analyse partagée par des défenseurs de l'environnement qui dénoncent la capture en Birmanie d'éléphanteaux sauvages, revendus ensuite dans un des 150 camps thaïlandais.

L'ONG britannique Elephant Family estime à entre 50 à 100 le nombre de bébés ou de jeunes femelles vendus chaque année de l'autre côté de la frontière. "La Thaïlande est sans aucun doute une plaque-tournante", accuse Dan Bucknell, l'un de ses responsables.

La situation n'est guère plus enviable de l'autre côté de la péninsule, au Laos.

Il ne reste que 480 éléphants domestiques au "pays du million d'éléphants", indique Gilles Maurer, responsable de l'ONG Elephantasia, qui évoque une espèce en danger avec près de 90% des animaux âgés de plus de 20 ans. Et en ligne de mire un risque d'extinction d'autant plus rapide que des bébés sont exportés.

A terme, la perspective pèse sur l'espèce toute entière. Car une fois les éléphants domestiques disparus, craint-il, "il y a un risque très fort que des braconniers capturent des sauvages" qui ne sont déjà plus que 300 à 500 dans l'ensemble du Laos, en raison de la dégradation de leur habitat naturel.

En 2012, les autorités thaïlandaises ont mené des contrôles dans les camps et saisi quelque 25 animaux, dont 19 "sans-papier" restent sous leur protection.

Mais les militants réclament une réforme de la loi. La Thaïlande a besoin "d'un suivi plus transparent de la population et des naissances", insiste Petch Manopawitr, du Fonds mondial pour la nature (WWF), plaidant pour la mise en place d'une base de données, via des micropuces ou des tests ADN.

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Rédigé par Par Amélie BOTTOLLIER-DEPOIS le Samedi 2 Mars 2013 à 06:22 | Lu 842 fois