Le toilettage du statut sera examiné dans un mois à l'Assemblée nationale


PARIS, le 19 février 2018. Fin mars, les députés examineront la réforme du statut d'autonomie qui reconnaît le rôle joué par la Polynésie française dans le développement de la capacité de dissuasion nucléaire française. Une mesure essentiellement symbolique. Le statut a aussi été toiletté pour faciliter le fonctionnement des institutions.



Le Sénat a donné son feu vert ce mardi à la réforme du statut d'autonomie qui reconnaît le rôle joué par la Polynésie française dans le développement de la capacité de dissuasion nucléaire française, une mesure de portée essentiellement symbolique.

Le projet de loi organique modifiant le statut a été adopté en première lecture à l'unanimité, lors d'un vote solennel, par 343 voix. Dans la foulée, le Sénat a également adopté à main levée un second texte qui a pour but de faciliter la sortie de l'indivision. "Ces deux projets de loi ont été enrichis par de nombreux amendements adoptés (...) La tâche a été rude mais nous repartions au fenua avec un sentiment du travail bien accompli au titre de ce toilettage statuaire", a souligné Lana Tetuanui. "La reconnaissance du fait nucléaire inscrite dans la loi est un grand pas de l'Etat et pour laquelle nous n avons pas ménagé nos efforts. Le fait nucléaire fait partie de notre histoire. Il constitue la pierre angulaire de l'Accord de l'Elysée. (...) Cette reconnaissance qu'apporte la loi organique est ainsi profondément symbolique et largement méritée pour ne pas dire légitime."


Le rapporteur de la commission des Lois du Sénat, Mathieu Darnaud (Les Républicains), a salué le travail de concertation réalisé "afin que la navette parlementaire soit aussi consensuelle que rapide". Cela "sans avoir immolé les nécessaires réformes sur l'autel du compromis".

Si tous les groupes ont voté pour ces deux textes, des remarques ont néanmoins été émises. La sénatrice Europe-Écologie-Les Verts Esther Benbassa a ainsi souligné "Nous regrettons que l'on ne fasse pas mention d'un véritable investissement de l'Etat afin de réparer les nombreux préjudices écologiques subis dans les îles (par les essais nucléaires). "Sur le plan environnemental, il présente une autre lacune celle de l'absence de normes protectrices de la biodiversité encadrant les activités exploration et d'exploitation minière des eaux intérieures polynésiennes. Ces dernières à terme appauvrissent les fond marins de l'océan Pacifique notamment l'exploitation mercantile des gisements des terres rares."

"L'unanimité démontre que les deux textes sont de grande qualité", a estimé pour sa part la ministre des Outre-mer Annick Girardin, soulignant qu'ils "marquent un renouveau des relations entre l'Etat et la Polynésie française".
La ministre a aussi précisé que l'Etat lancera un travail sur la lisibilité du droit en Polynésie française. On y associera l'ensemble des acteurs.
Le texte est désormais sur le bureau de l’Assemblée nationale qui en débutera l’étude à la fin du mois de mars.

Intervention de Lana Tetuanui


Lana Tetuanui, sénatrice

« Il faut toujours demander 100 pour espérer 50 »

« Nous sommes venus ici à Paris, bien déterminés à défendre et obtenir ne serait-ce que des améliorations du fonctionnement et des clarifications des compétences dûment réparties entre nos diverses institutions.
Nous avons toujours gardé à l'esprit, dans nos discussions, un vieil adage si cher à nos pères : « il faut toujours demander 100 pour espérer 50 »...
Ce projet de loi et ce projet de loi organique, fruits d'intenses discussions, marquent une véritable avancée pour la Polynésie française. La tâche a été rude, mais nous repartirons au fenua, avec un sentiment du travail bien accompli.
La reconnaissance du fait nucléaire, pierre angulaire de l'accord de l'Élysée, devait être inscrite dans le marbre. L'installation du centre des expérimentations atomiques, puis l'arrêt des essais nucléaires en 1996 ont profondément marqué notre économie insulaire. En dépit de la reconversion aussitôt engagée par le Pays, avec le soutien de l'État, les impacts sanitaires, environnementaux et économiques du nucléaire se font toujours sentir.
Cette reconnaissance symbolique, apportée par le projet de loi organique, est méritée pour ne pas dire légitime, madame la ministre.
»

Mathieu Darnaud, sénateur Les Républicains

«Un texte négocié sans sacrifier l'ambition de réforme »
« Tous les acteurs concernés ont fait converger leurs vues pour une navette parlementaire aussi consensuelle que rapide.
Grâce à cela, nous avons élaboré un texte négocié sans sacrifier l'ambition de réforme. La reconnaissance, dans la loi organique, de la contribution de la Polynésie française à la dissuasion nucléaire, pierre angulaire de système de défense est juste, au regard du rôle de ce Pays d'outre-mer qui a ainsi contribué à porter la voix de la France dans le monde. Il fallait donc reconnaître ceux qui ont subi dans leur chair les conséquences de ces essais nucléaires.
(…) Le texte libère aussi les institutions de l'épée de Damoclès d'une disposition ubuesque, aux termes de laquelle la démission de trois de ses membres déclenche la dissolution de l'Assemblée de Polynésie française. »

Esther Benbassa, sénatrice Europe-Écologie-Les Verts

« Silence sur la dépollution des atolls»

« Le texte fait (…) silence sur la dépollution des atolls concernés et sur les préjudices écologiques subis dans les îles, tels l'appauvrissement des fonds marins dû à l'exploitation mercantile des « terres rares » utilisées pour la fabrication de produits de haute technologie et la surexploitation des métaux. Les mesures contraignantes des conventions internationales auxquelles nous sommes parties doivent pourtant s'appliquer.
Le texte s'attaque toutefois à un autre problème : les lacunes de l'état civil et du cadastre. La souplesse introduite dans les sorties d'indivision est à saluer.
Ces textes permettront enfin d'améliorer la stabilité des institutions polynésiennes et de redynamiser le tissu économique local. »

Annick Girardin, ministre des outre-mer

« Un renouveau dans les relations entre l'État et la Polynésie »

L'unanimité de vote montre que ces textes sont de qualité, établis dans la confiance et le respect mutuel. (…).
Ces textes marquent un renouveau dans les relations entre l'État et la Polynésie française. Je souhaite que la dynamique engagée se poursuive.
L'État prend des engagements importants pour l'indemnisation des victimes des essais nucléaires, dont le dispositif a été refondu en 2018, pour la sécurisation des atolls, avec 100 millions d'euros d'investissements et l'accompagnement économique de la Polynésie française.
Les textes sont aussi une illustration du principe de différenciation voulu par le président de la République, qui doit s'appliquer à la Polynésie française plus qu'ailleurs. »

Rédigé par Mélanie Thomas le Mardi 19 Février 2019 à 16:12 | Lu 699 fois