Le système de surveillance géomécanique rénové et modernisé à Moruroa


Le nouveau système Telsite 2 a été inauguré mercredi à Moruroa sur le site Irène 2.
Papeete, le 21 juin 2018- Le système de surveillance géomécanique, Telsite 2, a été inauguré mercredi 20 juin sur l'atoll de Moruroa. Ce système, entièrement rénové, doit permettre de détecter un éventuel risque d'effondrement d'un bloc de la falaise corallienne ou le glissement d'une "loupe" de calcaire de l'ancien site d'essais nucléaires, qui pourraient engendrer des vagues de tailles différentes selon les cas. Trois ans de travaux et 12 milliards de francs ont été investis pour assurer la sécurité des atolls de Moruroa et de Tureia.

Douze milliards de francs pour quelques microsismicités ! Mais ces quelques microsismicités, relevées par l'armée et étudiées avec une extrême attention par le commissariat à l’Énergie atomique et aux Énergies alternatives (CEA), sont d'une importance considérable. Leur surveillance est la garante de la sécurité de la trentaine de militaires basés à Mururoa et des 400 habitants de l'atoll de Tureia, situé à une centaine de kilomètres au nord.
Ces microsismicités sont mesurées grâce au système de surveillance géomécanique Telsite, mis en place en 1997 suite à l'arrêt des essais nucléaires, ce dispositif a pour mission de détecter l'effondrement d'un bloc de la falaise corallienne ou le glissement d'une "loupe" de carbonates. Ces deux phénomènes auraient des conséquences d'effets et d’ampleurs très différents (lire encadré).
La détection se fait au moyen d'un réseau de capteurs sismiques de surface et en profondeur (disposés dans des puits) pour l'effondrement d'un bloc.
Pour la surveillance d'un éventuel glissement d'une des trois "loupes", un réseau de mesures des mouvements en profondeur (500 à 600 mètres) dans des forages, inclinés latéraux (extensomètrie), de mesures d'inclinométrie dans un puits vertical, de sismomètres en profondeur (géophones) dans les puits, de sismomètres de surface et des mesures des déplacements en surface (GPS), a été installé. Les mesures relevées sont envoyées au commissariat à l’Énergie atomique et aux Énergies basé près de Paris.

UNE LOGISTIQUE COMSEQUENTE

Le Contrôleur général des Armées, Paul Fouilland.
Après 20 ans de bons et loyaux services, ce système nécessite d'être totalement rénové comme l'explique le Contrôleur général des Armées, Paul Fouilland, coordonnateur de l'ensemble du projet Telsite 2, mercredi à Moruroa lors de l'inauguration. "Cette modernisation est édictée par le souci prioritaire de l'Etat de garantir sur le long terme la sécurité des habitants de Tureia et des personnels militaires déployés à Moruroa vis-à-vis des risques, identifiés mais de moins en moins probables, de l'effondrement d'un bloc de falaise ou d'une loupe. Seule une rénovation complète du dispositif qui a compris le forage de neuf nouveaux puits permettent de garantir la pérennité du système Telsite".
Initié dès 2010, le projet de rénovation a été lancé en novembre 2013 et les travaux ont débuté au premier semestre 2015 pour s'achever le 23 février 2018. Outre la complexité technique des travaux en eux-mêmes, la rénovation de Telsite a nécessité une logistique conséquente et une organisation précise en raison de la situation éloignée de l'atoll et de l'implication de multiples acteurs, dont de nombreuses entreprises polynésiennes.


LE SYSTEME EST PREVU POUR UNE DUREE DE 15 ANS MINIMUM

Le nouveau système Telsite 2.
"Ce projet a mis œuvre trois chaines de périmètres différentes. L'infrastructure, représentée par la Direction de l'infrastructure de Papeete ; le soutien, qui a mobilisé la chaine Economat des armées, organisme sous tutelle de l'Etat-major des Armées (restauration, hébergement…) et les travaux spécialisés avec le CEA. La coordination a été assez complexe, car il a fallu gérer les trois responsables de chaine, prendre les décisions et rendre à bon escient vers le commandement à Paris", détaille le lieutenant Tehiti, coordonnateur local du projet.
Véritable défi autant logistique que technique, Telsite 2 semble avoir rassuré le ministre de la Santé Jacques Raynal, qui représentait le Président de la Polynésie française. "Ce nouveau processus, plus performant et précis que l'ancien système, placé sous la surveillance des meilleurs experts, est plutôt rassurant. Cela montre que l'Etat se préoccupe des conséquences éventuelles des essais souterrains (...) qui ont été expérimentés."
Le système est prévu pour une durée de 15 ans minimum.


Quels sont les risques encourus ?
Selon les experts, l'effondrement d'un bloc de falaise corallienne provoquerait, avec un préavis de 90 secondes, une vague de 2 mètres sur le lieu de l'évènement et une submersion d'un mètre sur la piste d'aviation et de moins d'un mètre en zone vie. Si le système d’alerte automatique se déclenche :
Les personnes situées en zone "vie" sont protégés par un mur "océan" et un mur "lagon" construits à cet effet. Les personnes situées en dehors de la zone de "vie"", doivent monter sur des points hauts prévus à cet effet.
En cas de glissement des trois "loupes" de calcaires en zone Nord (Irène, Camélia et Françoise). Ce phénomène serait précédé de signes avant-coureurs, de façon graduelle, permettant aux autorités de prendre les mesures nécessaires. Compte tenu de l'évolution observée depuis l'arrêt des essais, les experts estiment que ce préavis serait de plusieurs semaines, au moins.
Dans l'hypothèse la plus pénalisante, ce glissement génèrerait une vague pouvant atteindre 20 m au droit de l'évènement ; en zone "vie", la hauteur d'eau pourrait atteindre 5 m. Moruroa serait évacué préventivement. Un train de vagues de quelques dizaines de centimètres d'amplitude se propagerait dans l’océan et en particulier vers l'atoll de Tureia. Cet atoll serait atteint aux environ 10 mn et une vague de 1.5 à 2 m serait alors observée sur le platier, dans les conditions les plus pénalisantes.


Rédigé par Pauline Stasi le Jeudi 21 Juin 2018 à 15:37 | Lu 2304 fois