Le système de retraites rongé par la crise Covid


Pour maintenir la viabilité du système de retraites, les hypothèses socio-économiques retenues début 2020, sur la base des évolutions sociales et économiques favorables des dernières années, doivent être revues à la baisse, estime le COSR dans son rapport annuel sur le système de retraites polynésien. (crédit photo : Gregory Boissy)
Tahiti, le 5 novembre 2020 - La crise Covid a ébranlé en 2020 l’équilibre déjà précaire du système polynésien de retraites par répartition, comme le note le Conseil d’orientation et de suivi des retraites dans son rapport annuel. Ses répercussions économiques impliquent dès 2021 une nouvelle réforme paramétrique, voire structurelle, pour sécuriser le système.

Le recul n’est pas suffisant pour chiffrer l’ampleur des dégâts. Mais le Conseil d’orientation et de suivi des retraites (COSR) est contraint, dans son dernier rapport annuel, de constater que la crise Covid remet sérieusement en cause l’horizon de viabilité des caisses de retraite de la tranche A et particulièrement de la B, toutes deux déjà bornées au mieux à 2025 avant la pandémie.

La Caisse de prévoyance sociale (CPS) surveille l’évolution du système de retraites en se fondant sur des études actuarielles régulières, avec le soutien technique et méthodologique de la société française d’actuaire de la retraite Fraeris. La dernière étude a été finalisée en mars 2020 sur la base des données disponibles au 30 juin 2019, date de la mise en œuvre de la dernière réforme du système de retraites. Elle propose une projection des résultats sur 20 ans. Mais, "il est évident que la crise du Covid-19 remet en cause ces prévisions, les hypothèses socio-économiques retenues début 2020, sur la base des évolutions sociales et économiques favorables des dernières années, devant être revues entièrement", observe le COSR dans son rapport remis le 20 octobre dernier.

Des prévisions devenues "irréalistes"

Et ce d’autant que cette étude actuarielle a bâti ses prévisions sur une hypothèse correspondant à la création d’environ 14 000 emplois sur les 10 prochaines années soit 1 400/an. Prévision que les services techniques de la CPS ont extrapolée en estimant qu’il faudrait créer 5 000 emplois de plus sur 10 ans, soit près de 20 000 emplois au total, pour équilibrer les comptes de la tranche A sur l’ensemble de la période. "Cet objectif, que l’on aurait déjà pu juger très optimiste début 2020, est désormais totalement irréaliste du fait de la crise Covid. La création d’emplois ne pourra donc permettre seule d’atteindre l’équilibre des comptes dans les années à venir. Il est même à craindre que les prévisions de l’étude doivent être revues à la baisse, avec un impact négatif fort sur la viabilité du régime", note sur ce point le rapport.

L’urgence d’une nouvelle réforme est d’autant plus grande, pour le COSR, que "même avant la crise du Covid-19, et dans l’hypothèse où la branche maladie aurait 'remboursé' l’avance de trésorerie qu’elle a reçue, la retraite tranche A ne pouvait faire face à ses obligations envers les retraités au mieux jusqu’en 2025, sans l’aide éventuelle des autres branches".

Nécessaire réforme en 2021

Si la crise économique du Covid-19 rend caduques toutes les prévisions antérieures, son ampleur aura sans doute de graves effets sur la pérennité des régimes de retraite. Aussi, une étude factuelle et détaillée de la situation socio-économique post-Covid est-elle nécessaire aujourd’hui pour le COSR. L’enjeu : redonner "une visibilité raisonnable du contexte économique à venir, à moyen et long terme, car il conditionne les niveaux de l’emploi, base des cotisations, et donc les recettes du système".

On savait, avant la mise en œuvre de la réforme du système de retraites, en juillet 2019, que les ajustements opérés alors étaient voués à être poursuivis et amplifiés au plus tard en 2023. La crise Covid précipite ce calendrier. Le COSR souligne dans son rapport annuel l’urgence d’engager une réflexion pour une nouvelle réforme paramétrique voire structurelle.

Une trentaine de pistes sont suggérées : allongement de la durée de cotisation de 38 à 40 ans ; abattements plus sévères pour les départs en retraite anticipée ; révision du mode de calcul de la pension ; hausse du niveau de cotisation, etc. Ces réflexions alimenteront les débats qui doivent s’ouvrir sur la réforme de la protection sociale généralisée, souligne jeudi un communiqué de la vice-présidence suite à la présentation du rapport annuel à Yvonnick Raffin, le ministre en charge du système d’assurance social polynésien.

Compte tenu des délais nécessaires pour consulter toutes les parties concernées, évaluer l’impact des différents scénarios possibles, proposer les ajustements ou réformes nécessaires, obtenir l’adhésion du plus grand nombre, rédiger les textes réglementaires, les faire adopter et enfin mettre en œuvre les réformes, le COSR recommande de débuter dès à présent des discussions avec les partenaires sociaux afin de déterminer la faisabilité et l’opportunité des pistes de réformes identifiées. Pour le Conseil, il est souhaitable d’aboutir à des préconisations courant 2021.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Vendredi 6 Novembre 2020 à 03:00 | Lu 3306 fois