Le représentant des étudiants (FAEPF) s'en prend au vice-recteur dans une lettre ouverte


C'est une lettre fleuve que le président de la Fédération des associations des étudiants de Polynésie Française (FAEPF) adresse au vice-recteur de Polynésie Française, Jean-Claude Cirioni. Et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il ne mâche pas ses mots. Taimana Ellacott exprime (entre autres) son indignation face à la fermeture du Vice-rectorat pendant quinze jours du 15 au 31 juillet. Selon lui, cette fermeture, qui contrevient au "principe de continuité du service public", a des conséquences dramatiques, et pour les étudiants qui doivent faire leur demande de passeport mobilité, et pour ces professeurs stagiaires envoyés sans préavis en métropole, qui attendent depuis deux semaines d'avoir un interlocuteur.

Voici cette lettre ouverte :


Monsieur le Vice recteur de Polynésie Française,

A l’instar des préceptes philosophiques de Monsieur Stéphane Hessel, lui même héritier des pensées « sartriennes », je ne peux qu’être indigné par ce que j’observe. Indigné du mépris et de l’irresponsabilité sociale que votre instance vient de démontrer par la fermeture des portes du Vice-rectorat de la Polynésie Française. Indigné par le dédain envers les étudiants polynésiens dans la tourmente d’un départ imminent pour la métropole. Indigné par la décision unilatérale d’expatrier des enseignants polynésiens sans garantie de retour, ni d’aide. Indigné par vos propos sur l’autonomie de la Polynésie française en terme d’éducation. Et enfin, indigné par l’ingérence dont vous faites preuve dans les pouvoirs régaliens du territoire, ainsi qu’à votre hiérarchie indirecte, le Haut-commissariat.

Après l’indignation vient naturellement l’engagement. C’est ainsi que la Fédération des Associations des Étudiants de Polynésie Française (FAEPF) dont je suis le Président, représentant toutes les associations des étudiants de Polynésie française (AEPF) éparpillées dans le monde, se positionnent face à ces injustices notoires.


La fermeture du Vice rectorat

Le président de la FAEPF Taimana Ellacott
C’est avec une grande tristesse que nous avons été mis au courant par des étudiants et des parents constatant avec stupeur les simples mots « fermé jusqu’au 1er août » sur les portes du vice rectorat. Cette fermeture impromptue fait de ces étudiants des otages administratifs de la république. Comment peut-on imaginer que la deuxième instance de l’État en Polynésie Française, seule compétente en matière d’aide à la mobilité publique aujourd’hui, puisse empêcher les futures élites polynésiennes à déposer leurs dossiers de passeport mobilité ? Quelles raisons officieuses vous empêchent d’assumer vos fonctions de représentant de l’éducation ? Que faites vous du principe de continuité du service public ?

Vous n’êtes pas sans savoir qu’en fermant le Vice Rectorat jusqu’au 1er août, tous les départs prévus avant le 1er septembre se verront refuser à titre de non respect des délais de dépôt d’un mois. Comprenez alors le désarroi et la colère de certains étudiants obligés de déposer leurs dossiers un mois avant, mais qui par malheur, ne peuvent pas partir après le 1er septembre pour des raisons calendaires. J’ose espérer que vous avez prévu de déroger à cette règle en assumant votre responsabilité. Certains étudiants ont appelé vos services un jour avant pour collecter des informations et personne ne les a prévenus de cette fermeture.

Je ne peux que constater et dénoncer cette situation inacceptable. Qui ne dit mot consent, alors je me délie.


L’expatriation des professeurs stagiaires.

Le vice-recteur Jean-Claude Cirioni
Nous avons toujours prôné l’expatriation des étudiants polynésiens en métropole pour grandir et s’ouvrir l’esprit. Mais si nous nous devons de partir, c’est pour mieux revenir. Or d’après les éléments qui m’ont été rapportés, les professeurs stagiaires polynésiens expatriés par décision despotique n’auront pas les indemnités et avantages que perçoivent des métropolitains venant en Polynésie. Serait-ce donc des droits à sens unique ? Vous touchez ici au principe moral d’Égalité dans la république, valeur fondatrice de la patrie et de notre société contemporaine, inscrite dans la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dans son article premier « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ». La déchirure sociale de ces expatriations forcées est la même dans un sens ou dans un autre, l’éloignement géographique et son coût également. Plus choquant encore, ils ne seront pas prioritaires sur leur demande de rapatriement en Polynésie.

L’argument avancé est qu’en tant que citoyen français, l’allégeance au système de mobilité des fonctionnaires d’État doit se faire valoir peu importe son origine. Peut être que cela respecte l’Égalité, mais d’autres principes philosophiques existent tel que l’Équité. L’Équité prend place lorsque l’Égalité a atteint ses limites pour former une cité plus juste rêvée par Platon. Elle permet de lisser les effets de marges existants entre des peuples lésés par nature, nous, c’est notre situation géographique. C’est aussi notre retard institutionnel que nous essayons tant bien que mal de rattraper dans un monde qui avance encore plus vite qu’à l’époque des 5 variations de la République Française (1792-1958).

Le Statut de 2004 officialise aussi l’océanisation des cadres comme digne et légale pour cette équité, à compétences égales. Nous comprenons votre inquiétude quant au manque de professeurs agrégés en Polynésie Française, et nous sommes tout à fait d’accord sur le principe de faire venir des compétences que nous ne possédons pas encore. Cependant nous sommes persuadés qu’il est possible de libérer des postes pour ces agrégés, sans expatrier des diplômés polynésiens. Monsieur le Vice-Recteur, la Polynésie française, c’est la France, mais ce n’est pas un département.


"Je continuerai à vous tendre la main...ou la joue"

(...)
Aujourd’hui, les étudiants sont non seulement l’avenir de la Polynésie, mais aussi et surtout son Espoir. Briser dès le départ cet espoir, c’est mettre en péril le peu de souffle qui reste à ce pays. En tant que représentant de l’État, vous avez le devoir de mettre en place une permanence de votre service public pour que toutes ces élites potentielles arrivent à leur fin. Le Président de la République l’a affirmé, « la France ne laissera pas la Polynésie au bord du chemin.» Et pourtant vous avez abandonné ces étudiants polynésiens sur les bas côtés de la rue Edouard Ahnne sans autres formes de procès… Du haut de mes modestes 23 ans, croyez en mon humilité et en mon humanisme. Je n’ai peut être pas tous les éléments en main, je ne suis peut être pas encore au paroxysme de ma maturité, mais même si je ne comprend pas toutes les causes, vous n’en comprenez pas toutes les conséquences. Sachez que mon coeur appartient à ce pays, et que mon esprit lui doit allégeance. A travers ma fonction, je continuerai à vous tendre la main, ou la joue, pour qu’ensemble nous puissions travailler à l’avènement de la Polynésie Française.

Le Président de la FAEPF
Taimana Ellacott

Rédigé par F K le Jeudi 28 Juillet 2011 à 12:13 | Lu 7635 fois