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Le remu vine, une alternative à haut potentiel


TAHITI, le 28 juillet 2023 - Installé sur le littoral de la Presqu’île, Marc Cizeron récolte du remu vine au pied de son fare. Selon lui, cette algue comestible qu’il cultive pour le loisir est une alternative intéressante aux poissons et autres ressources animales marines. Il poursuit ses expérimentations pour optimiser sa production, espérant que d’autres prendront le relai.

Je ne suis pas cultivateur”, précise Marc Cizeron. “J’essaie simplement d’aider la nature. Je ne force rien.” Retraité des services sociaux, passionné de la mer en général et des coraux en particulier, Marc Cizeron vit les pieds dans l’eau, ou presque. Il est installé sur la côte est de Tahiti iti en bordure de l’océan. Il aime se baigner, observer, entretenir son jardin aquatique. Il s’occupe des coraux mais aussi, depuis quelques temps, d’une algue comestible et très demandée localement que l’on cueille habituellement aux îles Australes, le remu vine.

“caviar vert”

Le remu vine, ou Caulerpa racemosa, est une algue verte appréciée en Polynésie agrémentée de lait de coco et de citron. Elle croque sous les dents. “Gustativement parlant, elle est excellente. Elle a le goût de la mer. Elle est légèrement épicée. Je dirais un peu poivrée.” En fermant les yeux, “on peut facilement imaginer que ce sont des œufs de poisson”. Ailleurs, elle a été baptisée le “caviar vert”. Elle peut se savourer seule tout juste sortie de l’eau et rincée à l’eau claire, ou bien encore avec du riz, mélangée avec de la tomate, de l’ail, du gingembre et de l’ail hachés. Au Japon, sur l’île de Okinawa, elle entre dans la composition de sushis, de glaces… Elle agrémente des salades. Sa couleur vive – qui varie selon la maturité – lui vaut aussi d’être appréciée à l’étape du dressage d’assiette.

Caulerpa racemosa est constituée de racines, de frondes et de vésicules plus ou moins grosses selon l’espèce qui peuvent atteindre jusqu’à 2 millimètres de diamètre. Elle ressemble à de petites grappes de raisin. La Direction des ressources marines s’y est intéressée. De nombreuses algues étaient consommées par les anciens Polynésiens. Aujourd’hui, les algues comestibles sont de retour mais elles sont souvent importées. La DRM et l’université de la Polynésie française ont donc lancé en 2016 une étude de marché et de faisabilité de production de remu vine à Tubuai. Les résultats ont été concluants, mais aucun projet n’a finalement vu le jour.

Marc Cizeron, à son échelle et avec les moyens dont il dispose, expérimente le développement de l’algue dans son milieu. Il en est persuadé : elle a du potentiel. C’est même, de son point de vue, une alternative de choix aux produits venus de la mer. “On constate une baisse de la ressource en poissons. Les algues sont excellentes, faciles à produire et sans impact sur l’environnement. En effet, elles n’ont besoin ni d’engrais, ni de pesticides, ni d’énergie, d’outillage spécifique ou encore d’eau douce.” Elles ne requièrent pas de grands espaces, ne gênent pas les activités existantes. “Il leur faut seulement un endroit peu anthropisé pour ne pas être écrasées pas d’incessants passages.” Au-delà de la consommation, Marc Cizeron évoque aussi des valorisations possibles dans divers secteurs (alimentaire, agricole, cosmétique…). “Avec elles, il y a de l’avenir !

Repeupler le récif

Dans son jardin aquatique, Marc Cizeron a d’abord pris soin des coraux. Il a récupéré les morceaux brisés et tombés au sol qu’il a transplantés. “Je les glisse dans des fissures et au bout de deux ou trois semaines ils se retrouvent soudés au bloc.” Son objectif : “Repeupler le récif”, répond-il. Dans la foulée, il a considéré la vie autour. Au début et occasionnellement, il voyait des algues vertes se développer. Maintenant, grâce au nettoyage régulier, les remu vine sont présentes en permanence. Elles ont gagné du terrain. “J’ai débarrassé l’endroit des algues brunes qui sont une vraie calamité car elles étouffent tout.

“Je ne désespère pas”

Selon les observations de Marc Cizeron, les algues ne sont pas très exigeantes. Elles se trouvent sur les rochers. “Elles survivent quand l’eau est calme, claire, qu’il y ait ou non de la houle, lorsque la rivière voisine charrie son eau douce et ses particules en suspension.” Elles poussent rapidement, mais de manière aléatoire. “Je les vois grandir. Je repousse parfois la récolte et en 3 ou 4 jours, sans prévenir, elles disparaissent.

Il a essayé, sans succès pour l’instant, de les faire croître sur du cordage pour pouvoir les éloigner des endroits sableux. “Je cherche d’autres supports.” Les grains de sable, avec les mouvements de l’eau, se glissent entre les vésicules et sont difficiles à éliminer avant la dégustation. “Je suis sûr que c’est possible voyant la texture de l’algue et la structure des racines. Je ne désespère pas.”

Pour Marc Cizeron, la Polynésie dispose de tout ce qu’il faut pour développer la culture d’algues. La filière est prometteuse, intéressante économiquement. “Mais il faut la volonté d’agir et de sortir des sentiers battus.” Lui continuera ses expérimentations quoi qu’il arrive. “Cela me passionne car c’est à la croisée de la biologie, de l‘agriculture, de la tradition et même de la poésie.”


Rédigé par Delphine Barrais le Vendredi 28 Juillet 2023 à 06:27 | Lu 5905 fois