Le rapport parlementaire sur la crise Covid passe la gestion de la vaccination à la loupe


Tahiti, le 22 janvier 2024 - Un mois après son examen à Tarahoi, le rapport de la commission d'enquête parlementaire sur la gestion de la crise sanitaire a été présenté à la presse, ce lundi. Dans ce document de près de 300 pages, les structures sanitaires, les décisions de l'État et du Pays et les financements pour lutter contre le Covid ont été passés au crible, tout comme la gestion de la vaccination qui a tant divisé au Fenua.
 
Le 18 décembre dernier, l'assemblée de la Polynésie examinait le tant attendu rapport de la commission d'enquête parlementaire sur la gestion de la crise sanitaire au Fenua. Tahiti Infos, dans ses colonnes, avait déjà présenté les grandes lignes de ce rapport de 284 pages, résultant d'une consultation citoyenne de 169 personnes, parmi lesquelles des décideurs publics, des personnels de santé, ainsi que des personnalités civiles et religieuses.
 
Ce rapport a pour objectif de mettre en lumière les dysfonctionnements dans la gestion de cette crise, sans pour autant blâmer quiconque, afin d'être mieux préparé en cas d'une nouvelle pandémie touchant la Polynésie. Au cours de cette enquête, les aspects tels que le fonctionnement des structures sanitaires, les décisions de l'État et du Pays, les financements et l'approvisionnement en matériel sanitaire ont été minutieusement examinés et passés au crible. Au final, la commission a formulé 49 recommandations afin de renforcer la préparation et d'améliorer la réaction en cas d'une nouvelle crise sanitaire.
 
Plus d'un mois après la présentation du rapport à l'assemblée, les membres de la commission d'enquête, notamment Pauline Niva et Nicole Sanquer, respectivement présidente et vice-présidente de cette commission, se sont réunis ce lundi lors d'une conférence de presse pour revenir sur les conclusions de ce rapport. Outre le manque évident de préparation et la dispersion des décisions pendant la crise du Covid, précédemment abordés par Tahiti Infos le mois dernier, l'équipe de la commission a mis l'accent sur un point essentiel : la gestion de la vaccination durant cette période, qui est longuement détaillée dans l'enquête.
 
Vaccination or not vaccination
 
Car si le rapport concède que la vaccination a été “un élément phare de la gestion de cette crise”, il souligne également que la loi d'obligation vaccinale, avec la mise en place du pass sanitaire et du pass vaccinal, aura créé “de profondes divisions au sein de la société”. Dos au mur, confronté à cette crise, et comme dans l'Hexagone et ailleurs dans le monde, le gouvernement de l'époque avait décidé de mettre en place cette obligation, sans avoir “suffisamment communiqué. “La question de la préservation des libertés individuelles et de l'exemplarité des leaders politiques à se conformer aux décisions qu'ils prennent (comme le scandale du mariage de Tearii Alpha, NDLR) a été soulevée. La vaccination et son obligation ont divisé notre société opposant les vaccinés à ceux qui ne le sont pas (...) Cet affrontement est devenu le sujet principal des discussions et des préoccupations, provoquant de la discrimination voire de la diabolisation au sein des familles, entreprises et administrations”, explique le rapport. “Cela appelle à la prudence dans les décisions futures. Les réponses recueillies au travers des auditions et de la consultation citoyenne ont révélé les doutes et les méfiances vis-à-vis de l'efficacité de la vaccination.”
 
Ainsi, ce lundi, Nicole Sanquer l'admet volontiers : “Nous ne préconisons pas la politique du vaccin à tout prix (si une nouvelle crise sanitaire devait frapper le Fenua, NDLR)”. Pour rappel, en 2022, la couverture vaccinale avait atteint 75% pour les plus de 18 ans et 85% chez les plus de 65 ans. Les membres de la commission ont également tenu à démentir les rumeurs d'amendes pour les personnes non vaccinées. “La loi d'obligation vaccinale, qui devait être très contraignante, n'a pas été véritablement mise en œuvre. Il n'y a pas eu d'amende pour ceux non vaccinés”, a précisé Pauline Niva.
 

La commission demande une modification de la loi organique

La commission d'enquête parlementaire sur la gestion de la crise sanitaire a formulé une demande de modification de la loi organique. Elle a également incité le Pays à clarifier la répartition des compétences entre l'État, le Pays et les communes. Car bien que la Polynésie détienne la compétence exclusive en matière de santé, l'État conserve une responsabilité pour garantir l'équité de la population en matière de santé, notamment en cas de situation exceptionnelle. Et durant l'état d'urgence sanitaire, l'État s'est affirmé comme le décideur principal, imposant des mesures telles que les interdictions de déplacement et la quarantaine.
 
Cependant, la commission d'enquête souligne que pendant la crise, le Pays et les communes ont assumé des dépenses qui ne relevaient pas de leurs compétences respectives, résultant des décisions prises par Paris. Ces décisions ont eu un impact financier direct, et certaines dépenses ne sont pas encore chiffrées. C'est pourquoi la commission recommande, en prévision d'une éventuelle pandémie future, de “modifier la loi organique” et de mettre en place “un compte spécial d'affectation de crise”. Ce compte facilitera le financement des mesures de crise, assurant ainsi la transparence des dépenses dans tous les secteurs. Par conséquent, cela permettra de déterminer avec précision l'imputation des dépenses à chaque entité et de solliciter des remboursements a posteriori.
 

Rédigé par Thibault Segalard le Lundi 22 Janvier 2024 à 18:00 | Lu 967 fois