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Le psychiatre de Tokani veut l'annulation de sa suspension


Si l’acte de sabotage est assumé, les griefs dépassent le seul terrain de la dénonciation. Le médecin aurait, selon le dossier, adressé à ses confrères et à sa hiérarchie des messages à tonalité menaçante. Crédit photo : Archives TI.
Si l’acte de sabotage est assumé, les griefs dépassent le seul terrain de la dénonciation. Le médecin aurait, selon le dossier, adressé à ses confrères et à sa hiérarchie des messages à tonalité menaçante. Crédit photo : Archives TI.
Tahiti, le 29 avril 2025 - Suspendu après avoir condamné des chambres d’isolement qu’il jugeait indignes, un psychiatre du Centre hospitalier de la Polynésie française a contesté la mesure devant le tribunal administratif.
 
Par un acte spectaculaire et revendiqué, un psychiatre avait tenté d’alerter sur les conditions d’internement de certains patients de Tokani, en août dernier. Il en a été suspendu. Son recours, où il demande l'annulation de sa suspension, a été examiné ce mardi devant le tribunal administratif. Mais celui-ci parait bien mal embarqué, pour des raisons annexes. L'affaire avait été largement médiatisée à la suite d'un article paru sur Radio 1.
 
C’est une histoire de désobéissance éthique, de tensions hospitalières et de limites de la dénonciation en milieu psychiatrique. Le 25 août dernier, en l’absence de son chef de service, le médecin prend une décision radicale : il obstrue à la colle époxy les serrures de trois chambres d’isolement de l’unité Tokani du CHPF, qu’il juge “inhumaines” et affiche dessus : “J’interdis l’utilisation à vie des trois chambres catastrophiques”.
 
Des cellules indignes
 
Ces cellules, situées dans la partie dite de “surveillance intensive”, sont sans fenêtres, dotées de portes blindées et fermées par trois verrous. Au sol, un simple matelas. Pour sanitaire, un WC turc non cloisonné, sans commande ni appel. De plus, des infiltrations d'eau se font par le sol et la climatisation ne fonctionne pas dans deux des trois “chambres” d'isolement. Le tout dans moins de 8 mètres carrés.
 
La description est connue, les rapports du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) – en 2012 puis 2022 – les avaient déjà jugées contraires à la dignité humaine, allant jusqu’à recommander leur fermeture.
 
Désobéissance et dégradation
 
Mais alors que l’on pourrait croire cette action couverte par le statut de lanceur d’alerte, le médecin n’a pas été protégé. Le 2 septembre, la direction du CHPF le suspend à titre conservatoire, avec interruption de traitement, pour “dégradation de matériel”, “menaces”, “médiatisation non autorisée” et “refus d’obéissance hiérarchique”. Désormais, le médecin a été licencié et est reparti en métropole, selon la représentante du CHPF, présente à l'audience.
 
Des menaces qui coûtent chères
 
Car si l’acte de sabotage est assumé, les griefs dépassent le seul terrain de la dénonciation. Le médecin aurait, selon le dossier, adressé à ses confrères et à sa hiérarchie des messages à tonalité menaçante. Il écrit notamment que toute tentative de réouverture des cellules serait exposée par voie de presse “locale, nationale, internationale”, avec recours juridiques à la clé. Un ton que certains collègues jugent intimidant : un autre médecin affirme avoir reçu des propos laissant entendre qu’il “en subirait les conséquences” s’il ne se montrait pas solidaire.
 
Pour le rapporteur public, ces éléments suffisent à justifier la suspension. Il reconnaît une tension éthique dans l’affaire. Mais il conclut que l’attitude globale du requérant nuit au bon fonctionnement du service hospitalier, ce qui justifie l’écartement du médecin. Le tribunal rendra sa décision le 13 mai prochain.
 

Rédigé par Thibault Segalard le Mardi 29 Avril 2025 à 16:49 | Lu 1097 fois