Le projet de Temae fait toujours débat


Moorea, le 12 novembre 2023 - Un nouveau plan d’aménagement de la plage de Temae a été présenté jeudi dernier à la population de Moorea et de Teavaro en particulier. Celui-ci propose notamment de déplacer une partie de l’emprise réservée actuelle vers le site communal. L’idée est également de créer une nouvelle voie de circulation qui relie la route de ceinture à la plage de Temae, en supprimant celle existante sur le domaine de Louis Wane. Le projet est toutefois loin d’avoir fait l’unanimité parmi les personnes présentes à la réunion. 
 
La commune de Moorea-Maiao a organisé jeudi une réunion d’information à la mairie de Teavaro afin de présenter à la population son nouveau projet d’aménagement de la plage de Temae. C’était plutôt dans une ambiance électrique que Ronald Teariki, le maire délégué de Teavaro, a dû répondre aux questions de la cinquantaine de personnes présentes, dont une partie des habitants de Teavaro, lors de la présentation du nouveau projet. Celui-ci prévoit notamment de déplacer une partie de l’emprise réservée, inscrite au Plan général d’aménagement (PGA) de Moorea en 2013, vers l’emplacement de l’actuel site communal (site où est implanté le terrain de beach soccer) tout en maintenant la superficie de 32 479 m2. Au lieu toutefois de s’étendre sur une distance de 550 mètres le long de la plage, la nouvelle emprise s’étalera sur une longueur de 200 mètres, tout en augmentant sa largeur à 120 mètres coté montagne.
 
Autre modification importante, celle de la suppression de la partie de la route de Temae qui se situe sur la propriété de Louis Wane. Celle-ci sera remplacée par une nouvelle voie de circulation de 12 mètres de large (dont 8 mètres pour les véhicules et 4 mètres pour les vélos et les piétons) et de 796 mètres de long. L’entrée de cette nouvelle route se fera par la route goudronnée, utilisée actuellement pour se rendre à l’aéroport de Moorea, et se dirigera tout droit vers le terrain communal (coté mer) actuel avant de se joindre à la voie de circulation actuelle qui relie l’ensemble des habitants du motu de Temae. À noter que la municipalité prévoit l’aménagement le long de cette nouvelle route d’une nouvelle zone d’exposition et de vente ainsi qu’un fare pote’e, d’une longueur de 60 mètres et d’une largeur de 30 mètres, sur le site communal actuel. La construction d’un parking est également prévue sur la nouvelle emprise réservée prévue.
 
Trouver un juste milieu
 
Dans son discours de présentation, Ronald Teariki a notamment affirmé que la volonté de l’équipe communale à travers ce nouveau projet d’aménagement est de trouver le juste milieu entre la création d’emplois, via les projets futurs du groupe Wane, et le besoin de la population de continuer à accéder à cette plage publique. Le tāvana de Teavaro a d’ailleurs mentionné la promesse de Louis Wane de laisser ouvert l’accès de la plage au public. Il lui était toutefois difficile de convaincre les opposants qui maintiennent leur volonté de continuer à bénéficier de l’ensemble de cette plage, comme en témoigne l’intervention de Tamara Kindynis, une habitante de Teavaro. “On sait ce que monsieur Wane veut. Il va certainement privatiser cette plage dans un an ou deux. Il va le faire à nos dépens. Je suis pour qu’on garde l’accès à cette plage. On a seulement trois plages publiques à Moorea. Si ça continue, on ne va plus en avoir du tout”, a-t-elle réagi.
 
Le but de la municipalité est aussi de remplacer la route actuelle, qui mène à la plage de Temae, puisque celle-ci devient à chaque fois impraticable durant les périodes de grosses pluies. Une idée que partage Claude Teiho, un habitant du motu de Temae. “Si cette route n’est pas supprimée, on va continuer à avoir des inondations à cet endroit. Les voitures ne peuvent plus passer. Il faut construire une nouvelle route. Qui voudra venir chez nous dans ces conditions ? On ne peut lancer aucun projet”, a-t-il pesté. Ce à quoi a répondu Alain Bonno, président de l’association des habitants de Temae : “Les travaux n’ont jamais été entrepris afin de mettre en conformité et aux normes la route actuelle. De plus, la construction d’une nouvelle route sur une partie marécageuse est encore plus problématique vu que c’est un terrain instable. Cela va demander des travaux gigantesques avec des remblais, etc. Ça va être pire”, a t-t-il prévenu.
 
Ce dernier a d’ailleurs lâché une véritable bombe en annonçant que Louis Wane ne serait finalement pas propriétaire de cette partie de la route pour la simple et bonne raison que “les voies de circulation n’étaient pas inclues dans l’achat de l’ex-domaine Enany”. Une raison de plus donc pour l’association des habitants de Temae de demander à inclure cette voie routière dans le domaine public routier tout en la mettant aux normes.
 
L’une des préoccupations des opposants de ce nouveau projet est également d’ordre environnemental. “Cette zone humide, c'est-à-dire le marécage, est sous la protection de la convention de Ramsar (traité international qui prône la conservation des zones humides, NDLR). La mairie a justement fait l’année dernière la publicité des zones humides de Moorea. Quand on voit ce qui sera construit sur le marécage, on peut dire que c’est un non-sens”, s’est encore inquiété Alain Bonno. Le tāvana de Teavaro a assuré vouloir discuter avec les différentes parties avant de soumettre prochainement ce projet au gouvernement de la Polynésie française.

Ronald Tearki, maire délégué de Teavaro : “On va continuer à discuter jusqu’à ce qu’on trouve un terrain d’entente”

“J’ai organisé cette réunion d’information afin d’informer la population de Moorea, celle de Teavaro notamment, du nouveau projet d’aménagement proposé par la commune de Moorea-Maiao. On sait  très bien que le groupe qui est venu aujourd’hui est celui de l’association des habitants de Temae. Ils viennent à coup sûr pour s’opposer à ce nouveau projet vu qu’ils ont plusieurs affaires en justice concernant le motu de Temae. C’est pour cela que je dis que leur opinion est celui d’un groupe. On demandera à un moment donné l’avis de la population. La volonté de la municipalité est de trouver le juste milieu entre la création d’emplois et l’avis de la population. Il est vrai que la plage de Temae, comme les opposants le disent, attire beaucoup de touristes. Le gouvernement a pour objectif d’accueillir plus tard 600 000 touristes par an, mais où vont-ils se loger s’il n’y a pas d’hôtel ? On veut aussi développer le tourisme à Moorea. On vient de me dire que la partie de la route de Temae sur la propriété du groupe Wane est finalement publique. J’attends toutefois de voir les documents justificatifs qui prouvent cela. On va réfléchir maintenant pour que ce projet soit convenable pour toutes les parties. C’était la première étape aujourd’hui. On va continuer à discuter jusqu’à ce qu’on trouve un terrain d’entente.”

Alain Bonno, président de l’association des habitants de Temae : “La mairie de Moorea favorise toujours le secteur privé sur l’intérêt public”

“On constate que c’est, à un détail près, le projet qu’avait présenté l’ancien gouvernement avec Édouard Fritch et Christophe Bouissou, et le maire Evans Haumani. Nous, on défend le projet présenté au PGA de 2013 avec l’emprise réservée de 3,2 hectares immédiatement en arrière des 550 mètres de plage. Leur projet n’est pas en conformité avec les directives du Pays par le biais du Schéma d’aménagement de la Polynésie française, c'est-à-dire le Sage, et avec le pouvoir d’institutions qui travaillent justement en accord avec les points retenus par le Sage. On est en contradiction avec le projet de la commune. Concernant le sujet de la création d’emplois, c’est un faux débat. Cette plage attire énormément de monde et d’événements. Quand les gens de Tahiti viennent, ils payent le bateau, une voiture ou un scooter de location, une pension de famille, etc. On constate que la mairie de Moorea favorise toujours le secteur privé sur l’intérêt public. On n’a pas d’information sur le coût de ce projet. On ne nous a pas non plus répondu sur la façon dont la population allait se positionner. On a évoqué à maintes reprises l’idée d’une consultation populaire au conseil municipal, mais cela n’a jamais été inscrit à l’ordre du jour. La municipalité ne semble pas y être favorable.”

Rédigé par Toatane Rurua le Dimanche 12 Novembre 2023 à 18:13 | Lu 3310 fois