Créer un prototype d'île flottante en Polynésie : le projet a séduit les technophiles locaux, et les promesses d'investissements ont intéressé le gouvernement. Mais face à l'opposition d'une partie de la population et l'échec de sa dernière levée de fonds, le projet est mal en point (crédit image : Seasteading Institute).
PAPEETE, le 6 novembre 2018 - Le projet de construction d'un prototype d'île flottante, qui affirme toujours compter se baser à Tahiti, a subi un nouveau revers. La société Blue Frontiers espérait lever plus de 3 millions de dollars US pour financer ce projet avec l'émission d'une crypto-monnaie nommée Varyon, mais l'opération financière est un échec. Les îles flottantes prennent-elles l'eau définitivement ?
Le projet de création d'un prototype d'île flottante en Polynésie est décidément bien mal en point. Après un bon accueil initial en 2016 et 2017 grâce aux promesses de transferts technologiques et d'investissements importants, vous vous souvenez qu'en février 2018, avant les élections territoriales, le sujet était devenu polémique.
Le débat est devenu politique et a débouché sur une manifestation d'opposition par des pêcheurs des îles du Vent et des riverains de Teva i Uta, soutenus par l'UPLD et la représentante Valentina Cross. Au point que le gouvernement Fritch avait dû publier un communiqué affirmant que la convention passée par le porteur de projet, la fondation américaine Seasteading Institute, est caduque, "n’a aucune valeur juridique" et "n’engage le Pays en aucune manière". Une position ambiguë, loin d'envoyer un signal d'encouragement aux promoteur de ces îles flottantes high tech.
Une posture renouvelée après les élections. Nous avions interrogé Jean-Christophe Bouissou, porte-parole du gouvernement, en mai dernier à ce sujet. Il nous affirmait alors que "manifestement le site qu'ils semblaient préconiser posait problème, il y a quand même une réaction importante de la population. Et le sujet est arrivé à un moment... qui n'était pas propice. Donc pour l'instant il n'y a pas d'actualité sur ce sujet. Ce n'est pas une question de savoir si le gouvernement est favorable ou pas." Donc une position molle qui se résumait en : le gouvernement n'est pas opposé au projet, à condition que tout le monde soit également d'accord.
La société Blue Frontiers, créée pour le projet polynésien mais basée à Singapour, a donc continué de travailler sur le projet cette année et d'afficher le soutien du gouvernement polynésien sur son site. Un argument sans doute important pour tenter de convaincre les investisseurs de financer les dernières études avant le lancement du projet.
Échec de la levée de fonds
Car la société, très liée au milieu high tech californien, espérait tirer parti d'un nouvel instrument financier pour lever entre 3 et 15 millions de dollars et faire enfin décoller le projet. La procédure, un peu complexe, s'appelle une "Initial Coin Offering", c'est-à-dire la mise sur le marché d'une nouvelle crypto-monnaie.
Le concept : les îles flottantes créent leur propre crypto-monnaie, nommée Varyon. L'ICO propose au public d'acheter des Varyon en échange d'une autre crypto-monnaie nommée l'Ethereum (similaire au Bitcoin mais plus moderne). Il y avait un seuil minimal. Si plus de 4000 Ether (l'unité monétaire de l'Ethereum) étaient levés, l'opération pouvait continuer. Sinon, tous les participants seraient remboursés et la levée de fonds serait annulée.
Le projet de création d'un prototype d'île flottante en Polynésie est décidément bien mal en point. Après un bon accueil initial en 2016 et 2017 grâce aux promesses de transferts technologiques et d'investissements importants, vous vous souvenez qu'en février 2018, avant les élections territoriales, le sujet était devenu polémique.
Le débat est devenu politique et a débouché sur une manifestation d'opposition par des pêcheurs des îles du Vent et des riverains de Teva i Uta, soutenus par l'UPLD et la représentante Valentina Cross. Au point que le gouvernement Fritch avait dû publier un communiqué affirmant que la convention passée par le porteur de projet, la fondation américaine Seasteading Institute, est caduque, "n’a aucune valeur juridique" et "n’engage le Pays en aucune manière". Une position ambiguë, loin d'envoyer un signal d'encouragement aux promoteur de ces îles flottantes high tech.
Une posture renouvelée après les élections. Nous avions interrogé Jean-Christophe Bouissou, porte-parole du gouvernement, en mai dernier à ce sujet. Il nous affirmait alors que "manifestement le site qu'ils semblaient préconiser posait problème, il y a quand même une réaction importante de la population. Et le sujet est arrivé à un moment... qui n'était pas propice. Donc pour l'instant il n'y a pas d'actualité sur ce sujet. Ce n'est pas une question de savoir si le gouvernement est favorable ou pas." Donc une position molle qui se résumait en : le gouvernement n'est pas opposé au projet, à condition que tout le monde soit également d'accord.
La société Blue Frontiers, créée pour le projet polynésien mais basée à Singapour, a donc continué de travailler sur le projet cette année et d'afficher le soutien du gouvernement polynésien sur son site. Un argument sans doute important pour tenter de convaincre les investisseurs de financer les dernières études avant le lancement du projet.
Échec de la levée de fonds
Car la société, très liée au milieu high tech californien, espérait tirer parti d'un nouvel instrument financier pour lever entre 3 et 15 millions de dollars et faire enfin décoller le projet. La procédure, un peu complexe, s'appelle une "Initial Coin Offering", c'est-à-dire la mise sur le marché d'une nouvelle crypto-monnaie.
Le concept : les îles flottantes créent leur propre crypto-monnaie, nommée Varyon. L'ICO propose au public d'acheter des Varyon en échange d'une autre crypto-monnaie nommée l'Ethereum (similaire au Bitcoin mais plus moderne). Il y avait un seuil minimal. Si plus de 4000 Ether (l'unité monétaire de l'Ethereum) étaient levés, l'opération pouvait continuer. Sinon, tous les participants seraient remboursés et la levée de fonds serait annulée.
La création de la crypto-monnaie Varyon devait apporter entre 3 et 15 millions de dollars au projet d'île flottante. Mais la levée de fonds n'a pas réussi à mobiliser les investisseurs et s'est terminée sur un échec. Tous ceux qui avaient soutenu l'initiative ont été remboursés.
Malheureusement, l'opération a été lancée en plein effondrement des crypto-monnaies. L'Ethereum est passé d'un sommet à plus de 1400 dollars par Ether en janvier à moins de 450 dollars par Ether en juillet (il tourne aujourd'hui autour des 200 dollars). L'ICO s'est terminée le 14 juillet dans ce contexte morose et n'a réussi à mobiliser que 3100 Ether. La levée de fonds est donc un échec, les investisseurs ont été remboursés et le Varyon n'a finalement pas vu le jour sur les marchés internationaux…
Mais ce n'est que trois mois plus tard, le 24 octobre, que la société Blue Frontiers a officialisé cet échec dans un mail à sa communauté de supporters. Dans ce message, la société affirme que "bien que nous pourrions toujours utiliser le Varyon dans le futur, le marché baissier prolongé et des retards sur certaines étapes importantes nous ont forcés à envisager des options différentes de celles prévues à l'origine. Nous avons pris la décision de concentrer nos efforts sur ces étapes importantes au lieu de prendre le risque et le temps pour une ICO."
Les porteurs du projet affirment aussi être toujours "en pourparlers avec des officiels enthousiastes du gouvernement de la Polynésie française, qui continuent d'avoir confiance dans le projet et nous aident à identifier l'endroit le plus approprié pour la première île flottante." Nous avons contacté le gouvernement à ce sujet, qui a officiellement démenti cette affirmation.
La situation politique semble donc devenir ouvertement opposée au projet. Pas étonnant donc que la société Blue Frontiers continue de soutenir son grand concours international à la recherche d'un autre pays hôte. Plus d'une douzaine de participants auraient à ce jour identifié des coins de lagon accueillants, dans l'espoir de décrocher les 100 000 dollars de prix offerts par Blue Frontiers (à la condition que l'île flottante soit finalement construite) et tout un tas de… Varyon, une monnaie qui n'a pour l'instant aucune valeur.
Le projet d'île flottante est donc au creux de la vague, mais il n'a pas encore coulé. Reste à voir s'il arrivera à naviguer hors de ces eaux troubles sans boire définitivement la tasse...
Mais ce n'est que trois mois plus tard, le 24 octobre, que la société Blue Frontiers a officialisé cet échec dans un mail à sa communauté de supporters. Dans ce message, la société affirme que "bien que nous pourrions toujours utiliser le Varyon dans le futur, le marché baissier prolongé et des retards sur certaines étapes importantes nous ont forcés à envisager des options différentes de celles prévues à l'origine. Nous avons pris la décision de concentrer nos efforts sur ces étapes importantes au lieu de prendre le risque et le temps pour une ICO."
Les porteurs du projet affirment aussi être toujours "en pourparlers avec des officiels enthousiastes du gouvernement de la Polynésie française, qui continuent d'avoir confiance dans le projet et nous aident à identifier l'endroit le plus approprié pour la première île flottante." Nous avons contacté le gouvernement à ce sujet, qui a officiellement démenti cette affirmation.
La situation politique semble donc devenir ouvertement opposée au projet. Pas étonnant donc que la société Blue Frontiers continue de soutenir son grand concours international à la recherche d'un autre pays hôte. Plus d'une douzaine de participants auraient à ce jour identifié des coins de lagon accueillants, dans l'espoir de décrocher les 100 000 dollars de prix offerts par Blue Frontiers (à la condition que l'île flottante soit finalement construite) et tout un tas de… Varyon, une monnaie qui n'a pour l'instant aucune valeur.
Le projet d'île flottante est donc au creux de la vague, mais il n'a pas encore coulé. Reste à voir s'il arrivera à naviguer hors de ces eaux troubles sans boire définitivement la tasse...