Le prix de la vanille affole les grands pâtissiers


L'Epic Vanille de Tahiti souhaite multiplier par trois la production de vanille d'ici quatre ans.
PAPEETE, le 12 décembre 2017. Depuis 2013, la production de la vanille de Tahiti a fortement baissé, provoquant une envolée des prix. Pour s'adapter à cette nouvelle situation, des grands pâtissiers reconnus en métropole ont décidé de diminuer le nombre de leurs gâteaux à base de vanille, voire d'arrêter d'utiliser cette épice devenue très chère.

Des grands pâtissiers et cuisiniers de métropole sont forcés de renoncer à la vanille de Tahiti ou d'en diminuer fortement leur utilisation car le prix a été multiplié par trois en sept ans (voir graphique). L’artisan chocolatier Mathieu Bijou, qui a ouvert ses propres boutiques après avoir travaillé dans de grands restaurants, explique qu'il ne supprimera "jamais" la vanille mais il précise avoir "réduit le nombre de gâteaux à la vanille et avoir augmenté le prix de chacun". Mais tout le monde n'est pas prêt à tirer vers le haut ses tarifs. Valérie Guiliani, chef cuisinier à Forcalquier (sud-est de la France) a arrêté de travailler la vanille dans ses desserts. Pour la première fois, elle a renoncé à un "ingrédient de base" de la cuisine, devenu pour elle inabordable.

En cause : la baisse de la production de la vanille de Tahiti depuis 2013 qui a fait flamber le prix de cette épice douce. En juillet dernier, le kilo de vanille sèche préparée en Polynésie française était vendu à un prix moyen de 53 000 francs contre 17 000 Fcfp entre 2009 et 2012. La vanille est devenue une épice précieuse, la plus chère du monde après le safran.

Cette année, environ 20 tonnes de vanille verte dite mûre ont été produites ce qui représente environ 10 tonnes de vanille sèche de Tahiti.

Selon l'Institut de la statistique de la Polynésie française, la France, les États-Unis et les Pays-Bas sont les trois premiers marchés pour la Vanille de Tahiti (80 % des recettes). La vanille est également expédiée dans 17 autres pays. Sources : Service des Douanes, ISPF
Comment est-on passé de 17.7 tonnes produites en 2014 à près de 10 tonnes en moins de trois ans ? Carine Vairaaroa, directrice général de l'Epic Vanille de Tahiti, explique : "les premières ombrières ont été installées en 2003. Elles ont commencé à produire à partir de 2006. Elles sont arrivées à leur pic de production en 2009. Cette année-là, on a eu une production de 73 tonnes de vanille mûre contre 49 tonnes l'année précédente". La loi de l’offre et de la demande est alors entrée en jeu et a provoqué la baisse du prix de la vanille.

"On a alors assisté à un phénomène d'abandon et de démotivation des producteurs", décrit Carine Vairaaroa. Les producteurs de vanille estiment en effet à 3 500 Fcfp le coût de revient d'un kilo de vanille mûre, c’est-à-dire non préparée. Le prix de rachat est tombé en 2009 à 2 700 Fcfp, soit un manque à gagner de 800 Fcfp pour les producteurs. Démotivés certains ont abandonné leurs ombrières ou ont fait un entretien minimum. Or, la précieuse orchidée demande beaucoup d'attention. Pour obtenir son arôme si savoureux, il faut un savoir-faire, de la précision et du temps. La pollinisation de sa fleur est notamment une opération très délicate, qui ne peut se faire que manuellement et après une longue observation puisque cette phase cruciale n’est possible que pendant quelques heures.
Voyant la chute de la production de la vanille, "Fin 2013, nous avons entamé une campagne de remotivation et de régénération des ombrières", explique Carine Vairaaroa.

Aujourd'hui, le kilo de vanille mûre s'achète à environ 10 000 Fcfp alors que 20 tonnes de vanille mûre ont été produites cette année. Un volume bien inférieur au pic de 2009 avec 73 tonnes produites cette année-là. Mais cette flambée du prix de la vanille devrait susciter de nouveau l'intérêt des producteurs.

Appellation d'origine protégée

La forte baisse de la production de la vanille de Tahiti a laissé de la place sur le marché de cette épice. La Papouasie-Nouvelle-Guinée, mais aussi l'île Maurice ou la Thaïlande se sont placés sur ce marché en produisant de la Vanille tahitensis avec des coûts beaucoup moins élevés.

Pour se différencier, l'Epic Vanille de Tahiti et l'association interprofessionnelle de la Vanille de Tahiti travaillent pour obtenir l'appellation d'origine protégée (AOP). Celle-ci est un signe européen caractérisant un produit dont la production, la transformation et l'élaboration doivent avoir eu lieu dans une aire géographique déterminée avec un savoir-faire reconnu et constaté. Les représentants à l'assemblée doivent examiner ce jeudi une convention demandant l'assistance technique de l'Institut national de l'origine et de la qualité, pour l'instruction du dossier afin d'obtenir l'appellation d'origine protégée de la vanille de Tahiti.

L'objectif est d'obtenir cette AOP en 2019. Les professionnels, qui souhaitent augmenter leur production, visent également la conquête de nouveaux marchés comme la pharmacopée et la cosmétique.

Malheureusement, pour les consommateurs polynésiens, il va rester difficile de trouver des gousses de vanille au fenua car les trois grands distributeurs privilégient leurs clients étrangers. La demande mondiale pour ce produit est telle que les prix risquent de rester à un haut niveau pendant quelques années. S'il vous reste des gousses, utilisez les avec parcimonie et savourez vos gâteaux à la vanille.


Rédigé par Mélanie Thomas le Mardi 12 Décembre 2017 à 16:57 | Lu 43176 fois