"Le plus dur pour moi a été de remonter la pente"


PAPEETE, le 02/09/2015 - Charles Tetaahi est un héros en Australie. En mai 2010, il a sauvé la vie d'un petit garçon de 3 ans qui se noyait à Surfers Paradise, sur la Gold Coast australienne. Dans la nuit du 28 mai 2010, ce polynésien, âgé aujourd'hui de 41 ans a dû surpasser ses propres peurs avant de se lancer à l'eau. Cinq ans après, l'émotion est encore présente même si ce père de famille a réussi à reprendre le cours de sa vie.

Ancien danseur des grands ballets de Tahiti, Charles Tetaahi traverse les océans pour partager sa passion du "ori tahiti".

Il a quitté la Polynésie en 2000 pour aller à Nouméa, puis ensuite à Surfers Paradise, dans la Gold Coast en Australie, rejoindre sa sœur. Sur place, il décide d'ouvrir une école de danse et participe activement à un club de Kung Fu. C’est sans doute sa très bonne condition physique qui a permis à ce Tahitien de 41 ans de réaliser l'exploit.

Dans la nuit du 28 mai 2010, il se promenait sur un pont à Surfers Paradise et "j'ai vu le petit Lucas flotté et ça n'a pas été évident parce qu'à ce moment-là, il y a toutes les émotions qui font surface. On se pose la question, est-ce qu'on saute ou pas ?", raconte Charles.

"C'est vrai que j'ai hésité quelques secondes avant de me lancer, je suis revenu sur mes pas. J'ai eu un moment d'émotion mélangé entre la peur, le courant qu'il y avait et les requins, tout cela était mélangé dans ma tête. Mais entre la peur et les émotions, j'ai décidé de réagir mais bon longtemps après car je suis revenu sur mes pas, parce que j'avais peur. Et vu qu'il n'y avait personne, je m'étais dit que personne n'allait me voir. Mais bon, l'émotion était plus forte et je ne pouvais pas laisser faire cela et la vie d'une personne est très importante, donc je me suis lancé et j'ai sauté du pont pour aller chercher le petit Lucas, dans cet eau glacée", décrit-il.

"Il y avait beaucoup de courant. Et puis mes vêtements étaient très lourds, en particulier mes chaussures, je coulais moi-même. Mais lorsque je l’ai rejoint, je lui ai crié : it’s OK, I’m here ! Je l’ai serré contre moi, il était paniqué, et en même temps il me serrait très, très fort. Je lui parlais pour le rassurer. J’ai cru que je n’y arriverais jamais. J’ai senti la mort venir. Le courant nous emmenait, il faisait nuit noire. J’étais épuisé, je n’avais plus de forces, c’était très dur. Je me suis dit : On est foutus", se rappelle encore Charles.

Après l'incident, Charles n'avait qu'une seule envie "j'avais énormément besoin de ma mère, de mon fils, de ma famille et de mon groupe de danse".

Ce polynésien a été décoré pour sa bravoure par le gouvernement australien. "J'étais honoré, mais gêné aussi car je suis une personne très timide".

Cet incident l'a également rapproché du petit Lucas. Depuis cinq ans, ils n'ont pas perdu le contact. "C'est comme mon fils fa'amu puisqu'il n'a plus de père", explique Charles.

Après sept ans d'absence, Charles est enfin revenu sur son île natale. Il prend le temps de revoir l'ensemble de sa famille avant de retourner en Australie.

Cet évènement l'a beaucoup changé selon ses proches. "Aujourd'hui, c'est un nouvel homme que nous avons devant nous. Je suis vraiment fière de mon fils", confie sa mère.

Danseur accompli, Charles fait aussi la fierté de ses deux mentors des grands ballets de Tahiti, Teiki et Lorenzo. "Cela ne m'étonne pas puisque Charles incarne la générosité", assure Teiki.

Rédigé par Corinne Tehetia le Mercredi 2 Septembre 2015 à 16:39 | Lu 3449 fois