Le plan des Marquisiens pour créer leurs emplois


La Codim a adopté trois plans d'actions qui détaillent comment la pêche, l'agriculture et un label peuvent être développés pour créer de l'emploi aux Marquises
PAPEETE, le 12 octobre 2016. Pêche, agriculture, label… La communauté de communes des îles Marquises a adopté un plan pour créer ses emplois. Un enjeu important pour l'archipel le plus touché par le chômage. Les élus marquisiens en discuteront la semaine prochaine avec le gouvernement qui a prévu un conseil des ministres mardi à Nuku Hiva.

La Communauté de communes des îles Marquises a adopté trois fiches d'actions en juin dernier. Objectif : assurer le développement endogène de l'archipel. Pour y parvenir, les maires souhaitent "organiser et structurer une pêche semi-industrielle", "implanter de nouvelles unités agro-industrielles basées sur la transformation des produits agricoles" et "obtenir un label de qualité et une marque d'origine du patrimoine culturel, matériel et immatériel". Un défi important pour cet archipel, qui abrite plus de 9 200 personnes selon le dernier recensement en 2012. Le taux de chômage mesuré alors atteignait 30,6 %, le taux le plus élevé de Polynésie française.

La pêche fraîche une priorité
La Codim compte beaucoup sur la pêche. Les élus marquisiens souhaitent commencer par la pêche fraîche en utilisant les structures existantes à Hiva Oa. Sur l’île, le port est à 20-30 minutes de l’aérodrome. "Pour continuer à fixer ses familles dans les îles, elle entend faire accéder à celles-ci des ressources jusqu’ici inexploitées dans la zone des 20 miles (poti marara), entre 20 et 200 miles (pour les thoniers de 13 mètres)", décrit le plan d'action adopté par la Codim.
Des investisseurs privés se seraient déjà dit intéresser. « Nous avons un vivier d’investisseurs qui sont déjà expérimentés dans la pêche, qui sont à Tahiti et qui souhaiteraient s'implanter aux Marquises. Beaucoup de pêcheurs marquisiens qui travaillent sur des thoniers à Papeete souhaiteraient revenir ici», précise Félix Barsinas, président de la Communauté de communes des îles Marquises.

Fort de ces appuis, la Codim est allée frapper à la porte du Pays pour présenter son projet. Les instances du Pays, les pieds sur terre, ont demandé que « le coût des investissements et ce dont on a besoin soient définis», décrit l’élu de Tahuata. « J'ai demandé à nos partenaires privés qu'on puisse revoir notre copie d'ici la semaine prochaine avant de retourner voir le Pays pour qu'on présente un plan de financement de cette activité de pêche » , ajoute Félix Barsinas.
Pour mener à bien leurs projets, les élus marquisiens aimeraient bénéficier d’un transfert de compétences dans certains domaines, notamment celui de la pêche et de l'agriculture : « ce ne sont pas des compétences d’ordre général que nous souhaitons demander au Pays mais ciblées par rapport à la pêche et l'agriculture)», décrit Félix Barsinas.

Là-dessus, pas sûr que le gouvernement soit prêt à lâcher du lest. En août dernier, Teva Rohfritsch, en charge de l’Économie bleue et de la Relance économique, répondait déjà aux maires après le congrès des communes : "Il faut faire attention car une question de transfert total, c'est définitif. Ensuite, c'est exclusif ça veut dire qu'une fois qu'on exerce une compétence il faut pouvoir la financer et avoir les conditions de l'exercer. A l'échelle d'une commune, on n'a pas les mêmes moyens qu'à l'échelle du Pays."

Interrogé sur le projet de pêche, le ministre souligne : « C’est un projet qui décrit des ambitions mais qui doit encore être travaillé sous l’angle de la faisabilité. Il faut accompagner les archipels pour qu’il y ait un développement plus polarisé et faire en sorte que Tahiti concentre moins l’activité. Mais il faut que les investissements soient rentables, que la filière soit viable, que les produits pêchés là-bas puissent être exportés vers Tahiti ou vers l’extérieur à des coûts qui permettent de se positionner sur le marché. Pour l’instant, le projet que j’ai vu ne répond pas à tous ces critères. »
Pour les maires des Marquises, leur projet est viable : « Si ce premier projet de pêche fraîche avec trois quatre thoniers est positif, on passera à une deuxième étape : mettre un grand port de pêche à Nuku Hiva où on aura besoin de l'aéroport international. On souhaite rassurer les instances du Pays et de l'Etat. Avant de se lancer dans des grands projets de grande envergure, commençons par des micro-projets. »

Une usine de transformation de fruits
A côté de la pêche, les Marquises comptent aussi sur l’agriculture. En janvier prochain, une première usine de transformation de fruits et de fabrication d'huile vierge de coco ouvrira ses portes à Hiva Oa. Un investisseur privé, Nicolas Laugeon, construit son usine sur une parcelle que la commune lui loue.
Cette activité va en générer d’autres. Une première pépinière devrait être installée à Ua Huka. Une deuxième devrait ensuite suivre à Hiva Oa. La Codim n’a pas choisi Ua Huka au hasard. L’île abrite en effet un CJA (Centres de jeunes adolescents). « On va recenser toutes les terres domaniales en vue de mettre en place des pépinières. Aux jeunes sortants du CJA, on octroiera une parcelle pour répondre aux besoins de cette entreprise, qui sera opérationnelle en janvier », explique Félix Barsinas.
« Ma préoccupation en tant que président de la Codim est d’installer un certain équilibre entre les îles sachant que les trois grandes (Nuku Hiva, Ua Pou et Hiva Oa) ont d'autres projets. C'est à nous, à la Codim, de restaurer cet équilibre économique pour que tout le monde puisse y retrouver son compte. »
Les élus marquisiens vont pouvoir en rediscuter très prochainement avec le gouvernement, qui sera en déplacement dans l'archipel de samedi à jeudi. Un conseil des ministres aura lieu mardi à Nuku Hiva.

L'usine ouvrira en janvier à Hiva Oa

Depuis deux ans, Nicolas Laugeon travaille sur le projet de la mise en place d'une usine de transformation de fruits et de fabrication d'huile vierge de coco. Aux Marquises, il possède déjà des ruches à Hiva Oa et Ua Huka. Neuf personnes y travaillent. Bientôt, il en installera à Tahuata et à Apataki.

L'usine, à Hiva Oa, sur un terrain à la sortie du village, à côté du quai, doit être terminée en décembre et mise en service en janvier. Quatre à cinq emplois permanents y seront créés. A terme, Nicolas Laugeon aimerait y employer "20 à 30 personnes".
L'ancien informaticien s'était d'abord reconverti dans les énergies renouvelables à travers la société Technopro. Grâce à cette activité, Nicolas Laugeon a sillonné les Tuamotu. Voyant le nombre de noix de cocos jonchées le sol non utilisées, il a alors eu l'idée de de se lancer dans la fabrication d'huile de coco.
Parmi les pistes de la diversification de la filière « coco », la production d’huile vierge de coco apporte une forte valeur ajoutée. Grâce à ses nombreuses vertus, le litre d'huile vierge de coco peut se vendre à 4 000 Fcfp à l'international.
En plus de la fabrication d'huile de coco, l'usine fabriquera des fruits séchés à partir de bananes, mangues, papayes… Les fruits arriveront à l'usine et seront transformés et conditionnés sur place. Fort de son expérience en énergies renouvelables, Nicolas Laugeon a prévu de faire fonctionner l'usine de Hiva Oa aux énergies propres. "Vu le coût de la vie ici, il faut qu'on fasse de la qualité, des produits hauts de gamme", souligne Nicolas Laugeon. Celui-ci vise le marché américain, néo-zélandais, australien et européen, "des pays qui sont très penchés sur le côté santé-bio".
Nicolas Laugeon aimerait pouvoir par la suite ouvrir une usine du même type à Tahuata, Ua Huka, Apataki et Tatakoto.


Bientôt un label ?

Pour booster son économie, la Codim souhaite aussi mettre en place un label Marquises pour certifier « sa qualité et son origine ». La Codim voudrait que ce label puisse être mis en place pour les biens intellectuels et culturels de son patrimoine matériel (tapa, sculpture, artisanat, kumuhei, pani, tapa, art culinaire: kaaku, mito, mama, popoi) et immatériel (langue, tatouage, chants, danses).
Du côté du gouvernement, on leur a conseillé d’opter pour la « marque collective »
Une marque collective de certification est une marque qui peut être exploitée par toute personne respectant un cahier des charges (appelé règlement d’usage) homologué, qui instaure un système de contrôle. En France, par exemple, la marque « Esprit parc national », créée en 2015 est commune aux acteurs économiques des dix Parcs nationaux français. Cette marque collective est conçue pour soutenir et valoriser les activités économiques, touristiques et agricoles s'inscrivant dans le respect et la valorisation des patrimoines locaux des Parcs nationaux.


Le résultat de la communauté de communes

Felix Barsinas (en vert) au Festival des arts des îles des Marquises, en décembre 2015.
Pour Félix Barsinas, président de la Communauté des communes des îles Marquises, tous ses projets n’auraient pas pu être définis sans l’existence de la Codim, créée en novembre 2010. « Cela nous a permis de nous retrouver autour d'une table et ne plus prêcher uniquement pour notre paroisse. Grâce à la Codim, nous avons pu obtenir un consensus et une vision générale communautaire du développement de notre archipel. »
Depuis 2008, les tavana peuvent se réunir au sein d'une communauté de communes. En Polynésie française, deux ont été créées : celle de Hava’i aux îles Sous-le-Vent, qui regroupe les communes des Raromatai sauf Bora Bora et celle des Marquises, qui rassemble Fatu Hiva, Hiva Oa, Nuku Hiva, Tahuata, Ua Huka et Ua Pou.
Les maires de Arutua, Fakarava, Manihi, Rangiroa et de Takaroa souhaitent se réunir au sein d'une communauté de communes. Objectifs : développer le tourisme, l'agriculture, la pêche, la pêche et la perliculture. Mais ce projet en discussion depuis plusieurs années n'a toujours pas pu se concrétiser.

Rédigé par Mélanie Thomas le Mercredi 12 Octobre 2016 à 17:00 | Lu 9042 fois