Le personnel soignant dans la rue, le protocole d’accord sur le budget toujours pas signé


Tahiti le 19 janvier 2023 - Le personnel soignant gréviste de l’hôpital a organisé une marche de manifestation jusqu’à la présidence, jeudi. En début d’après-midi, après la manifestation, le gouvernement a reçu les différents syndicats au ministère de la Santé sans parvenir à un protocole de fin de crise. Les discussions doivent reprendre vendredi dans la matinée.

Une partie du personnel du centre hospitalier de Polynésie française est entrée en grève ce jeudi 19 janvier. Accompagnés de leurs syndicats, les agents de chaque service ont organisé une procession dans la matinée, du CHPF jusqu’à la présidence. Vendredi 13 dernier, un préavis de grève avait été déposés, après que l’intersyndicale a refusé les propositions du gouvernement concernant le budget de l’hôpital Taaone. Dans la soirée du mercredi 18 janvier, le préavis est finalement arrivé à échéance. L’intersyndical et le gouvernement n’ayant pas réussi à trouver de compromis budgétaire.

Le gouvernement s’est entretenu au ministère de la Santé avec l’intersyndicale, dans l’après-midi de jeudi afin de tenter de parvenir à la signature d’un accord. Il n’en a rien été. Les pourparlers ont été arrêtés en début de soirée, le ministre des Finances ayant dû s’absenter pour une réunion. “Il n’y a plus de points qui bloquent. Demain on devrait finir et signer le protocole”, a commenté le ministre Jacques Raynal, jeudi soir, alors qu’une nouvelle rencontre de négociation était programmée vendredi dans la matinée.

Un peu plus de 300 personnels soignants grévistes ont participé jeudi matin à la marche en direction de la présidence. “La majorité absolue de l’hôpital a décidé de marcher pour s’exprimer. Beaucoup d’autres auraient voulu nous rejoindre, mais on doit respecter le service minimum pour faire tourner l’hôpital. Ils nous soutiennent dans le cœur, et arborent des badges solidaires par exemples”, observe Mireille Duval, la secrétaire générale du syndicat majoritaire à l’hôpital.

Un protocole d’accord conditionné

Malgré la contestation de jeudi, Mireille Duval affirme que des “avancées, ont été faites [jeudi] soir, avec les ministres de la Santé et des Finances”. Ce que confirmait le ministre de la Santé à l’issue des négociations jeudi soir. Sandrine Vauthier, présidente du syndicat SPEPPF de l’hôpital, est du même avis. “On ne peut pas le nier : il y a eu des avancées. Par contre, il y a des points bloquants qui n’ont pas trouvé d’issues favorables. Après concertation, les agents de nos services nous ont rappelé que les demandes rejetées par le ministère étaient d’autant plus importantes. On a aussi avancé sur une partie de la pérennisation du budget ; mais pas sur tout. C’est ça qui pose problème aujourd’hui”, explique-t-elle.

Philippe Dupire, président de la commission médicale d'établissement au CHPF montre quant à lui une certaine fermeté : “On est positionné sur un certain nombre de sommes qui correspondent à des déficits de l’hôpital. À ce jour, on n'a pas de réponse positive pour la totalité. Cela concerne essentiellement des problèmes de renfort en personnel. En toute logique, quand l’avion n’a pas son personnel, il ne décolle pas. On commence à être en difficulté sur le principe de prise en charge et de sécurité des soins. Aujourd’hui, il est très important que les sommes qui nous arrivent ne soient pas ponctuelles. Elles doivent être pluriannuelles. Cette pluri-annualité nous permettra par la suite, de recruter du personnel. En principe, quand on a des sommes qui arrivent pour une année, on n'a pas le droit de recruter, de faire des contrats, parce que l’année suivante on ne sait pas où on va et si on va creuser le déficit”, expliquait-il en marge de la manifestation jeudi matin. Marche durant laquelle ils étaient nombreux à déplorer la situation de manque d’effectifs à l’hôpital.

L’hôpital souffre de “précarité”

Thomas Guillemain est médecin au service de radiologie du CHPF. Interrogé durant la marche, il affirmait sans détour : “Un jour où on se met en grève, c’est un jour ou on se tire une balle dans le pied. Mais les chirurgiens travaillent sur des effectifs de nuit, parce qu’il n’y a plus personne pour assister leur opération. Les anesthésistes sont aussi en sous-effectif. Résultat : ils ne peuvent plus endormir, donc on ne peut pas opérer les gens qui viennent à l’hôpital. Je ne connais pas les chiffres mais je dirais que, pour des opérations simples comme des appendicites, il y en a au moins 4 sur 5 qui sont renvoyées ailleurs, faute de personnel. Sur les trois chirurgiens digestifs, quand il y en a un qui part en vacances, il en laisse deux qui se retrouvent d’astreinte. Résultat : une nuit sur deux ils ne dorment pas. Tous les gens qu’on ne soigne pas aujourd’hui, vont être encore plus malades demain. Ce qu’on demande, c’est que dans chaque corps de métier, on gonfle un peu les effectifs pour avoir des conditions de travail décentes.”

Pour combler ce manque de personnel, le ministre de la Santé entend rouvrir une école d’infirmières. Dirigé par la Croix-Rouge, l’établissement devrai être en fonction “dès septembre”, affirme Jacques Raynal. En janvier 2021, le gouvernement avait décidé de suspendre pour une période de trois ans, l’inscription de l’institut de formation d’infirmiers, Mathilde Frébault. “La fermeture de ce site est catastrophique. Le nouveau centre de formation va faire du bien”, affirme la présidente de syndicat, Sandrine Vauthier.

Selon une infirmière interrogée en marge du cortège de manifestation – et qui préfère garder son anonymat –, le matériel vient aussi souvent à manquer. “Ça fait deux mois que je suis arrivé ici. Je travaille au bloc opératoire. À chaque fois, les chirurgies me demandent des compresses ‘Célio’. On doit leur répondre que l’on n'en a pas, alors que c’est important pour la chirurgie. Ce sont des conditions très précaires. On n’a pas assez de moyens pour financer certains matériaux. Alors, les chirurgiens sont obligés de biduler avec le matériel à disposition”, déclare-t-elle. L’accord de protocole devrait entre autres permettre de fixer un budget pour chacun des services de l’hôpital. Restait encore à savoir, jeudi soir, si le gouvernement et l’intersyndicale arriveraient à s’entendre à l’issue de la négociation prévue vendredi.


Article de Guillaume Marchal et Vaite Urarii-Pambrun

Rédigé par Guillaume Marchal le Jeudi 19 Janvier 2023 à 20:50 | Lu 964 fois