Le pari du tapa présenté à Paris


Paris, le 6 juin 2024 - Le tapa, matériau végétal ancestral, est aussi devenu la passion de Hinatea Colombani et de Miriama Bono, qui souhaitent que tous les Polynésiens se remettent à planter pour fabriquer et utiliser ce “tissu” étonnant, support de couleurs et de motifs traditionnels voire même contemporains. Elles ont fait escale à la Délégation de la Polynésie française, lors d’une tournée en Europe.
 
C’est au son du vivo et du battoir à tapa que le public parisien a été invité à observer un accueil rituel avant de pénétrer dans la salle de la Délégation de la Polynésie française. Le ton étant donné, Hinatea Colombani et Miriama Bono ont longuement commenté avec enthousiasme leur démarche culturelle pour réhabiliter le tapa. Et ce, d’autant que dans d’autres îles du Pacifique et même plus loin, en Ouganda, le tapa n’est pas une antiquité.
 
À travers le concept Tapa O’Tahiti, Hinatea Colombani a tourné le dos à la danse pour se consacrer à l’étude minutieuse de l’utilisation, de la décoration et de la symbolique du liber, ce tissu végétal où circule la sève. De son côté, Miriama Bono a apporté tout le relationnel scientifique et les sites à visiter ou à contacter dans le monde pour augmenter et comparer les savoirs – bien souvent enfouis dans les musées. Les rencontres internationales lors d’un atelier de spécialistes en septembre 2023, le succès des ateliers tapa au Musée de Tahiti et l’exposition de mars dernier sur le thème de la lune les ont incitées à pousser encore plus loin les recherches. Les deux artistes ont alors décidé de faire une tournée en Europe, dont Rome, le Musée du quai Branly-Jacques-Chirac et la Fondation Cartier.
 
“Il y a encore beaucoup de choses à apprendre de notre patrimoine et à découvrir dans les musées ou leurs réserves”, explique Miriama Bono. “Et on s’est rendu compte aussi qu’on aidait les équipes des musées à faire le lien entre certains objets et même au niveau des teintures”, complète Hinatea Colombani.
 
“Réconcilier le passé avec le présent”
 
Forte de plus de 2 000 personnes qui ont suivi les ateliers à Papara, Hinatea Colombani voit l’avenir prometteur. Le défi est alors de sensibiliser le public. “Il faut que toutes les familles polynésiennes se réapproprient les gestes et [certaines] familles ont d’ailleurs déjà les outils à la maison qui ne servent pas. Notre objectif est de réconcilier le passé avec le présent et de se projeter sur l’avenir. Nous, on va conquérir le monde avec le tapa ! C’est clair !”, lance Hinatea Colombani.
 
L’exposition de mars dernier, dans un cadre de créations contemporaines, a aussi permis d’échanger avec la communauté et de porter un autre regard sur cette étoffe extraordinaire. […] Il y a beaucoup d’exemples d’un regain d’intérêt, d’un partage des connaissances et des pratiques. […] Il y a une vraie synergie globale à l’échelle du Pacifique comme dans d’autres domaines pour une reconquête du patrimoine culturel”, explique Miriama Bono. Reste à savoir quel vecteur pour développer cette reconquête : les familles, l’école ? “Entre le tapa, les langues et les techniques de navigation, il y a aussi un besoin de reconnexion transgénérationnelle et je pense qu’on est sur la bonne voie”, estime encore Miriama Bono.
 
Après le orero, le tapa ? “Ah mais oui ! Maintenant, c’est à nous à porter tout ça. La preuve, nous sommes venues en Europe pour en parler. D’ailleurs, on a rencontré le directeur de la Fondation Cartier qui a envie de venir à Tahiti faire du tapa !”, complète Hinatea Colombani qui par ailleurs voudrait que les Polynésiens prennent plus soin de leur terre : “Il faut planter ! C’est merveilleux de planter des arbres. Cela participe en plus à l’écosystème de la planète”, renchérit Hinatea Colombai qui suggère fortement que le tapa soit présent aux grandes étapes de la vie : naissance, baptême, anniversaire, mariage et décès. Alors : aute, uru, mape, ora et autres arbres similaires : “Comme à Tonga, il faut planter maintenant !

Rédigé par Philippe Binet le Jeudi 6 Juin 2024 à 19:15 | Lu 1912 fois