Le parcours de Gaston Flosse, le "Vieux lion" frappé d'inéligibilité


PAPEETE, le 7 septembre 2014. A 83 ans, Gaston Flosse a perdu vendredi dernier la présidence de la Polynésie française après le refus de François Hollande de le gracier. Il aura finalement été terrassé par la justice, même s'il conserve, pour l’instant, son mandat de sénateur (DVD, ex-UMP).
Les Polynésiens peinent à croire que la justice puisse mettre un terme à la carrière du "Vieux lion", le surnom donné par ses partisans comme ses adversaires. Car le lion est aussi un phénix, toujours revenu plus fort après des déroutes électorales et des procès retentissants.

Avant 2004, son règne a été sans partage. Premier président de la Polynésie française autonome, en 1984, il gouverne pendant 20 ans hormis une interruption de trois ans due au putsch de l'un de ses anciens fidèles. La plupart de ses rivaux autonomistes ont d'ailleurs fourbi leurs premières armes politiques dans son parti, le Tahoera’a Huiraatira. Mais son principal adversaire, depuis plus de 30 ans, est l'indépendantiste Oscar Temaru. C'est face à lui qu'il a perdu le pouvoir, en 2004, et qu'il a entamé une traversée du désert de neuf ans, malgré quelques courts retours au pouvoir à la faveur d'alliances politiques avec tous ses adversaires successifs.

Depuis 2012 en revanche, il était revenu en force: les trois députés polynésiens sont alors issus du parti orange. En 2013, il remporte largement les territoriales et est réélu à la présidence. Et en mars 2014, son parti rafle les trois quarts des communes polynésiennes aux municipales.
Un succès qu'il doit à ses qualités de tribun, en tahitien comme en français. A son humour. A ses qualités de stratège. A sa mémoire, lui qui connaît par leurs noms presque tous ses électeurs. A son énergie, lui qui se lève chaque jour avant l'aube pour faire du sport et qui épuise ses conseillers jusque tard le soir. Mais pour ses adversaires, Gaston Flosse est aussi un homme à femmes, amateur de luxe et de clinquant, comme en témoigne le palais présidentiel de Papeete. Ils voient en lui un politicien affairiste, qui a mis en place un système clientéliste en Polynésie. Ils le tiennent pour responsable de la dépendance économique de la Polynésie envers la France. Une dépendance accentuée depuis les essais nucléaires, soutenus par Gaston Flosse, en échange de transferts financiers importants de l'Etat vers la collectivité.

Car le Vieux lion s'est toujours présenté comme le rempart contre l'indépendance: celui qui permet le maintien de la France dans le Pacifique et le contrôle de cette immense zone économique maritime. Ami de Jacques Chirac, cofondateur du RPR, il s'est très bien accommodé des présidences de François Mitterrand. Classé à droite, même si les clivages politiques ne sont pas les mêmes en Polynésie, il a été le secrétaire d'Etat à l'Outremer de Jacques Chirac entre 1986 et 1988. Cette amitié avec Chirac explique en partie son inimitié avec Nicolas Sarkozy, qu'il juge responsable de la plupart de ses déboires judiciaires. Sous la présidence de Nicolas Sarkozy, Gaston Flosse a quitté l'UMP puis s'est rapproché de l'UDI.

Gaston Flosse n'a pas fait toute sa carrière en politique. Né sur la petite île de Mangareva, dans l'archipel des Gambier éloigné de Tahiti, d'un père lorrain et d'une mère polynésienne, baigné de catholicisme, Gaston Flosse a d'abord été instituteur, puis assureur avant de se consacrer exclusivement à la politique. Il est aussi l'un des hommes politiques les plus poursuivis par la justice de la Ve République. C'est finalement une affaire d'emplois fictifs qui lui vaut son inéligibilité. Il a aussi été condamné à plusieurs reprises dans d'autres dossiers. Mais l'affaire de corruption dans laquelle il a été condamné le plus lourdement (cinq ans de prison ferme dans l'affaire Haddad-Flosse, dans laquelle il a reconnu avoir touché des enveloppes de billets) a été annulée par la Cour d'appel. Car en politique comme en matière de justice, Gaston Flosse sait s'entourer et dispose d'excellents avocats.

Les ennuis judiciaires de Gaston Flosse ne sont pas terminés pour autant. Le 20 août dernier il a été mis en examen dans l’affaire de la construction du CHPF. L’enquête qui a été ouverte à Papeete par le juge d’instruction Stelmach cherche à savoir dans quelle mesure Gaston Flosse, président du gouvernement en 2004, aurait pu favoriser la société détenue par Robert Bernut en contrepartie de la cession avantageuse à Réginald Flosse, son fils, de parts détenues par l'entrepreneur dans l'hôtel Tahara'a. Enfin l’inéligibilité notifiée à son encontre vendredi et qui lui vaut de devoir quitter ses mandats locaux ne signifie pas pour autant une retraite politique définitive. Ainsi, le "Vieux lion" pourrait se présenter à nouveau aux prochaines élections territoriales en 2018 après avoir purgé sa peine d’inéligibilité de trois ans, sauf si de nouvelles condamnations avec privation des droits civiques sont prononcées à son encontre dans ce laps de temps. Gaston Flosse aura 87 ans en juin 2018.


Rédigé par avec AFP le Dimanche 7 Septembre 2014 à 17:45 | Lu 2045 fois