Le nouveau code de l'environnement introduit le principe du pollueur-payeur


photo partagée par un lecteur de Tahiti Infos en juillet 2017 d'une pollution près de l'aéroport. Cette pollution sauvage par des particuliers ne sera pas soumise au principe du "pollueur-payeur".
PAPEETE, le 7 octobre 2017 - Le nouveau code de l'environnement a été publié au Journal Officiel et est donc désormais applicable. Ce texte toilette les lois et règlements qui régissent la protection et l'exploitation de notre environnement, mais prévoit également des nouveautés comme la création d'un titre de garde-nature, l'introduction du principe de pollueur-payeur, la reconnaissance légale du rāhui ou encore l'exception culturelle pour les nuisances sonores.

La Polynésie française a un nouveau code de l'environnement. Le texte a été publié au journal Officiel le jeudi 5 octobre et remplace toutes les précédentes versions : il fait 95 pages divisés en quatre grands "livres", et traite de tous les sujets environnementaux réglementés, allant des espèces invasives, de la pollution des bateaux, la réglementation des centres d'enfouissement techniques, la gestion de l'eau ou encore les nuisances sonores.

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Si le texte introduit quelques nouveautés, il est avant tout destiné à unifier, organiser et mettre à jour le vaste ensemble de lois et de règlements qui se sont ajoutés de façon éparse au code de l'environnement depuis sa création en 1961, sous le nom de "code de l'aménagement de la Polynésie française". On y a greffé les dispositifs de planification de l'espace (PGA et PGEM), et on a créé au fur et à mesure des dispositifs pour la gestion des ressources en eau, les installations classées, la protection des espaces marins, la protection des espèces animales, la gestion des déchets, etc. En 1995, la loi invente le concept de "patrimoine commun polynésien" pour la protection des paysages, des équilibres biologiques et des pratiques traditionnelles.

En 2003, tous ces textes sont rassemblés sous le nom de "code de l'environnement", mais ce code est très critiqué dès sa publication. En 2006 le CESC exige une refonte du texte pour le "simplifier et le rendre plus accessible à tous les Polynésiens et obtenir ainsi leur adhésion". Ça n'a pas été fait, et en 2011 c'est la Chambre territoriale des comptes qui explique que le code de l'environnement est "incomplet, rarement actualisé, parfois contradictoire." Il est trop complexe, les professionnels ne sont pas informés sur ses mesures, seule une poignée de fonctionnaires est chargée de le faire appliquer, le texte est bourré de dérogations… et au final personne ne le respecte.

Un nouveau rapport de la CTC tout juste publié sur la protection de l'environnement entre 2010 et 2017 révèle ainsi, selon nos confrères de TNTV, qu'il n'y a aujourd'hui en Polynésie que quatre agents assermentés pour réprimer les infractions. Plus inquiétant, en sept ans, "sur 121 affaires seulement cinq ont débouché sur des poursuites".

D'où le bon accueil réservé à cette nouvelle version du code, qui corrige les plus gros défauts de son prédécesseur. Il reformule les textes, divise le code de l'environnement entre ce qui relève des lois du Pays et des règlements, et introduit un ensemble de nouvelles mesures.

Notre patrimoine commun inclut désormais la qualité de l'air et de l'eau

L'article LP 1100-1 du nouveau code de l'environnement affirme que "Les espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages, la qualité de l'air, de l'eau et des sols, les espèces animales et végétales, les écosystèmes et les services qu'ils procurent, la diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent, appartiennent au patrimoine commun de la Polynésie française."

La définition de notre patrimoine commun s'étend donc désormais aussi à la qualité de l'air, de l'eau et des sols, aux écosystèmes et aux services qu'ils procurent. L'avis du CESC note que le texte introduit aussi de nouveaux principes dans la loi polynésienne qui s'ajoutent aux principes de précaution, au principe de correction (essayer de corriger les atteintes à notre patrimoine commun) et au principe de participation (nous avons tous le devoir de protéger ce patrimoine). Les nouveaux principes sont :
- le développement durable : "les politiques publiques concilient la protection de l'environnement, le développement économique et le progrès social. Elles veillent notamment à une gestion responsable et rationnelle des ressources de manière à en assurer la pérennisation dans le respect de son environnement" ;
- la "non-régression environnementale", c’est-à-dire selon le texte : "la protection de l'environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires en vigueur en Polynésie française, ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment"
- le "pollueur-payeur" : "les charges résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de réparation et de compensation des dommages causés au patrimoine commun de la Polynésie française doivent être supportées en priorité par le pollueur". Le code reprend ensuite diverses mesures déjà prises en ce sens.

Le principe du pollueur-payeur "ne concerne pas les ménages, la collecte et la gestion des déchets ménagers relevant des communes", il s'agit donc surtout de mettre les industriels face à leurs responsabilités… Mais l'efficacité d'un tel principe, décliné en divers amendes dans le code, dépendra du contrôle effectué et des condamnations qui seront effectivement prononcées.

Davantage de gardes-nature, le rāhui prend force de loi, l'exception culturelle pour les nuisances sonores

Pour renforcer les contrôles, le nouveau code de l'environnement prévoit de remplacer le corps de gardes-nature territoriaux créé en 1989 en un titre de "garde-nature" qui regroupera tous les agents chargés des missions de "connaissance, de protection, de conservation et de gestion du patrimoine commun de la Polynésie". En un petit passage de loi, le nombre de ces "policiers de la nature" va donc être démultiplié.

Désormais les officiers de police judiciaire, les agents de police judiciaire et les agents de police judiciaires adjoints, ainsi que les fonctionnaires et agents assermentés de la Polynésie française chargés des contrôles prévus par le code de l'environnement pourront être désignés "garde-nature de la Polynésie française". Dans son avis, le CESC espère que ces gardes-nature formeront le corps d'une future "police verte", qui sera plus nombreuse sur le terrain et n'hésitera pas à sanctionner les abus constatés.

Le code de l'environnement inclut aussi pour la première fois la définition du rāhui dans son article LP 2122- 1 : "le rāhui (est) un espace terrestre et/ou marin sur lequel des règles non écrites dictées par un impératif de gestion des ressources sont appliquées de manière traditionnelle". Le texte prévoit que les règles du code de l'environnement s'effacent devant celles d'un rāhui, donnant la priorité à la gestion traditionnelle. Un changement radical qui, dans les zones de rāhui reconnues par le gouvernement, donne la priorité à la gestion locale et relègue au second plan les décisions prises à Papeete...

Enfin, la dernière grande nouveauté très attendue par les groupes de danse traditionnelle concerne une adaptation de la réglementation sur les nuisances sonores. C'est un point qui a d'ailleurs été ajouté en urgence au code de l'environnement, à sa dernière page, en pleine période de Heiva. Désormais les amendes salées prévues en cas de nuisances sonores épargneront toutes une série d'activités, principalement concernant la sécurité publique et l'exception culturelle : "Les dispositions des articles LP. 4333-1 et LP. 4333-2 ne s'appliquent pas aux aménagements et infrastructures de transports terrestres, aux activités relevant de la défense nationale, des services publics de protection civile et de lutte contre l'incendie, des services publics ou privés d'enseignement, notamment de la musique, du chant et de la danse, ainsi qu'aux activités relevant des expressions culturelles et des traditions populaires de la Polynésie française."

C'est le gouvernement qui établira la liste de ces exceptions culturelles. Nul doute que cette disposition pourra calmer certaines des polémiques récurrentes en périodes de répétitions pour le Heiva, mais elle ne mettra pas fin à l'hostilité des voisins et à la difficulté pour les groupes de trouver des lieux adaptés à leurs répétitions...

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Samedi 7 Octobre 2017 à 15:29 | Lu 6796 fois