Le maro'ura, trésor caché enfin mis en lumière


​Le musée du quai Branly consacre une exposition au maro'ura, cette ceinture qui pouvait mesurer 4 mètres, réservée aux ari'i rahi, les plus grands chefs. C'est un fragment, le seul connu à ce jour qui sera présenté au public à Paris en octobre. (©musée du quai Branly - Jacques Chirac, photo Pauline Guyon)
Tahiti, le 20 septembre 2021 – Nous continuons notre série d'articles consacrée au maro'ura. Objet de fascination, le musée du quai Branly à Paris lui consacre une exposition. C'est dans cet écrin prestigieux que l'objet sera présenté au public à partir du 19 octobre. L'exposition a été conçue en partenariat avec le musée de Tahiti et des îles, co-commissaire de l'événement. Tahiti Infos a rencontré l'équipe qui y a participé, et qui nous amène dans les coulisses de l'expo.
Après la vision du maro'ura par l'artiste contemporaine Orama Nigou, nous continuons notre voyage sur les traces de cet objet fascinant. Cette fois, Tahiti Infos est allé à la rencontre de l'équipe du musée de Tahiti et des îles, co-commissaire de l'exposition Maro'ura, un trésor polynésien qui débute le 19 octobre au musée du quai Branly-Jacques Chirac à Paris. Miriama Bono, directrice du musée de Tahiti et des îles, Marine Vallée, assistante de conservation et Vairea Tessier, archéologue et responsable de la documentation ont accepté de partager avec nous les détails de la collaboration entre les deux musées et les coulisses du montage de l'exposition.

Seul exemplaire connu

© Musée du quai Branly - Jacques Chirac, photo Pauline Guyon
Trésor polynésien, les termes n'ont certainement pas été choisis par hasard pour illustrer le prestige et la valeur du maro'ura. Sorti des réserves du quai Branly par l'anthropologue Guillaume Alévêque qui a permis son identification en 2016, le maro'ura fascine. Comme le décrit Vairea Tessier : “Le maro'ura a trait au couronnement, à l'investiture d'un grand chef, d'un ari'i rahi, mais là, on ne parle pas de couronne mais d'une ceinture composée de plumes principalement de couleur jaune et de rouge.” Dès le 19 octobre prochain, le public pourra découvrir cette pièce parmi les plus prestigieuses des grandes chefferies des îles de la Société. Ce fragment de ceinture de plumes est le seul exemplaire connu à ce jour.

© Musée de Tahiti et des îles.
Rouge, couleur du sacré

L'exposition s'articule en plusieurs parties, comme nous l'explique Miriama Bono. La première thématique, c'est forcément replacer l'objet dans son contexte, pourquoi est-il important, quelle est sa signification (…)” Mais pas question pour autant de ne parler que du passé, et c'est ce qui est présenté dans l'autre partie de l'exposition, car comme elle le précise, il est important de “replacer le maro'ura dans un contexte contemporain, montrer que même s'il avait disparu, il faisait toujours partie de l'imaginaire collectif. C'est une pièce emblématique. Cette partie rappellera l'importance de la couleur rouge, qui reste la couleur du sacré. C'est pour cela que nous exposons aussi des pièces du musée de Tahiti pour faire le pont entre la création contemporaine, le questionnement autour du maro'ura et la prédominance des couleurs rouges, même aujourd'hui dans la société polynésienne.” En effet, des costumes de danse et des tifaifai du musée de Tahiti feront eux aussi partie de l'exposition.
 
Respect de la culture polynésienne
 
L'exposition a été rendue possible grâce au partenariat solide né entre le musée de Tahiti et des îles et le quai Branly. Miriama Bono se félicite de cette excellente collaboration “sur la même longueur d'onde” qui s'est faite dans un profond respect de la culture polynésienne. Preuve en est, l'exposition métropolitaine sera traduite en tahitien, une première au musée parisien. Ainsi, les cartels, panneaux d'information, et même un audio guide ont été produits en tahitien. Une démarche qui est venue “très naturellement”. À ce sujet, Marine Vallée précise que “le quai Branly est déjà dans cette démarche. Ça s'est déjà fait sur d'autres expos, par exemple des Maori de Nouvelle-Zélande qui ont réalisé une exposition entière. Ça s'est déjà fait, mais c'est nouveau pour le tahitien dans un musée à Paris.”
 

Marine Vallée, assistante de conservation au musée de Tahiti et des îles.
“Il était caché dans les collections” 


“Ce qui est intéressant dans cette expo, outre la mise en valeur de l'objet, c'est son histoire. Il était caché dans les collections mais aussi il a déjà été exposé au musée de l'Homme mais comme enveloppe de to'o. Il y a eu une incompréhension de l'objet muséal, ce qui arrive parfois. Du coup, là c'est l'occasion de l'exposer en tant qu'objet individuel et préciser sa symbolique et son contexte. Ça c'est le premier thème. Après, c'est autour des objets sacrés, liés au prestige et à la position importante des grands chefs en Polynésie, mais aussi de Hawaii avec des objets de plumes prestigieux. On part sur des matériaux sacrés mais aussi sur des couleurs : le jaune et le rouge. Ce sont des thèmes anthropologiques intéressants. Et enfin, c'est la collaboration entre institutions. La dernière partie de l'expo présentera des costumes de danse du musée de Tahiti et des îles mais aussi des moulages de ti'i très rares en bois, qui sont actuellement au quai Branly. C'est aussi l'histoire institutionnelle de certains objets, leur reproduction et de la recherche autour de ça. Cela montre notre partenariat privilégié entre les deux musées, les prêts qui vont s'opérer le prouvent.”

L'exposition Maro'ura, un trésor polynésien du 19 octobre 2021 au 9 janvier 2022 au musée du quai Branly-Jacques Chirac à Paris.
'Ōrero et chants inaugureront l'exposition. Pendant la semaine d'ouverture, d'autres animations se tiendront en marge de l'expo. Des projections de documentaires issus des sélections du Fifo seront présentées à la cinémathèque du quai Branly du 19 au 22 octobre. Elles seront accompagnées de tables rondes et de conférences gratuites. 

Rédigé par Julie Barnac le Lundi 20 Septembre 2021 à 17:58 | Lu 2189 fois