Le marae de Rurutu interdit “sous astreinte”


Tahiti le 24 janvier 2022 – Les familles qui contestent depuis plusieurs mois les travaux engagés par la municipalité de Rurutu pour la construction d'un marae sur la terre indivise Vaihi ont obtenu la semaine dernière “la cessation de tous troubles, réunions, visites, cultes sur (leur) parcelle (…) dans l'attente de la décision au fond sous astreinte de 50 000 Fcfp par infraction constatée par la gendarmerie” devant le tribunal foncier. La décision au fond est encore attendue.
 
C'est une première “bataille gagnée” pour les familles copropriétaires de la parcelle Vaihi à Rurutu, qui s'opposent depuis plusieurs mois aux travaux de construction d'un marae décidé par le tāvana Frédéric Riveta. En effet, en janvier 2021, la municipalité a décidé, avec l'association Te pu no te ao Ma'ohi, de construire un marae sur les terres de la famille de Heia Parau. “Sans aucune autorisation de la part de ma famille”, s'offusque cette dernière. Une construction d'une superficie de 600 mètres carrés, dont plus de la moitié se trouve sur les terres de la parcelle Vaihi toujours en indivision. La famille a demandé au tāvana le retrait de ce marae. “Mais il n'a rien voulu entendre”, assure Heia Parau. Le tāvana arguant que cet édifice “est une ressource économique pour l'île, une source d'emploi pour les jeunes”. Heia Parau précise que ce terrain fait plus de deux hectares et que la présence de ce marae “enlève toute la valeur de la terre si on venait à la partager. Je doute qu'il y en ait beaucoup qui veuillent aller habiter à côté de ce marae…”

“Au-dessus des lois”

Devant le refus du tāvana, la famille a décidé de déposer une requête au tribunal foncier le 13 août 2021. Elle y dénonce la construction “illégale” de ce marae sur leur terrain, “des terrassements effectués sans autorisations des copropriétaires” ou encore “l'abattage d'arbres de plus de 25 ans” sans l'autorisation ni des copropriétaires, ni de la Direction de l'agriculture. Les familles ont demandé “l'expulsion de tous les occupants et la démolition des ouvrages illégaux avec la remise en état des lieux” et également “la cessation de tous troubles, réunions, visites, cultes sur la parcelle de la terre Vaihi (...) sise sur l'île de Rurutu dans l'attente de la décision au fond”.
 
De leur côté le tāvana ainsi que l'association Te pu o te ao Ma'ohi ont soulevé “l'incompétence” du tribunal foncier dans cette affaire, puisqu'ils ont entre leurs mains un bail signé par une partie des co-indivisaires. Le Pays, appelé en cause par la famille, a signifié que ce litige concerne “une terre privée”. Il a informé tout de même qu'il n'avait “répertorié aucun site culturel ou marae sur la terre concernée et qu'aucune réhabilitation d'un éventuel site culturel n'a été autorisée”. Contestant ainsi un argument du tāvana Frédéric Riveta.
 
Le 18 janvier dernier, le président du tribunal foncier a donc ordonné “la cessation de tous troubles, réunions, visites, cultes sur la parcelle de la terre Vaihi (...) sise sur l'île de Rurutu dans l'attente de la décision au fond sous astreinte de 50 000 Fcfp par infraction constatée par la gendarmerie”. Une première victoire pour la famille de Heia Parau, selon qui “le tāvana de Rurutu a cru qu'il était au-dessus des lois”. La prochaine audience aura lieu le 15 mai prochain avec une “injonction aux défendeurs de conclure au fond”.

Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Lundi 24 Janvier 2022 à 19:45 | Lu 2641 fois