Le marae Paruai de Moorea reprend des couleurs


Une équipe dirigée par l’archéologue Moohono Niva réalise actuellement le travail de restauration du marae Paruai dans la vallée de Vaiare. ©Toatane Rurua
Moorea, le 15 février 2023 - Le marae Paruai, situé dans la vallée de Vaiare à Moorea, est actuellement en voie de restauration. Ce chantier de trois mois s’inscrit dans le cadre des missions de conservation de la valorisation du patrimoine archéologique de la Direction de la culture.

La Direction de la culture et du patrimoine, sous l’égide du ministère de la Culture procède actuellement, avec le soutien de la commune de Moorea-Maiao, à la restauration du marae Paruai situé dans la vallée de Vaiare. Depuis le début du mois de janvier, une équipe dirigée par l'archéologue Moohoni Niva, a réalisé le travail de dégagement de la végétation, le nettoyage de la structure archéologique ainsi que la restauration des façades droite, gauche et antérieure du marae. Les divers éléments de ce site archéologique tels que les murs, le ahu (l’autel) ou encore les pierres dressées sont désormais bien visibles.

J’ai découvert ce marae en traitant un dossier de permis de construire. Il était en très mauvais état de conservation avec toute la végétation présente dans l’enceinte. Ce marae était en fait déjà sur la liste des sites classés au patrimoine du pays. Nous avons décidé, après avoir concerté la famille propriétaire, de le rénover avec le soutien de la commune”, explique Belona Mou, archéologue à la Direction de la culture du patrimoine.

Les relevés du marae et topographiques ainsi que la réalisation des premiers sondages sont actuellement en cours d’exécution. “Afin de vérifier le sous-sol du site, trois sondages de 1m2 et un de 2 mètres sur 1 mètre ont été implantés. Le premier réalisé au pied du ahu n’a pas révélé de soubassement. Ce sondage nous donne des indications sur la méthode employée quant à la construction de ce ahu à gradins. Le second situé en contrebas du marae, à la base de la pierre d’angle dévoile une pierre solitaire. Le troisième localisé devant une pierre dressée a permis de mettre au jour une structure antérieure au pavage de la cour. Le dernier dont la surface est plus importante arrive directement sur le sol stérile”, précise Belona. Elle ajoute que “la prochaine étape consistera à finaliser le pavage de la cour afin de niveler le terrain et d’apporter une harmonie à la structure. Le ahu sera également consolidé. Aussi, d’autres sondages seront réalisés.”

Compromis entre le système des manahune et des arii

Pendant trois mois l'équipe va effectuer un travail de dégagement de la végétation, de nettoyage de la structure archéologique ainsi une restauration des murs. ©Toatane Rurua
Doté d’une longueur de 21 mètres et d’une largeur de 11,2 mètres, ce marae, qui appartiendrait aux royautés anciennes, se différencie par la complexité de son ahu. Celui-ci possède en effet cinq gradins sur le coté droit alors que l’on ne peut en voir que trois sur son côté gauche.

“Il y a des éléments, comme la présence de pierre à bossage, qui nous poussent à dire que c’est un marae ari’i. On sait en effet techniquement que les pierres à bossage étaient utilisées vers le XVIIIe siècle. Quant au ahu, cinq gradins ont été édifiés sur le côté droit afin de compenser pente. J’appelle cela un système compensatoire. On a l’impression à travers la présentation de ce ahu que ce marae était un compromis entre le système des manahune (antérieur au XVIIe siècle) et le système des ari’i. Du temps des manahune, on avait des structures moins complexes et des chefs moins autoritaires tandis qu’ensuite, on retrouve des marae plus complexes avec des rois qui dominaient toute la société polynésienne.” L’autre particularité de la structure est que celle-ci est orientée vers le mont Tohiea. “Il y a des marae qui sont orientés vers le mou’a Tapu, mais celui-ci est dirigé vers le mou’a Tohiea. C’est normal parce que c’est la plus haute montagne. C’est là qu’on allait rejoindre les dieux. Le sommet du mont Tohiea est la zone la plus proche entre les dieux et la Terre”, observe l’archéologue.

©Toatane Rurua


Tehina Ivan, membre de ma famille propriétaire :
“Nos ancêtres faisaient leurs offrandes à leurs dieux sur ce marae”

“Mes grands-parents nous disaient que nos ancêtres faisaient leurs offrandes à leurs dieux sur ce marae. Ils nous racontaient que sur la plateforme, qui est située plus haut, on voyait des ennemis étrangers arriver sur la plage en entrant par la passe de Vaiare. Leur présence était signalée par la résonnance d’un tambour en pierre. Le roi ordonnait alors à son ‘aito d’aller voir qui était ces visiteurs. Dès que les visiteurs arrivaient dans la vallée, ils étaient endormis par des pouvoirs magiques sur une pierre qui servait d’appuie-tête pour les guerriers de l’époque. Une guerrière de la famille allait alors couper sa tête pour l’emmener ensuite sur la terre dénommée Paaru. C’est là qu’on lui retirait son cerveau que l‘on apportait sur ce marae afin de l’offrir aux dieux. C’est pour cela que l’on a donné le nom Paruai à cette terre.”

Walter Teikitutaua, assistant archéologue :
“Lorsqu’on a débuté, ça ne ressemblait pas du tout à un marae”

“Mon travail est de faire la restauration et de remettre les pierres telles qu’elles étaient à l’origine. On peut découvrir des pierres de soubassement, des pierres à bossage, les dalles de couronnement etc. Lorsqu’on a débuté, la structure était plutôt à un talus de pierres. Ça ne ressemblait pas du tout à un marae. C’est la première fois que je fais de la restauration. Je me suis proposé parce qu’ils avaient besoin de main d’œuvre dans le quartier pour le travail de restauration. C’est important de le faire pour la culture polynésienne. Ça pourrait aussi être pour le quartier un moyen de faire venir plus de monde, les touristes, etc. On pourrait avoir plus de visites. C’est important aussi pour que la famille sache à qui appartient ce marae, son histoire. On découvre beaucoup de choses pendant le travail de restauration.” 
 

Tehere Adams, assistant archéologue :
“On a trouvé des anciennes structures”

“Mon travail est de réaliser des sondages. On a commencé à en faire sept. On fait des fouilles sur le sous-bassement du marae afin de voir s’il y a d’autres vestiges datant des anciennes époques. On a trouvé des anciennes structures sous le premier pavage, à 20 ou 30 centimètres du sol. Sous le quatrième pavage par contre, j’ai trouvé des ossements de porcs. Je n’ai presque rien trouvé sur le reste des sondages hormis du charbon, du coquillage. J’aime bien ce travail. Cela me donne encore plus d’expérience dans l’archéologie. J’aimerais continuer dans ce domaine.”
 

Rédigé par Toatane Rurua le Mercredi 15 Février 2023 à 17:04 | Lu 2095 fois