Le mandat de Gillard révélateur de la misogynie du monde politique en Australie


SYDNEY, 27 juin 2013 (AFP) - Julia Gillard a été la première femme chef de gouvernement dans l'histoire de l'Australie. Les trois années qu'elle a passées à ce poste ont révélé une profonde misogynie dans le monde politique de ce pays.

Gillard, une avocate rousse au caractère bien trempé, athée, vivant en concubinage et sans enfant, a été dès le début de son mandat, en juin 2010, estampillée "traître" pour avoir pris la place du Premier ministre d'alors, Kevin Rudd, travailliste comme elle, lors d'un putsch interne au parti.

Rudd avait été désavoué par ses pairs en raisons de mauvais sondages peu avant les élections. Mercredi, il a rendu la monnaie de sa pièce à sa rivale, en la délogeant à son tour.

Après s'être emparée du pouvoir, elle n'est pas parvenue à rallier la majorité des électeurs australiens, qui semblaient lui en vouloir de ses méthodes à la hussarde. En août 2010, ils ont élu pour la première fois depuis 70 ans un parlement sans majorité.

Lors de ses trois ans au pouvoir, les sondages l'ont gratifiée d'une cote de popularité toujours peu élevée. Et la presse se régale de commentaires sur sa couleur de cheveux ou son accent prononcé.

"Gillard a été la cible d'un niveau de sexisme jamais vu auparavant dans la vie publique australienne", affirme Marian Sawer, professeur de sciences politiques à l'Australian national University.

Elle "a été soumise à une campagne incessante de diffamation de la part de plaisantins graveleux, de blogueurs et d'éditorialistes, dont les mots ont parfois atteint une rare violence", ajoute le professeur.

Lorsqu'elle trébuche sur ses talons lors d'une visite en Inde en octobre dernier, la presse en fait des gorges chaudes. Germaine Greer, une féministe australienne qui n'aime rien tant que la controverse, rigole que le Premier ministre "a un gros derrière".

Après le décès de son père, un commentateur politique avance qu'il est sans doute "mort de honte". Et un autre suggère que son compagnon est homosexuel.

Les députés de l'opposition conservatrice ne sont pas en reste. L'un d'eux propose lors d'un dîner de lever de fonds la "caille farcie Julia Gillard: petite poitrine, cuisses énormes et grosse boite rouge".

"Grosse boite rouge" fait référence à la mallette utilisée par les ministres pour transporter des documents, mais désigne aussi, en argot australien, les parties génitales féminines.

Le dirigeant de l'opposition Tony Abbott prononce ses discours sans ciller devant des sympathisants qui brandissent des panneaux qualifiant Gillard de "sorcière" ou de "putain".

Et un sénateur conservateur assurait en 2007 que Mme Gillard ne pourrait jamais assumer les plus hautes fonctions car elle était "délibérément stérile".

"Ce manque de respect contraste singulièrement avec la façon dont est traitée Helle Thorning-Schmidt, première femme à devenir Premier ministre au Danemark", déclare Marian Sawer.

La chef de gouvernement a vertement répliqué à ces attaques misogynes, lors d'une tirade devenue célèbre, prononcée en octobre dernier devant le parlement. Maniant l'ironie et la rage froide, elle y assassinait à petit feu un Tony Abbott visiblement mal à l'aise.

Lorsqu'elle tente d'adoucir son image et de se conformer à une vision plus traditionnelle de la femme, l'effet est moins convaincant. Elle a suscité quelques ricanements en début de semaine en posant en train de tricoter un kangourou pour le bébé du couple princier britannique, Kate et William. Après avoir toujours dit que l'Australie devrait cesser d'être une monarchie constitutionnelle et devenir une République.

"Il y a beaucoup de discussions autour d'une guerre des sexes, on m'a accusée de l'avoir attisée. Car bien évidemment personne n'avait remarqué que j'étais une femme avant que je le mentionne", a déclaré Julia Gillard mercredi après avoir été éjectée de son poste.

Pour Penny Wong, nommée présidente du Sénat sous le nouveau gouvernement de Kevin Rudd, la "remarquable" Julia Gillard "a changé notre pays". "Sa position l'a exposée à des attaques personnelles sans précédent, soutenues de manière explicite ou implicite par l'opposition", a-t-elle estimé.

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Rédigé par () le Jeudi 27 Juin 2013 à 06:36 | Lu 750 fois