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Le "malaise" des fonctionnaires du Pays


Philippe Couraud est secrétaire général du syndicat Force revendicatrice des agents de l’administration.
Philippe Couraud est secrétaire général du syndicat Force revendicatrice des agents de l’administration.
PAPEETE, le 17 novembre 2016. Le syndicat Force revendicatrice des agents de l’administration du pays (Fraap) dénonce le "malaise croissant au sein de l'administration du Pays". En cause : "l'absence de dialogue social", un "immobilisme trop fréquent" et "l'immixtion des politiques". Philippe Couraud, secrétaire général du Fraap, détaille l'origine de ce malaise.

Vos ateliers de travail ont fait ressortir le "malaise des agents au sein de l'administration du Pays". D'où vient ce malaise ?
Philippe Couraud : "Le malaise des fonctionnaires vient essentiellement du manque de dialogue à tous les niveaux. C'est quelque chose qui s'est aggravé ces deux-trois dernières années. Chaque fois qu'un nouveau gouvernement, qui est aussi notre employeur, arrive, on a des attentes en tant que citoyen mais aussi en tant que salarié. Ce gouvernement était porteur d'espoir. On attendait qu'il agisse sur un certain nombre de choses. Des engagements, notamment sur le dialogue social, ont été pris lors de notre première rencontre. C'était des belles paroles. En réalité, il n'y a pas eu de dialogue social.
Au quotidien, au niveau des services, on constate aussi une immixtion des politiques dans le fonctionnement des services, un manque de confiance. Le gouvernement ne mise pas sur son administration pour faire avancer le pays. Les démissions successives et fréquentes de chefs de service sont révélatrices de la situation. Ce n'est pas du tout normal. Ces démissions de chefs de service, dans la quasi-totalité des cas, ont été déposées car les chefs de service n'ont plus la confiance de leur ministre. Ils n'ont pas les moyens de travailler et finalement ils jettent l'éponge.
Au bout d'un moment, il y a un vrai malaise dans l'administration on ne peut plus discuter, échanger et exposer les problèmes. Cela pose tout un tas de difficultés.

Comment se concrétise ce malaise : par des arrêts maladie, des burn-out ?
Vous avez le bore-out aussi, les gens qu'on laisse dans des placards à rien faire ou des pans entiers de l'administration qui ne fonctionnent plus car les directions de service ne sont plus à la hauteur. Quand vous avez des services qui dysfonctionnent, c'est de l'argent qui est foutu en l'air, c’est aussi une préoccupation. Le gouvernement nous dit : "Vous êtes des nantis, vous coûtez cher". Mais d'un autre côté, il ne fait rien pour que notre travail devienne productif. (…)
A un moment, il faut quand même respecter les compétences minimum pour diriger des services avec 250-300 personnes qui coûtent en frais de personnel plus d'un milliard. Il y a des minimums."

Cela signifie qu'on met à la tête des services des gens qui ne sont pas compétents ?
"Parfois ça arrange le politique. Heureusement ce n'est pas toujours vrai. Mais on est bien obligés, nous techniciens, de constater ce genre de choses et de le dire.
Je comprends bien que le citoyen lambda, surtout celui qui n'a pas d'emploi, dise " les fonctionnaires vous êtes des nantis et vous coûtez cher". C'est vrai on a du travail et on coûte cher mais nous on aimerait être plus productif et rendre service à la population.

Six axes prioritaires

Le syndicat Force revendicatrice des agents de l’administration du pays (Fraap), affilié à la CSTP-FO, a organisé un congrès sur le thème « Quelle administration pour demain ? ».
La synthèse des ateliers a été présentée ce jeudi et un cahier de revendications a été rédigé. "Les différents ateliers de travail auxquels ont participé une cinquantaine de représentants des personnels de l'administration se sont fait l'écho d'un malaise croissant au sein de l'administration du Pays provoqué notamment par l'absence de dialogue social, de profonds dysfonctionnements au sein des services et un immobilisme trop fréquent qui compromet de plus en plus les perspectives d'une relance économique et la mise en œuvre de certaines missions essentielles du service public au bénéfice de la population", explique le secrétaire général Philippe Couraud. Les participants au congrès ont retenu six axes "prioritaires" pour mettre fin à ce malaise : "rétablir le dialogue social au sein de l'administration ; améliorer le management des services ; préparer des projets de service, avec plans de développement et schéma d'aménagement sur 5-10-20 ans pour orienter l'action des services de l'administration et mobiliser son personnel ; démarrer la réforme des statuts des personnels de santé et faciliter les recrutements ; garantir le droit à la formation et à la formation professionnelle des agents publics pour au long de leur carrière ; valoriser les compétences individuelles" et "garantir le bien-être au travail".

Une cinquantaine d'agents du Pays étaient présents ce jeudi matin. L'un d'entre eux raconte ce "malaise". "Nous ne recevons pas de consignes claires et il y a de plus en plus d'interférences de politiques dans la gestion des services au détriment des agents, regrette cet agent de plus de 30 ans d'ancienneté dans l'administration. On ne laisse pas le chef de service gérer son service comme il l'entend".

Le Fraap a été créé il y a un an. Lors des dernières élections, au comité technique paritaire, le Fraap a recueilli 51 % des voix des votants.
Une cinquantaine d'agents était réunie hier.

Rédigé par Mélanie Thomas le Jeudi 17 Novembre 2016 à 14:43 | Lu 5106 fois