Le gouvernement défend bec et ongles son projet de loi sur l'immigration


Alain JOCARD / AFP
Paris, France | AFP | jeudi 03/11/2022 - Le gouvernement a défendu jeudi son idée de créer un titre de séjour "métier en tension", une des mesures phares du projet de loi controversé sur l'immigration, qui doit mettre fin à l'"hypocrisie" des travailleurs sans-papiers sans pour autant générer d'"appel d'air" migratoire.

"Métiers en tension": fin de l'"hypocrisie"

La proposition de créer ce nouveau titre de séjour, censé répondre à la pénurie de main d'oeuvre dans certains métiers, fera l'objet de concertations "dès le mois de novembre", a expliqué jeudi le ministre du Travail Olivier Dussopt, sur Franceinfo.

Il s'agira notamment de réviser "pour début 2023" la liste des métiers en tension, créée en 2008 et actualisée une seule fois, en 2021.

"Réviser la liste de manière plus régulière" sera une condition de réussite de la mesure, observe pour l'AFP Jean-Christophe Dumont, chef de la division migrations de l'OCDE, surtout dans le cadre d'un titre annuel. Car pour le reste, "il existe déjà des permis de travail en lien avec cette liste".

Ce "que nous proposons, c'est de mettre fin à une forme d'hypocrisie" et permettre aux travailleurs immigrés "d'obtenir un titre de séjour dans ce cadre", a repris le ministre du Travail. 

La mesure répond aussi à une logique comptable, a défendu le ministre des Comptes publics et du budget Gabriel Attal, sur Europe1: "Nos finances publiques perdent entre 5 et 6 milliards d'euros en raison du travail dissimulé" qui concerne, "en grande partie", des "étrangers qui ne sont pas déclarés par les entreprises". 

Pas de régularisation massive

"Il n'y a pas de plan caché de naturalisation ou de régularisation massive", a déminé sur BFMTV le porte-parole du gouvernement Olivier Véran. 

Car à droite et à l'extrême droite, la levée de boucliers a été immédiate, la patronne des députés RN Marine Le Pen jugeant par exemple que ce projet portait le risque d'une "aggravation des filières d'immigration clandestine". 

Eric Ciotti, candidat à la présidence LR, y a vu "un message extraordinairement dangereux car il lance un appel d'air à l'immigration". 

Il s'agit plutôt d'un "bol d'air", a estimé Gabriel Attal, car "une partie de notre économie tourne aujourd'hui grâce à l'immigration".

Dans tous les cas, "ça concerne entre quelques milliers et quelques dizaines de milliers de personnes", a aussi tempéré Olivier Dussopt. 

"C'est vraiment ce qu'il faut faire, (faire) attention à ce qu'il n'y ait pas d'appel d'air", a également réagi sur CNews le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin.  

Expulsions: mesures "répressives"

Gérald Darmanin a dans le même temps défendu le volet répressif des mesures, qui constitue l'essentiel du projet de loi, prévoyant notamment une refonte du système d'asile au service de l'efficacité des expulsions, après la polémique sur le meurtre d'une jeune fille dont l'auteure présumée est visée par une OQTF (obligation de quitter le territoire français).

"Bien sûr qu'il y en a encore (des étrangers délinquants) sur le territoire, je me bats d'ailleurs pour qu'on lève les protections législatives qui empêchent que je puisse les expulser", a-t-il déclaré en évoquant le cas des personnes arrivées en France avant 13 ans. 

L'inscription systématique des personnes menacées d'expulsion au fichier des personnes recherchées (FPR), proposée par Gérald Darmanin, "permettra de détecter lors de tout contrôle (...) la présence d'une OQTF à exécuter", a confié à l'AFP son entourage, expliquant que le FPR compte 240.000 OQTF cumulées mais n'est "pas à jour".

"Ce volet répressif donne des gages xénophobes à la droite et à l'extrême droite", a jugé Jean-Albert Guidou, spécialiste immigration à la CGT.

"Des mesures essentiellement répressives, qui réduiront les droits des étrangers, très loin de l'équilibre annoncé", a aussi dénoncé la directrice générale de l'association France terre d'asile, Delphine Rouilleault. 

Examen de français: une "révolution"

Gérald Darmanin a par ailleurs vanté une "révolution énorme" pour l'intégration: un examen linguistique pour tous les titulaires d'un titre de séjour, a-t-il dit, constatant que "25%" d'entre eux "ne parlent pas français".

"S'ils réussissent, ils restent en France (...), s'ils ne réussissent pas, on leur retire leur titre et ils s'en vont", a-t-il résumé, estimant que 200.000 personnes déjà en France vont devoir passer cet examen. 

"On nage en plein paradoxe", a encore déploré Delphine Rouilleault, regrettant que le gouvernement n'ait pas prévu "la seule réforme appropriée" en matière d'intégration: l'apprentissage du français "dès l'arrivée sur le territoire".

le Jeudi 3 Novembre 2022 à 06:09 | Lu 240 fois