Le "gourou" Georges Pater placé en détention provisoire


Tahiti, le 23 juin 2023 – Au terme de 96 heures de garde à vue, l'ancien gendarme et "corbeau de Moorea", Georges Pater, a été mis en examen vendredi pour abus de faiblesse en bande organisée, violences et blanchiment. Il a ensuite été placé en détention provisoire.
 
Dans un communiqué diffusé vendredi, le procureur de la République, Hervé Leroy, a fait une mise au point suite à l'arrestation de "membres d'une secte à Moorea" relayée par Tahiti Infos jeudi. Il rapporte en effet qu'entre mars et juillet 2022, le parquet de Papeete a été destinataire de "plusieurs signalements d'abus de faiblesse commis au préjudice de deux jeunes femmes à Moorea". Ces signalements provenant des familles et jugés particulièrement "inquiétants", faisaient état d'une "emprise mentale d'un individu ayant provoqué chez les deux victimes un changement psychologique et physique"
 
L'homme mis en cause, le multirécidiviste Georges Pater, se "prétendait guérisseur" et agissait au sein de l'association Tahoe Te Aroha dont il était le dirigeant. Le procureur précise que l'intéressé, qui prétendait pratiquer une "médecine intégrative", "prodiguait des soins sous forme de massages, d'incantations, de prescriptions de régimes et de traitement par les plantes". A l'occasion de "cours de méditation", Georges Pater provoquait chez les jeunes femmes de "faux souvenirs dans lesquels elles auraient été victimes, dans leur jeunesse, d'agressions sexuelles ou de viols commis par des proches". L'homme, bien connu de la justice, a déjà été condamné à neuf reprises dont quatre fois pour des escroqueries et des abus de confiance. 
 
Emprise mentale
 
C'est donc suite à ces signalements que les gendarmes – de la brigade de recherches de Faa'a, de la section de recherches de Papeete, du peloton de surveillance et d'information de la gendarmerie, du groupement interministériel de recherches, de l'office central de la lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique ainsi que de diverses unités de la compagnie des îles du Vent – ont procédé mardi matin à Haapiti à l'arrestation de Georges Pater et de deux femmes, "qui l'assistaient en tant que directrice et trésorière". A cette occasion, les forces de l'ordre ont saisi "de nombreux documents attestant de reconnaissance de dettes, de dons, d'un manuel sur l'emprise mentale et d'une importante somme en numéraire". Selon Hervé Leroy, les investigations ont également permis d'établir que l'une des femmes qui assistait le "gourou" exerçait des "violences physiques" sur les "membres de la secte qui manifestaient la volonté de la quitter". 
 
Au terme de 96 heures de garde à vue, Georges Pater ainsi que sa "trésorière" et sa "directrice" ont donc été présentés vendredi devant le juge d'instruction chargé de l'information judiciaire ouverte pour abus de faiblesse en bande organisée, violences sur personnes vulnérables et blanchiment d'un délit en bande organisée. Ils ont tous les trois été mis en examen. Georges Pater ainsi que la "directrice" de sa secte ont été placés en détention provisoire. La femme qui faisait office de "trésorière" a quant à elle été placée sous contrôle judiciaire. 

Les critères de la Miviludes

Dans son communiqué, le procureur de la République rappelle également les "critères d'identification sectaire établis par la Mission interministérielle et de lutte contre les dérives sectaires" en les projetant sur les éléments de cette affaire.
  "Le principal mis en cause est le leader d’une communauté fermée à laquelle appartiennent au moins 3 femmes sous emprise". Ce dernier leur prodiguait des « soins » consistant notamment en de la régression, rappelant la technique du « rebirth ». Les deux jeunes femmes ont été recrutées pour leurs compétences qui ont initialement été valorisées (psychologie et écologie), des rôles « importants » aux yeux de la communauté leur ont été donnés (gestion des animaux – soins – gestion des bateaux… potentielle forme de love bombing). "Les échanges avec les familles et les amis se sont raréfiés et sont devenus de plus en plus conflictuels (isolement progressif)." "Des faux souvenirs avaient été induits (accusation de viol indéterminés dans l’enfance, puis attribués à diverses personnes de la famille)." "Une nouvelle culture, ne correspondant pas forcément à celle d’origine a été transmise aux victimes, qui ont adapté leurs comportements et discours à ceux du mis en cause (ce qui évoque une doctrine spécifique à laquelle il est nécessaire de se conformer pour appartenir au groupe)." "Une forte culpabilité est présente chez les victimes (échanges de messages avec leurs proches évoquant une enfance difficile), ce qui génère de la culpabilité chez les adeptes de mouvements à caractère sectaires". "Les deux victimes ne disposent plus de leur pleine autonomie et de leur libre arbitre (régulation des appels, discours stéréotypé…) cela est notable notamment dans l’évolution des échanges avec leurs proches." "Les temps de travail au sein de la communauté semblent occuper la plus grande partie des journées des victimes, sans qu’il n’y ait de repos hebdomadaires. Ces conditions provoquent un épuisement physique marqué puisque les  familles de deux victimes évoquent un amaigrissement de leurs filles ces derniers mois." "Une rupture avec tous les éléments de la vie passée, notamment dans la sphère du travail (aucune n’a conservé son emploi précédant)." "Des exigences financières, mettant les jeunes femmes en difficulté (emprunt d’argent, legs potentiel des biens) ont été demandées ou fortement suggérées." "Les femmes sont invitées à faire du prosélytisme : par le biais du site et de la page « Instagram » qu’elle gère, pour l’une, au nom du mis en cause; ou via les soins, pour l’autre, qu’elle prodigue au nom de ce dernier, notamment lors du forum sur la médecine intégrative."  
 
 

Rédigé par Garance Colbert le Samedi 24 Juin 2023 à 09:49 | Lu 3257 fois