Le fenua tourne enfin la page Covid


Tahiti, le 26 juillet 2023 - La Direction de la santé a officiellement clôturé la Plateforme Covid-19, ce mercredi après-midi. Les différents acteurs de cette cellule de lutte contre la pandémie étaient présents pour rendre un dernier hommage à tous ceux qui ont œuvré durant la crise sanitaire et faire le bilan du chemin parcouru.
 
Des applaudissements à chaque prise de parole et des mots remplis d'émotions. “C'est un jour assez spécial”, a reconnu Manutea Gay, responsable de la Plateforme Covid-19. Depuis 2020, un nombre colossal d'actions a été entrepris. Campagnes de communication au grand public, chasse aux clusters, suivis des cas avérés en passant par la gestion des stocks de vaccins : la lutte contre le Covid-19 aura été autant médicale qu'administrative et politique.
 
Cette plateforme représente beaucoup de travail”, a reconnu le responsable pour qui “l'objectif majeur était de protéger la population”. Derrière lui, des clichés pris durant la pandémie sont projetés pour se rappeler du chemin parcouru. 355 000 doses de vaccin auront été injectés en Polynésie française durant plus de deux ans de pandémie.
 
Des moments difficiles
 
Ce qui prédomine aujourd'hui, c'est le bonheur”, a estimé de son côté Cédric Mercadal, ministre de la Santé, au moment d'ouvrir cette cérémonie de clôture. Le ministre a tenu à remercier les acteurs qui “ont tous eu des moments difficiles” mais “se sont battus, main dans la main pour passer ce cap ensemble”. Il s'est dit “honoré” de “clôturer ce chapitre”.
 
Présents dans la salle, des représentants de l'État, de nombreux professionnels de la santé comme la directrice du CHPF et des membres du ministère écoutent avec émotion les différentes prises de parole. Daniel Ponia, responsable de la vaccination et de la mobilisation communautaire de la plateforme a tenu à rendre hommage aux maires et aux guides sanitaires. “Sans eux, rien n'aurait été possible” et surtout pas le fait que “83% de la population reçoivent deux doses” dans un des “130 vaccinodromes” mis en service. Si la logistique a été un casse-tête, Daniel Ponia a aussi rappelé les “difficultés” éprouvés avec “les réseaux sociaux et les fake-news”.
 
“Il a fallu réagir comme on le pouvait”
 
Cédric Mercadal a refusé de porter tout jugement sur la façon dont a été gérée la crise par l'ancien gouvernement. “La gestion a été faite sur le terrain, de manière très pratique. Il a fallu réagir comme on le pouvait”, a simplement commenté le ministre de la Santé. Toutefois, autorités publiques comme professionnels de la santé ont tiré des leçons de cette pandémie. “C'est une expérience qui nous permet de réagir beaucoup plus vite, comme on l'a vu avec la dengue récemment”.
 
Interrogé sur la défiance de la population envers les autorités publiques et les vaccins en particulier, le ministre a rappelé les devoirs de chacun. “En matière de santé, nous sommes tous libres de nos actions. Mais de l'autre côté, il y a un intérêt général qui existe, la santé de nos enfants, de nos grands-parents ... Il faut trouver un équilibre entre la liberté de chacun et l'obligation.” En Polynésie française, le Covid-19 aura fait “plus de 780 morts”.

“La parole médicale n'est plus aussi respectée qu'avant”

Lam Nguyen, épidémiologiste de la Direction de la santé

 Quelle a été le rôle des médecins pendant cette pandémie du Covid ?
Lorsqu'il y a une crise sanitaire majeure comme celle-là, tous les médecins sont sur le pont. C'est normal, on fait notre job. Le problème, c'est qu'au début, nous connaissions mal ce virus, nous avions très peu de traitements et les vaccins pour le coronavirus n'existaient pas donc nous ne savions pas quoi faire. Nous avons aidé comme nous le pouvions.”
 
En tant que médecin, que retenez-vous de cette pandémie ?
Il y a beaucoup de choses à dire. La leçon que j'ai retenue, c'est que la Covid-19 est révélatrice de la faiblesse de nos systèmes sanitaires, pour tous les pays. Il faut aujourd'hui analyser ce que nous avons fait de bien et moins bien pour améliorer notre système dans le futur. Je crois qu'il y a encore beaucoup de leçons à tirer de cette pandémie. Encore aujourd'hui, nous avons des choses à apprendre.
 
Est-ce que c'est au médecin de faire remonter ces faiblesses ?
Oui, mais nous ne sommes pas les seuls. Il y a tous ceux qui ont été impliqués, que ce soit au niveau médical, administratif ou encore scientifique.”
 
Est-ce qu'il y a un avant et un après Covid dans la façon de prendre en charge un patient ?
Nous sommes plus ou moins revenus à la normal mais l'impact profond de cette crise est encore là. Par exemple, avec la Covid-19, que ce soit ici ou ailleurs, il y a beaucoup de gens qui se questionnent sur l'efficacité du vaccin ou même sur le bien-fondé de la démarche scientifique et médicale donc il y a des impacts sur nos programmes de vaccination. On commence à voir des parents qui refusent les vaccins obligatoires pour leurs enfants.
 
Est-ce que vous ressentez directement ce manque de confiance chez les patients ?
“Oui, clairement. J'ai ressenti cela. Est-ce que je peux généraliser, je ne sais pas.
 
Comment agissez-vous avec ces patients. Communiquez-vous plus ou de même qu’avant ?
L'éducation et la communication, on l'a toujours fait. Le problème, c'est que nos paroles n'ont plus le même poids qu'avant. La parole médicale n'est plus aussi respectée qu'avant.
 
Selon vous, c'est dû à la crise Covid ?
Oui, il y a une certaine attitude de défiance qui s'est développée au sein de la population, à tort ou à raison. Il est triste de constater que même parmi les médecins ou professeurs, certains ont pris la tangente par rapport à la médecine scientifique. C'est difficile à gérer cela.
 
“À tort ou à raison”, il y donc a eu des manquements de la part des médecins ou des autorités publiques ?
Oui, il y a eu des soucis de communication. Disons que dans une crise majeure comme celle-ci, la crédibilité de la parole médicale est primordiale. Dans la mesure où l'on se discrédite tout seul, comme avec le port du masque en France métropolitaine, c'est difficile de demander ensuite aux gens de nous faire confiance. Il faut faire attention avec ce que l'on dit.

Rédigé par Jules Bourgat le Mercredi 26 Juillet 2023 à 18:41 | Lu 1307 fois