Le féminicide de Maupiti aux assises


Tahiti, le 13 août 2023 – La cour d'assises va débuter fin août avec le procès d'un homme de 45 ans poursuivi pour avoir massacré son épouse qui était décédée sous ses coups le 23 octobre 2020 à Maupiti. Les jurés jugeront également un individu de 30 ans accusé d'avoir porté des coups mortels à sa grand-mère en novembre 2017 à Pirae. 
 
Alors que 75 femmes ont perdu la vie sous les coups de leur compagnon ou ex-compagnon depuis le début de l'année sur le territoire national, la cour d'assises de Papeete jugera fin août un homme de 45 ans poursuivi pour le meurtre de son épouse commis dans la soirée du 23 octobre 2020 sur l'île de Maupiti. 
 
Ce soir-là, vers 23 heures, les gendarmes de Bora Bora avaient été informés par la police municipale du fait qu'à Maupiti, une femme était décédée après avoir été massacrée par son époux. Selon les premiers éléments recueillis, ce dernier avait passé la matinée à Bora Bora pour vendre son poisson. Déjà fortement alcoolisé, l'homme avait ensuite rejoint son île et son domicile où sa femme buvait une bière avec une amie. Voyant que sa conjointe envoyait des messages de son téléphone – l'enquête démontrera qu'elle écrivait à sa belle-sœur et non à un supposé amant – l'accusé avait commencé à la frapper violemment malgré la présence de plusieurs de leurs proches. 
 
Tabassée à mort
 
Dans son ordonnance de mise en accusation devant la cour d'assises (OMA), que Tahiti Infos a pu consulter, le juge d'instruction en charge de l'information judiciaire ouverte pour meurtre relate que les témoins de la scène avaient expliqué que l'accusé s'était tout d'abord approché de la victime en lui disant : "Tu veux que je te tabasse à mort ?" Puis l'homme avait pris sa tête qu'il avait cognée contre un mur à plusieurs reprises. Il lui avait ensuite mis de violents coups de poing à la tête. Si quelques témoins avaient essayé de l'en empêcher, ils avaient finalement tous fui la maison en raison de la peur que leur inspirait l'accusé qui avait continué à frapper sa femme qui tentait de se défendre. 
 
Placé en garde à vue, l'individu, connu de la justice pour des violences et des outrages, avait expliqué qu'il était habité par un "tūpāpa'u" en tentant, selon le magistrat instructeur, de "minimiser les violences au regard des blessures constatées sur la victime et des témoignages recueillis". Lors de l'autopsie pratiquée sur le corps de la défunte, le médecin légiste avait en effet relevé des "signes asphyxiques", des lésions cérébrales sévères, ainsi que des lésions au visage, au cou et sur le cuir chevelu. Selon le médecin, la malheureuse a été "tabassée à mort". L'enquête avait d'ailleurs démontré qu'elle était régulièrement frappée. 
 
Lors du procès qui s'ouvrira fin août, les jurés devront donc se pencher sur le cas de ce quadragénaire décrit comme ayant "un fonctionnement intellectuel dans la normale faible", une "tendance à l'inhibition" et à la "restriction des affects". S'il est reconnu coupable du meurtre de son épouse, le quadragénaire encourt la réclusion criminelle à perpétuité. 
  Coups mortels sur une femme de 84 ans  
Lors de cette session, les jurés de la cour d'assises devront également juger un homme de 30 ans poursuivi pour avoir porté des coups mortels à sa grand-mère de 84 ans, avec laquelle il vivait, pour un motif plus que futile. 
 
L'affaire avait débuté le 14 octobre 2017 lorsque la mère de l'accusé et fille de la victime s'était présentée à la gendarmerie pour dénoncer des violences commises par l'accusé sur sa génitrice quelques jours auparavant. Le 30 septembre au matin, l'homme avait en effet mis des gifles et avait tiré les cheveux de sa grand-mère de 84 ans au motif que cette dernière avait nourri leurs chiots en leur donnant des bouts de pizza alors qu'il lui avait interdit de faire cela. Se sentant mal, la victime avait fini par être hospitalisée au Taaone où les médecins avaient constaté la présence d'un hématome sous-dural. Placé en garde à vue, l'accusé avait expliqué qu'il avait "pété un câble" en évoquant de nouveau le fait que la vieille dame ait nourri les chiots. 
 
Lien de causalité
 
Le 11 juin 2018, soit huit mois après les violences, la victime était morte à son domicile. Si l'information judiciaire avait été initialement ouverte du chef de "violences volontaires sur ascendant ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente", ce décès avait provoqué une requalification en coups mortels. Un expert médecin légiste avait en effet conclu à un lien de causalité entre les coups donnés par l'accusé et la mort de l'octogénaire en expliquant que même s'il est "indéniable" que cette dernière présentait une "pathologie cardiaque sévère dont le pronostic vital à moyen terme était défavorable", les coups reçus et le traumatisme crânien qui en a résulté "ont précipité cette issue défavorable menant au décès de la patiente". Il estimait par conséquent que les "violences dont la victime a fait l'objet ont donc joué un rôle dans son décès". 
 
Selon les experts qui s'étaient entretenus avec le trentenaire, ce dernier ne souffre d'aucune "anomalie mentale ou psychique" et son discernement n'était ni altéré ni aboli au moment des faits. Décrit par sa famille comme "gentil" et "réservé", l'homme a toujours indiqué qu'il n'avait jamais eu l'intention de tuer sa grand-mère. Avant de mourir et alors qu'elle était entendue par les gendarmes, la vieille dame avait d'ailleurs exprimé, tel que le rapporte le magistrat instructeur, sa "volonté de préserver et protéger" son petit-fils, "un bon garçon" selon elle, qui devait simplement "suivre le bon chemin". 
 
Placé sous contrôle judiciaire depuis mars 2019, l'accusé arrivera donc libre à son procès à l'issue duquel il encourt vingt ans de réclusion criminelle. 

 

Rédigé par Garance Colbert le Dimanche 13 Aout 2023 à 07:25 | Lu 1603 fois