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Le fa'a'apu bio, une "thérapie" pour le bien-être des handicapés


Une partie des jardiniers en herbe du centre Taatira Huma Tahiti Iti à Taravao devant leur fa'a'apu.
Une partie des jardiniers en herbe du centre Taatira Huma Tahiti Iti à Taravao devant leur fa'a'apu.
Papeete, le 10 octobre - Un fa'a'apu bio pour favoriser l'épanouissement des personnes porteuses d'un handicap, voire même comme vecteur d'insertion professionnelle, c'est le programme mis en place par la Fédération Te Niu o Te Huma dans six centres d'accueil de l'île de Tahiti. Depuis, le mois de mars 2018, les handicapés sèment, arrosent et récoltent les fruits et légumes sous les conseils avisés du personnel de ces centres, formé à "l'art" du fa'a'apu dans le cadre de ce programme.

"Moi, ce que je préfère, c'est quand on cueille la salade et qu'on l'amène à la cuisine du centre", clame dans un grand sourire Félicia, porteuse d'un handicap. La jeune femme, qui vient tous les jours au centre Taatira Huma Tahiti Iti à Taravao, ne cache pas sa fierté de voir les personnes du centre manger "ses" salades le midi.
Depuis plusieurs mois, le quotidien de Félicia a changé… et elle en semble ravie, même si parfois, elle reconnaît que "c'est un peu dur avec la chaleur". Chaque matin, pour Félicia, c'est direction l'un des deux fa'a'apu du centre où elle rejoint les autres personnes handicapées pour planter, arroser, récolter… "Je n'avais jamais fait cela avant, j'adore travailler dans le fa'a'apu. J'écoute les conseils que me donne mon tuteur et j'essaye de les suivre", ajoute-t-elle encore.
Et à regarder l'étendue du potager, il semble que Félicia et ses amis aient bien écouté les conseils du responsable de leur groupe. En quelques mois à peine, le fa'a'apu regorge de salades, mais également de futures courgettes, d'herbes aromatiques, sans oublier les tomates, les concombres, les aubergines ou encore les poivrons… Tous bio, sans un seul pesticide !


TRANSMETTRE LES NOUVELLES CONNAISSANCES

Félicia.
Félicia.
Initié par la Fédération Te Niu o Te Huma et financé par le Fonds paritaire, ce programme forme le personnel de six centres d'accueil pour handicapés, aux techniques de bases du fa'a'apu bio. Ensuite, à eux de transmettre ces nouvelles connaissances aux handicapés pour qu'ils puissent à leur tour créer un fa'a'apu au sein de leur structure.
Les bienfaits d'un tel programme sont multiples. Tout d'abord, il permet d'apporter la confiance aux personnes porteuses d'un handicap et les valorise. Par ailleurs, les fruits et les légumes récoltés grâce au travail des handicapés permettent aux centres de ne plus avoir à acheter ce type de produits. La vente des confitures, confectionnés avec la récolte des fruits, apportent quelques petits financements.
Outre ces avantages économiques non négligeables, il favorise la consommation d'aliments bios et sains pour la santé. Enfin, pour les personnes porteuses de certains handicaps, ce programme peut les aider à acquérir de vraies compétences qu'elles peuvent ensuite réutiliser dans un cadre professionnel en créant elle-même leur propre fa'a'apu.



ON S'ADAPTE AUX DIFFERENTS HANDICAPS

Sylvain Todesco, le formateur.
Sylvain Todesco, le formateur.
Pendant toute la durée du programme prévu de mars à décembre 2018, 27 personnes -des éducateurs, moniteurs, encadrants, directeurs- à raison en moyenne d'une journée environ par mois, ont déjà été formées par Sylvain Todesco. "Ma mission est de former le personnel de ces centres à former à leur tour au potager bio… Ce qui m'intéresse, c'est de leur montrer les gestes, les techniques pour qu'ils puissent ensuite les montrer aux handicapés. L'idée de la transmission est vraiment essentielle. On a monté un projet d'établissement pour chaque centre afin de s'adapter aux différents handicaps, car les six centres n'ont pas des personnes ayant le même type de difficultés", précise cet ancien agriculteur, passionné par le bio et heureux de partager sa passion de la terre.

Christophe Yong, référent au centre Taatira Huma Tahiti Iti à Taravao :
"Toucher la terre est une nouvelle sensation pour ces personnes handicapées"

"Nous sommes toujours en formation actuellement, il nous reste encore quelques étapes à franchir comme le taillage, la petite mécanique. Tout le reste, on l'a acquis grâce aux conseils de Sylvain. Les personnes, que j'encadre, ont des pathologies différentes, avec des problèmes physiques, mentaux... Au fil des jours, elles se sont révélées de plus en plus motivées par ce projet, en voyant que les légumes qu'elles ont plantés, poussent.
Ce sont des personnes qui n'ont pas l'occasion de cultiver chez elles, car il faut qu'elles soient bien encadrées. Ici, elles sont avec un éducateur qui les motive, qui leur apprend l'utilisation des outils et leur apprend les bons gestes. Toucher la terre est une nouvelle sensation pour elles".

Ranihau, porteur d'un handicap
"J'ai vraiment appris beaucoup de techniques et de nouveautés. C'est une très belle expérience. J'ai de la place chez moi, je vais me mettre à faire un fa'a'apu.

Les centres participants :
- Huma Mero à Arue,
- Heimanava, Papa Nui à Papeete,
- Turuma à Papeno,
- Tama Ora à Papeete,
- Fraternité Chrétienne à la Mission,
- Taatira Huma Tahiti Iti à Taravao.

le Mercredi 10 Octobre 2018 à 15:56 | Lu 4109 fois