Le déplafonnement du taux de cotisation de la retraite tranche A est acté


PAPEETE, vendredi 18 octobre 2013. Pour tenter d’éviter une faillite du système de retraite polynésien des travailleurs salariés, les élus de l’assemblée de Polynésie ont adopté ce vendredi par 38 voix pour (Tahoeraa) et 19 abstentions (A Ti’a Porinetia et UPLD) le déplafonnement du taux de cotisation de la retraite tranche A des salariés. Ce taux de cotisation de la retraite tranche A a longtemps été plafonné à 15% de la rémunération. Il a finalement été atteint en 2011, 25 ans après son adoption, et a été reporté à 16,77% à compter de novembre 2012. Cette fois, avec la Loi du Pays qui vient d’être adoptée ce vendredi par les représentants polynésiens, une nouvelle étape est franchie puisque le plafond n’existe plus. Il reviendra chaque année au Conseil des ministres, après avis du Conseil d’administration de la CPS de le fixer, en fonction des besoins, mais la limite du taux n’est plus inscrite dans la loi.

Le contexte de ce changement important en matière de retraite est connu. En 10 ans, les dépenses de retraite ont augmenté de 140% alors que les recettes n’ont augmenté que de 77%. Depuis 2009, les cotisations ne couvrent plus les dépenses de l’année. En 2012, les cotisations se sont élevées à 20,7 milliards de Fcfp tandis que les prestations retraites versées atteignaient 27 milliards de Fcfp, soit un déficit de 6,2 milliards de Fcfp. Le déficit de la caisse de retraite est le résultat de l’inadéquation des textes aux réalités démographiques, mais aussi d’une situation économique dégradée avec de moins en moins de salariés, donc de moins en moins de cotisants. En 2013, la situation ne va pas s’arranger, au contraire, puisqu’un nouveau déficit d’au moins 5,9 milliards de Fcfp de la caisse est prévue. En effet le relèvement du taux de cotisation de la retraite A, de 15 à 16,77% n’a été mis en œuvre qu’à la fin de l’année 2012. «Cet effet ciseau de baisse des recettes et d’augmentation des dépenses entraîne une réduction rapide des réserves comptables qui sont passées de 60,7 millions de Fcfp en 2009 à 47,3 millions de Fcfp à la fin 2012. En l’absence de mesures de réforme, la CPS annonce un horizon d’épuisement des réserves liquides à 2015» précise le rapport qui a été remis aux représentants de l’assemblée de Polynésie.

Pour sauver la caisse de retraite des salariés et le système de répartition, il y a donc urgence. Aussi en dépit de l’avis défavorable émis par le CESC au sujet de ce déplafonnement, c’est bien cette solution facile à mettre en œuvre qui a été choisie par le gouvernement pour abonder de nouveaux fonds. Une solution d’urgence qui n’a pas manqué de faire réagir les élus de l’opposition, jugeant cette mesure à courte vue. En effet le système actuel de la retraite des salariés en Polynésie est très avantageux : il autorise une retraite à taux plein dès l’âge de 60 ans avec à peine 35 ans de cotisations, quand partout en Europe la durée des annuités a été prolongée, pour atteindre notamment en France, les 43 ans de cotisations.

Pour A Ti’a Porinetia, Armelle Merceron explique que «la retraite des salariés du public et du privé est en péril. La situation est inéluctable si des changements ne sont pas opérés. Pendant longtemps, les administrateurs de la CPS ont espéré que la situation économique irait mieux et ont retardé la prise de mesures de fond (…) Aujourd’hui cependant, Mme la ministre, vous avez choisi d’avancer à pas de fourmi et vous proposez le même texte que celui qui avait été adopté il y a un an puis invalidé par le Conseil d’Etat (…) En six mois vous avez eu largement le temps de discuter avec les partenaires sociaux des mesures à prendre». Le groupe A Ti’a Porinetia juge ainsi ces dispositions insuffisantes pour rééquilibrer durablement la caisse de retraite des salariés.

A l’UPLD, Antony Géros ne dit pas autre chose. Il cite un des responsables de la CPS qui avait expliqué que même un doublement du plafond du taux de cotisation de la retraite A ne suffirait pas à permettre le retour à l’équilibre. Seule la création de 18 000 emplois dans l’année à 200 000 Fcfp/mois permettrait de sauver le régime. «Nous nous opposons fermement à signer ce chèque en blanc, les yeux fermés (…) Ce qui marque ici c’est le manque d’imagination alors que vous disposez d’une majorité absolue pour cinq ans. Vous avez une chance inouïe de mener les réformes qui s’imposent». Le président du groupe UPLD à l’assemblée est allé jusqu’à proposer aux élus de regarder le succès selon lui des systèmes privés de retraite par capitalisation adoptés par plus de 30 pays dans le monde.

Une tirade que n’a pas laissé passer Sandra Levy Agami (Tahoeraa). La représentante s’est étonnée de ce que l’UPLD rejette aujourd’hui une solution pour sauver la caisse de retraite des salariés que le parti indépendantiste avait lui-même proposé en juillet 2012, lorsqu’il était aux affaires. «Etes-vous amnésiques Messieurs et Mesdames de l’UPLD ? Je suis déçue de ce comportement d’opposition systématique. Même quand on reprend vos bonnes idées de l’époque, vous ne les soutenez plus» ! Dans les rangs de la majorité encore, deux élues (Sylvana Puhetini et Gilda Vaiho-Faatoa) se sont elles interrogées sur les mesures d’économies que la CPS met elle-même en place pour limiter les dépenses et sauvegarder les réserves de la caisse de retraite.

Béatrice Chansin, la ministre du travail et de la protection sociale généralisée admettait que ce déplafonnement du taux de cotisation de la tranche A des retraites n’est qu’une «première étape pour redresser notre retraite. C’est un pas de fourmi, certes mais au moins nous avançons au contraire de nos prédécesseurs qui se sont contentés de chanter comme des cigales».

Rédigé par Mireille Loubet le Vendredi 18 Octobre 2013 à 16:10 | Lu 3526 fois