Le "cri d’alarme" du Cesec contre le diabète


Tahiti, le 8 novembre 2019 - Dans un rapport adopté vendredi à l'unanimité, les conseillers de la quatrième institution du Pays interpellent les responsables politiques au sujet de la situation du diabète en Polynésie et recommandent diverses mesures pour faire face à cette "catastrophe" sanitaire.
 
Pour sa première auto-saisine le Cesec, Conseil économique, social, environnemental et culturel, jette un pavé dans la marre en braquant une lumière crue sur la situation sanitaire d’une Polynésie française gangrenée par le problème du diabète. Malbouffe, surpoids, sédentarité, consommation de sucre en excès… Le diabète de type 2 est un phénomène sanitaire lent et silencieux qui touche en Polynésie un adulte sur cinq (dont la moitié à peine est diagnostiquée), et concerne 94% des patients suivis en longue maladie avec une progression annuelle de l’ordre de 6% (740 nouveaux cas en 2017). Le phénomène sanitaire pèse en 2018 pour près de 20% des 58 milliards de dépenses de santé engagées par la Caisse de prévoyance sociale. Ces chiffres ont doublé en l’espace de 10 ans et menacent d’en faire au moins de même au cours de la prochaine décennie, si rien de plus efficace n’est mis en œuvre pour endiguer le phénomène.

Telle est la matière avec laquelle le Cesec décide d’interpeller nos élus en les sommant de prendre en urgence les mesures préventives et curatives pour riposter efficacement contre l’aggravation dramatique de la situation. "C’est le sujet le plus important que nous ayons été amenés à traiter sur les 10 dernières années", a estimé Christophe Plée lors des débats vendredi. "Pour nous, le combat il doit commercer aujourd’hui. Il est urgent". Car, pour le président de la Confédération des petites et moyennes entreprises, "la Polynésie est déjà K.O. avant même d’avoir combattu ". Un "catastrophisme" auquel s’associe volontiers Patrick Galenon. Le secrétaire général de la CSTP/FO estime en effet que si les 45 000 personnes que la Direction de la Santé évalue atteintes du diabète de type 2 en 2017 "se faisaient dépister, demain la CPS devrait débourser 45 milliards par an pour leur seule prise en charge".

Dépistage systématique dès 40 ans

Et pour y voir plus clair, parmi les recommandations faites par le Cesec dans son auto-saisine, le dépistage systématique dès 40 ans revêt une importance de premier plan, comme l’a rappelé le docteur Jean-François Wiart : "Plus tôt on va dépister, mieux ce sera pour la suite. Ce qui grève le budget de la CPS ce n’est pas le diabète lui-même, ce sont ses complications". Le traitement d’un malade dialysé coûte en effet 10 millions de Fcfp par an à la caisse d’assurance maladie.

Toujours pour une meilleure prévention de la maladie, un suivi systématique et obligatoire est également recommandé en maternelle et en primaire, dès la rentrée 2020, sous l’égide du centre d’hygiène scolaire, à l’appui de "moyens humains et budgétaires conséquents"

Pour piloter les efforts de lutte, et compte tenu des multiples causes de cette maladie, la création d’une délégation à la prévention de l’obésité et du diabète, placée sous l’autorité du président de la Polynésie française, est recommandée d’urgence. Cet organisme serait chargé de coordonner planifier et piloter efficacement les mesures liées à la lutte contre ces maladies comportementales.

En matière de prévention, le Cesec demande aussi à "augmenter le budget et les moyens". Le budget de 619 millions de Fcfp dédié en 2019 à la prévention est jugé  "trop modeste" par le Conseil. Il propose de le renforcer en le finançant par le biais des mesures fiscales et économiques qu’il recommande (voir encadré ci-dessous).

​"Cri d'alarme"

Le rapport intitulé Le Diabète, un défi vital pour la Polynésie, préparé par la commission Santé-Société que préside Sébastien Bouzard, a été adopté à l’unanimité en séance plénière par la quatrième institution du Pays. Le Cesec a d’ores et déjà demandé audience au président Fritch et au président de l’assemblée de la Polynésie pour leur présenter les mesures identifiées comme urgentes à mettre en place pour faire face au phénomène diabète en Polynésie.

"C’est un cri d’alarme qu’on lance", a martelé Christophe Plée, vendredi en marge de la séance plénière. Et le représentant du patronat (CPME) d’ajouter : Maintenant c’est au gouvernement et aux représentants de l’assemblée d’assumer leurs responsabilités".

​Quelques recommandations du Cesec pour lutter contre le diabète

Economie et fiscalité :
- Prendre des mesures fortes combinant taxes et subventions, afin de rendre financièrement plus attractifs les produits « sains » et moins intéressants les produits « malsains » (trop sucrés, trop gras, trop salés) ;
- Agir sur la taxe sur le sucre (augmentation des prix d’au moins 22% comme en Nouvelle-Calédonie) ;
- Elargir la taxation, autant que possible, aux aliments riches en mauvaises graisses et en sel ;
- Revoir la liste des Produits de première nécessité (PPN) en fonction de critères sanitaires souhaités, des écarts de prix entre produits locaux et importés et intégrer des critères de qualité notamment dans la procédure d’appel d’offres de la farine ;
- Programmer par voie réglementaire, des objectifs échelonnés dans le temps, de composition nutritionnelle saine par familles d’aliments, pour les importations et les productions, en collaboration avec les importateurs et industriels locaux, afin d’adapter leurs activités.
 
Amélioration de la qualité des produits alimentaires locaux :
-  Adopter un Schéma directeur de l’agriculture qui favorise un approvisionnement régulier et un développement de circuits courts ;
- Soutenir fortement l’agriculture biologique via la restriction de la vente et de l’utilisation de produits chimiques ;
- Encadrer la production alimentaire industrielle locale pour réduire la quantité de sucre, de graisses et de sel ;
- Améliorer l’information des consommateurs et la traçabilité des produits (étiquetage nutritionnel).


Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Vendredi 8 Novembre 2019 à 16:49 | Lu 2667 fois