Le coût de la solidarité questionne


PAPEETE, lundi 10 juin 2013. Le Comité de gestion du Régime de solidarité de la Polynésie française (RSPF) s’est réuni ce lundi matin pour valider les décisions prises la semaine dernière par le Conseil des ministres d’augmenter le montant des allocations familiales et du minimum vieillesse. La question du financement, à terme, de ces mesures reste posée. Les deux délibérations à l’ordre du jour du Comité de gestion du RSPF ont été adoptées à la majorité des membres présents, mais leur mise en place coince un peu du côté des représentants du régime des salariés. Les quatre représentants du régime salarié présents ont choisi de s’abstenir ou de voter contre ces nouvelles mesures sociales, annoncées par le gouvernement Flosse avant même que l’avis ait été demandé au Comité de gestion. Si la régularisation de la méthode est aujourd’hui opérée a posteriori, il n’en reste pas moins que des interrogations et pas de moindres en ce qui concerne le financement de ces mesures à partir de 2014, ont été clairement posées au ministre de la solidarité qui préside le Comité de gestion du RSPF, soit Gaston Flosse en personne. Mais les réponses à ces questions tardent à venir et ne seront véritablement abordées que lors de réunions de travail à venir avec la ministre de la santé, Béatrice Chansin sur une réforme de fond de la Protection sociale généralisée (PSG). Bref, ce premier rendez-vous entre le nouveau gouvernement de Polynésie et les représentants des syndicats a été pour le moins expéditif (moins d’une heure), laissant de nombreux champs de discussion ouverts.


Les syndicats des salariés restent dubitatifs sur ces mesures sociales. «Nous nous sommes abstenus. On ne peut pas voter contre une mesure qui s’attaque à la misère des familles ou des personnes âgées mais nous avons posé des questions pour lesquelles nous n’avons pas eu de réponse» souligne Patrick Galenon, secrétaire général de la CSTP/FO. Parmi ces questions, quid des personnes qui touchent une retraite mensuelle plus basse que le minimum vieillesse qui vient de passer à 80 000 Fcfp ? Ou bien pourquoi les allocations familiales passent à 10 000 Fcfp/mois pour les ressortissants du RSPF quand elles stagnent à 7000 Fcfp pour tous les salariés quel que soit leur niveau de rémunération ? Des injustices dans la répartition de la manne sociale que les syndicats voudraient bien voir disparaitre. «Il va vraiment falloir penser à distribuer moins aux plus hauts salaires pour que les autres puissent avoir plus» poursuit Patrick Galenon. Eugène Sommers représentant syndical de la CSIP dit un peu la même chose «Nous avons voté contre parce que ces mesures alourdissent le régime de la solidarité. C’est vrai qu’il y a des familles démunies et qu’il faut penser à un dispositif, mais là nous savons que la CST qui pèse particulièrement sur les salariés va augmenter. Mais quand ? Combien ? Sur quelles tranches de revenus ? Or, ces problèmes de financement futur n’ont pas été évoqués. Ce serait bien aussi que ce ne soient pas toujours les mêmes qui doivent payer». Enfin, le syndicat A Tia I Mua qui avait dénoncé dès la semaine dernière une «décision prise dans la précipitation, sans concertation et sans financement pérenne» se réserve le droit d’intenter une action en justice pour ce qui concerne le relèvement du minimum vieillesse, précisait Yves Laugrost son représentant.

Quant au président du Pays, il ne comprend pas la frilosité des syndicats sur ces mesures sociales alors qu’il y aurait un millier de personnes inscrites en plus chaque mois au RSPF. D’autant qu’il l’affirme «pour 2013, les crédits sont là, ils ont été inscrits par le précédent gouvernement ! Pour 2014, il y a aura un fonds spécial financé par la CST, une taxe qui est payée par tout le monde, et je vais proposer d’augmenter les taxes sur l’alcool et le tabac pour venir au secours de cette population» détaille Gaston Flosse. Augmenter la CST : pourquoi pas, disent les syndicats mais d’abord et avant tout sur les plus hauts salaires. Car cette Contribution de solidarité territoriale a un taux qui varie en fonction des revenus : de 0,5% pour des montants inférieurs à 150 000 Fcfp/mois jusqu’à 10% au dessus de 2 millions de Fcfp, mais épargne, par le système du plafond, les très hauts revenus.


Déficit du RSPF : la main tendue à l’Etat


Pour ce qui est du déficit annoncé du RSPF, qui serait de plus de 4 milliards de Fcfp à la fin de 2012, le président du Pays a botté en touche devant les journalistes et a déclaré ignorer son montant exact pour l’instant «entre 2,7 et 4,2 milliards de Fcfp» admet cependant Gaston Flosse. Le budget de ce régime de solidarité a été lourdement aggravé par le nombre croissant de ressortissants, ils seraient 74 538 bénéficiaires à ce jour, une augmentation de 54,3% au cours des huit dernières années. Au point que désormais «le nombre de cotisants à la Caisse de prévoyance sociale (CPS) est inférieur à l’effectif des bénéficiaires du RSPF» admettait le vice-président Nuihau Laurey, à l’issue du Conseil des ministres du 29 mai dernier. Aussi, il va falloir se pencher sérieusement sur son mode de financement «Le Pays va faire un effort important pour rééquilibrer l’action sociale du territoire et on demandera à l’Etat de participer à 30% de la facture globale du RSPF» a précisé ce lundi Gaston Flosse devant la presse.
Après six années sans participation de l’Etat au régime de la solidarité de Polynésie, Gaston Flosse a déjà annoncé au Haut-commissaire que la demande sera officiellement formulée. Même s’il faut en passer par une réforme globale de la PSG pour obtenir cette manne de Paris, mais justement, la "refondation" de la PSG était au programme du Tahoeraa.

Rédigé par Mireille Loubet le Lundi 10 Juin 2013 à 17:42 | Lu 2486 fois