Le chef d’état major de la Marine nationale évoque la «territorialisation» de la mer


PARIS, lundi 5 août 2013. L’amiral Bernard Rogel Chef d'Etat Major de la Marine confiait le 23 juillet dernier dans une interview à l’agence News Presse, reprise ensuite par l’AFP sa vision des nouvelles missions de la marine nationale et notamment la protection des ressources sous-marines. Extraits.

Question : Vous êtes, comme votre prédécesseur, un « sous-marinier ». L'augmentation du nombre de sous-marins militaires dans le monde et de pays détenteurs de cette arme signifie-t-elle une recrudescence des dangers ?

Notre Livre blanc, paru il y a peu, l'a indiqué: les menaces dans le monde sont de plus en plus diffuses, dispersées et évolutives. C'est vrai de la menace sous-marine comme des autres. Il y a effectivement depuis vingt ans une augmentation sensible du nombre de sous-marins dans le monde. On en compte environ 500 aujourd'hui, détenus par 42 pays. Nous sommes bien sûr très attentifs à cette évolution.
Vous remarquerez d'ailleurs que je préfère parler de risque ou de menace potentielle plutôt que de danger.

Question : Les tensions militaires sont de plus en plus nombreuses en Asie - revendications territoriales, nationalisme, conflits de puissance Chine Asean US. Européens et français avons-nous des intérêts militaires et maritimes en mer de Chine ?

Oui ! Nous avons des intérêts en mer de Chine pour au moins trois raisons. Tout d'abord, la Chine elle-même est un géant économique. Notre intérêt économique, comme celui des autres puissances dans le monde, passe donc par le maintien de la paix dans cette région du monde. Ensuite parce que la mondialisation induit une dépendance très forte de nos économies aux flux maritimes.
Enfin, ainsi que l'a fait remarquer le Sénat dans un rapport d'information publié l'année dernière, la raréfaction des ressources à terre tourne les appétits vers la mer dans le monde entier. Les revendications territoriales qui sont pour partie liées à la protection des ressources potentielles que l'on trouve au fond des océans, sont une illustration de ce que j'appelle la "territoralisation" de la mer, c'est à dire la revendication de nouvelles frontières à la mer. Ce n'est d'ailleurs pas le seul endroit ou des tensions pourraient apparaître. Je pense à l'Arctique, à la Méditerranée, au Pacifique....

Question Si l'on considère que le monde est plus instable, plus dangereux, est-ce mécaniquement un engagement accru de la Marine nationale pour la défense des intérêts français et européens ? Si oui est-ce tenable ?

L'engagement de la Marine nationale sera celui que le pouvoir politique lui ordonnera. Le rôle des militaires n'est pas de fixer les missions mais bien de remplir celles qu'on leur ordonne avec les moyens qu'on leur confie. Le Livre blanc a donné un cap et mis en regard des moyens et une ambition. A mon niveau, je dois m'assurer que le contrat opérationnel qui en découle pour la marine est réalisable. Cela suppose un programme de renouvellement de nos moyens mais aussi des crédits suffisants pour entretenir le matériel existant, autoriser l'activité nécessaire à l'entrainement et faire fonctionner la marine de façon générale. C'est tout l'objet de la loi de programmation militaire qui doit être débattue prochainement.

Rédigé par AFP le Lundi 5 Aout 2013 à 17:16 | Lu 2213 fois