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Le charbon sans fumée qui asphyxie les Mongols


Oulan-Bator, Mongolie | AFP | mardi 19/11/2019 - C'est la capitale la plus froide du monde - et aussi l'une des plus polluées. Pour purifier l'atmosphère, Oulan-Bator encourage les familles à utiliser du charbon sans fumée... mais cette source de chaleur a déjà tué huit fois dans la capitale mongole.

Un soir d'octobre, Gerel Ganbaatar décide de passer la nuit avec ses parents dans une yourte traditionnelle des environs d'Oulan-Bator. Ce choix sera fatal à la jeune femme, enceinte de quatre mois.
Quelques heures plus tard, Gerel et ses parents commencent à ressentir nausées et troubles respiratoires. Ils appellent à l'aide, mais trop tard. Quand les secours arrivent, la future mère, âgée de 29 ans, est déjà morte.
Pour la première fois ce soir-là, la famille venait d'utiliser des briquettes de charbon sans fumée, une source de chauffage distribuée gratuitement par les autorités, qui ont interdit le charbon brut.
Depuis que les habitants ont commencé à utiliser ces briquettes le mois dernier, sept autres personnes sont mortes asphyxiées, pour la plupart des enfants, des personnes âgées et des femmes enceintes. Des dizaines d'autres victimes ont été hospitalisées.
"J'ai fait brûler du charbon toute ma vie, nous n'avons jamais été intoxiqués", se désole la mère de Gerel.
Jusqu'à l'hiver dernier, le charbon brut était largement utilisé dans les yourtes entourant Oulan-Bator, dans les quartiers où s'entassent des milliers de nomades venus des steppes.
La fumée dégagée par ce charbon non transformé, dans une ville où la température tombe allègrement à -40 degrés l'hiver, était accusée d'être responsable des taux de pollution record de la capitale mongole.
 

- Deux fois plus d'oxygène -

 
D'où l'idée de généraliser les briquettes sans fumée, qui durent plus longtemps et chauffent mieux que le charbon traditionnel, comme l'assurent les autorités.
A condition de s'en servir correctement: les briquettes, plus denses, consomment deux fois plus d'oxygène que le charbon brut, souligne Byambajargal Losol, physicien à l'Académie mongole des sciences. Soit un risque accru d'intoxication au monoxyde de carbone.
L'usine d'Etat qui produit les briquettes souligne que les familles doivent penser à ramoner leur poêle avant de les utiliser. Elle a commencé à fournir un service de ramonage gratuit après les premiers cas d'intoxication rapportés par la presse locale.
Dans une ville où seule la moitié des habitants dispose du chauffage central, le gouvernement a dépêché des équipes dans les quartiers défavorisés pour des séances d'information sur l'utilisation des briquettes et promis de distribuer gratuitement des détecteurs de monoxyde de carbone. 
De l'avis des experts, le combat des autorités contre la pollution atmosphérique commence à porter ses fruits.
Mme Sonomdagva, de l'Université nationale de Mongolie, assure à l'AFP que le taux de particules fines PM 2,5, celles qui s'insinuent dans les poumons et les artères, était déjà en baisse de 40% le mois dernier par rapport à octobre 2018.
Mais la douceur inhabituelle du climat cet automne peut expliquer en partie cette amélioration, ainsi que la peur de l'intoxication, qui a conduit certains foyers à utiliser du bois plutôt que du charbon... ou à moins se chauffer.
Enkhjargal Chuluun, infirmière dans un cabinet dentaire, reconnaît que les briquettes chauffent mieux et sont plus faciles d'utilisation.
"Mais nous avons toujours peur de l'asphyxie, alors nous avons commencé à dormir avec la fenêtre ouverte...".

le Mardi 19 Novembre 2019 à 03:38 | Lu 416 fois