Le cadeau de Laurent Ballesta à Fakarava


Crédit photo : Laurent Ballesta.
Tahiti, le 17 février 2023 – Laurent Ballesta, le plongeur et photographe connu pour avoir produit deux documentaires à Fakarava, a reçu en 2021 le prix du Wildlife Photographer of the Year à Londres et avec celui-ci, un chèque de 10 000 € (1 193 317 Fcfp). Une somme qu'il va reverser au maire de la commune le 23 février prochain et qui servira à aménager un système d'eau potable à Tetamanu, situé au niveau de la passe sud de l'île.
 
Plongeur, biologiste et même photographe, Laurent Ballesta a de multiples casquettes. Aujourd'hui à Rangiroa pour un projet sur la migration des requins-marteaux, le Français a passé cinq années, de 2014 à 2019, à Fakarava, où il a notamment étudié la ponte des mérous et la chasse nocturne des requins gris dans la fameuse passe sud de l'île. Des études pendant lesquelles il a produit, avec son équipe de l'expédition scientifique Gombessa, deux documentaires, Le mystère Mérou et 700 requins dans la nuit, et pris de très nombreuses photos.
 
C'est d'ailleurs avec l'une de ces photographies sous-marines qu'il a remporté, en 2021, le prix du Photographe de nature de l'année (Wildlife Photographer of the Year) à Londres, où sa photo a été choisie parmi les 50 000 autres. Avec cette récompense, Laurent Ballesta a également reçu un chèque de 10 000 € (1 193 317 Fcfp). Une somme qu'il compte reverser à la commune de Fakarava et qui servira notamment à l'aménagement d'un système de traitement d'eau potable à Tetamanu, un motu proche de la passe sud de l'île. Pour remettre cette récompense, il est attendu le 23 février prochain par le maire de Fakarava.
 
Un prix qui devait "revenir à Fakarava"
 
Pour le plongeur, ce don n'est pas un dû. "Je ne fais pas ce don en pensant que je dois quelque chose à Fakarava. Je ne considère pas avoir de dette, car j'ai fait un travail scientifique et j'ai énormément aidé la Diren (direction de l'environnement, NDLR) en faisant un comptage des mérous et des requins ou encore une cartographie de toute l'île. J'ai aussi produit des films vus dans le monde entier et je pense que ceux-ci ne sont pas étrangers au fait que le nombre de plongées à Fakarava a été multiplié par dix ces cinq dernières années." Laurent Ballesta a également expliqué que cette idée de reverser cette récompense était le fruit d'une réflexion personnelle. "J'ai toujours dit et pensé que si certains d'entre nous arrivaient à prendre des photos aussi exceptionnelles, ce n'était pas parce que nous étions de grands photographes... Mais c'est bien car il y a des endroits d'exception comme la Polynésie. En repensant à cette phrase et en allant au bout de cette réflexion, j'en ai conclu que ce prix revenait donc à Fakarava."
 
Pour lui, cette récompense devait effectivement aller à la programme de l'Unesco Man and Biosphere de l'atoll où se trouve le motu Tetamanu. Il se dit également "très content" pour les familles qui y vivent. "Dans Man and Biosphere, il n'y a pas que la vie sauvage, mais aussi les hommes, c'est cet équilibre qui est intéressant. Et amener de l'eau potable, ça va dans le sens de la qualité de vie sur ce site."
 
Une photo avec "l'âme de Fakarava"
 
En plus de ce don, Laurent Ballesta a décidé d'aller encore plus loin. Ainsi, avec son entourage, il a eu l'idée de créer un tirage papier unique de sa photo et de la vendre aux enchères pour, une fois de plus, reverser les bénéfices à l'atoll des Tuamotu. "On a eu cette idée de fabriquer un papier unique contenant toute l'âme de Fakarava", raconte le biologiste. "Ce papier d'impression a été fait à partir d'eau de mer et de sable corallien broyé, prélevé sur l'île." Ce processus inédit, dont la réalisation a été fastidieuse, a nécessité l'expertise d'artisans européens. Pour l'instant, la photographie n'a toujours pas été mise en vente et est stockée dans le laboratoire photo parisien qui l'a imprimée, où elle attend son futur acquéreur. "J'ai un peu de mal à la mettre aux enchères", avoue-t-il. "Je visais des grandes enseignes au Royaume-Uni comme Christie's, qui vendent des œuvres d'art très chères. Je me disais qu'ils seraient peut-être sensibles au projet, mais ça ne fonctionne pas pour l'instant. Mais tôt ou tard, elle sera vendue et les bénéfices seront reversés à Fakarava."
 
L'étude des grands requins-marteaux
 
Depuis trois années, Laurent Ballesta et son équipe ont migré un peu plus à l'est, à Rangiroa. En partenariat avec l'association Mokarran Protection Society, ils s'occupent désormais d'étudier la migration et les déplacements des grands requins-marteaux, avec le projet Taumata roa. Une évolution qu'il juge être la suite logique de son travail : "Il y a une certaine logique. En 2014, on a commencé par étudier la ponte des mérous, puis on a découvert la chasse nocturne des requins dans la passe sud de Fakarava. Et enfin, la dernière année là-bas, on s'est rendu compte que ces requins gris se reproduisaient juste avant les mérous et qu'à ce moment, les grands requins-marteaux venaient les attaquer. C'est donc la continuité de notre travail de les étudier maintenant et le troisième volet de notre aventure polynésienne". Un travail qui, selon le principal intéressé, paraissait utopique au début, tant les données sur ces animaux étaient faibles. De plus, Laurent Ballesta souhaitait respecter leur éthique en n'utilisant pas "de feeding, ni d'appâtage". Cependant, contre toute attente, ils se sont aperçu que "si l'on plonge profond en recycleur, vers 60 mètres, là où aucun touriste ne va, et si on ne faisait pas trop de bruit, on pouvait apercevoir régulièrement des taumata roa qui avaient la curiosité de venir vers nous." Après avoir attendu trois ans pour avoir les autorisations de la Diren pour le marquage des requins, ils ont enfin débuté le balisage depuis quelques mois. Au compteur, neuf requins-marteaux ont déjà été pucés, sur les dix qu'ils espéraient cette saison. Pour réussir l'exploit de les marquer avec une balise, de leur prélever de l'ADN et même de les mesurer dans un laps de temps très court, ils ont développé un système de tête de flèche ultra-sophistiqué, avec un pointeur laser et une caméra intégrée. Laurent et son équipe poursuivront leur mission pendant encore trois ans à Rangiroa, pour tenter d'enfin percer le mystère des migrations des requins-marteaux sur l'île et d'en apprendre plus sur une espèce dont on ne connaît que très peu de choses.
 

Crédit photo : Laurent Ballesta.

Photo avec laquelle Laurent Ballesta a remporté le prix Wildlife Photographer of the Year à Londres en 2021. Crédit photo : Laurent Ballesta.

Crédit photo : Laurent Ballesta.

Rédigé par Thibault Segalard le Lundi 20 Février 2023 à 18:05 | Lu 3924 fois