Le Tomora'a, une fierté communale


Tahiti, le 13 juillet 2024 – Chaque année, la commune de Punaauia profite de la fête de l'orange pour célébrer ses différents acteurs et ses administrés qui font vivre la commune. Parmi eux, Tuhaamanaroa Pito, membre de l'association pour la protection de la vallée de la Punaruu et porteur d'oranges, revient pour Tahiti Infos sur cette pratique qui constitue une véritable fierté pour les habitants de la commune.
 
Ia ora na Tuhaamanaroa, tu es habitant de Punaauia depuis toujours, peux-tu nous dire ce que cette fête de l'orange signifie pour toi ?
 
Tuhaamanaroa Pito : " Pour tout natif de Punaauia, l'orange représente l'emblème de la commune et aujourd'hui, la cueillette, c'est devenu une tradition. Les oranges se font rares mais nous essayons de perpétuer cette tradition héritée de nos tupuna et surtout, de la transmettre aux nouvelles générations. Il y a une vraie communauté aussi, il faut le dire. Le plaisir est là, de se retrouver en montagne et de partager cette expérience unique, que l'on ne retrouve dans aucune autre commune. Pour ma part, je suis adhérent de l'association depuis 1999, donc cela fait 25 ans cette année. "
 
Cette ascension aux plateaux des orangers tu l'as faite plusieurs fois ces dernières années, et aujourd'hui, les choses semblent évoluer mais pas forcément dans le bon sens. Quel est ton ressenti par rapport à ça ?
 
" Oui, aujourd'hui les plantes envahissantes recouvrent les orangers et c'est un réel problème. Et contrairement à ce que l'on pourrait penser, il n'y a pas que les pisse-pisses et le miconia, il y a aussi les barbadines qui viennent étouffer les arbres, qui du coup ont du mal à produire. C'est un problème auquel nous n'avons pas encore trouvé de réelles solutions. "
 
Tu parlais plus tôt des nouvelles générations. Aujourd'hui, est-ce que les jeunes ont commencé à prendre le relais ou cela reste difficile de les enrôler dans une telle escapade ?
 
" J'ai constaté cette année que l'on était  moins de porteurs durant toute la semaine, mais à côté de ça j'étais agréablement surpris de voir beaucoup de jeunes. La plupart d'entre eux ont peut être entre 10 et 12 ans, mais j'en ai aussi vu quelques uns de 8 ans peut être. C'était une bonne surprise. "
 
Parle nous un peu de ta récolte, comment ça s'est passé et combien de kilos as-tu pu descendre ?
 
" Pour ma part, je porte au bambou. Ce qui rend l'expérience un peu plus technique, notamment dans les descentes. Il faut tout le temps changer de côté, la marche est différente parce qu'on ne dispose que d'un bras pour tenir les cordes. À l'inverse, en sac à dos, nous avons les deux mains libres donc si on perd l'équilibre c'est plus facile de se rattraper. Par contre, que ce soit l'une ou l'autre technique, la montée comme la descente, ça fait toujours aussi mal. Peu importe le nombre de fois que tu y es allé, le nombre d'années également, c'est toujours la même fatigue et ça fait mal. Et pour cette année, j'ai du ramener environ 70 kilos d'orange je pense. "
 
Les gens ne s'en rendent pas bien compte mais il s'agit d'une véritable prouesse physique…
 
" Cette année, j'ai un copain qui est venu pour la première fois. Il pensait qu'on allait aller juste dans un champ pour cueillir les oranges et puis qu'on reviendrait. Mais pas du tout. Il y a la montée qui dure bien deux heures jusqu'au refuge, une fois arrivé aux orangers il faut les cueillir et ce n'est pas si simple car c'est haut. Et puis surtout, après avoir passé quelques jours là haut, il faut redescendre avec les charges et là c'est compliqué. Il n'y a qu'un seul sentier et c'est étroit, donc on est en file indienne et ce n'est pas forcément pratique car chacun a son propre rythme et les charges peuvent être très lourdes. Ce n'est vraiment pas facile, surtout au niveau du mental. "
 
Comment est-ce que l'on se prépare du coup pour cette cueillette si particulière ?
 
" Je pense que chaque membre de l'association des porteurs d'oranges y pense dès le mois de mai. L'excitation monte et on sait que l'épreuve arrive. Et puis en amont, on y va pour déposer de la nourriture au refuge, on prépare les affaires. Oui c'est un minimum de préparation quand même car on reste là haut toute la semaine, de lundi à vendredi, avant de redescendre. "
 


Rédigé par Wendy Cowan le Samedi 13 Juillet 2024 à 14:48 | Lu 1733 fois