Le Temple chinois de Tahiti en fête pour l’année du singe


Le temple chinois de Tahiti à l’architecture bien orientale. Photo Guy Tcheong
PAPEETE, le 5 février 2016. Pour préparer le jour de l’an chinois, Tahiti Heritage vous transporte au cœur du temple Kanti de Papeete, pour découvrir un volet peu connu de la culture chinoise de Tahiti.

Le temple chinois de Tahiti est à cette époque de l’année (chinoise) particulièrement fréquenté à la fois par les fidèles qui viennent remercier Kanti pour les faveurs de l’année écoulée et par ceux qui souhaitent, un peu avant l’heure, renouveler les protections et connaître l’avenir pour la nouvelle année. Une année sous le signe du singe de feu rouge, un singe que l’on dit malin, débrouillard, doué en affaires et opportuniste.

UNE ARCHITECTURE ORIENTALE

L’unique temple chinois de Tahiti se dresse dans le quartier de Mamao à Papeete. Il surprend en premier abord par son architecture très orientale, avec ses grandes colonnes rouges, sa façade verte et son toit en pagode en tuiles vernissées rouges. Le temple a été dessiné il y a seulement une trentaine d’année par M. Liaw, un architecte et géomancien de Taiwan qui a scrupuleusement respecté les principes du Feng-Shui. Cet art millénaire chinois a pour but d’harmoniser l’énergie environnementale d’un bâtiment de manière à favoriser le bien-être de ses occupants en agençant les flux visibles (cours d’eau) et invisibles (les vents) pour obtenir un équilibre des forces et une circulation de l’énergie.

La façade reprend les couleurs traditionnelles chinoises :
•le rouge, la couleur la plus symbolique de la culture chinoise, qui représente la prospérité et le bonheur ;
•le vert, qui symbolise l’espérance ;
•le jaune, associé à l’or et donc à la fortune.

Le temple à été inauguré le 30 Mai 1987 pour remplacer un vieux temple construit sur ce même site et détruit par un incendie le 20 mai 1981. C’était une simple construction rectangulaire avec des murs en planches et un toit en tôle ondulée qui ne ressemblait en rien à une pagode. Cependant des motifs décoratifs au faîtage marquaient la destination religieuse de l’édifice qui aurait été édifié vers 1860, bien avant l’arrivée des premiers coolies de la Grande plantation d’Atimaono à Papara en 1865.

LES GARDIENS DU TEMPLE

Un couple de lions en marbre blanc, offerts par la république populaire de Chine, jouent un peu le rôle de chiens de garde en bas des escaliers conduisant au temple. Des statues de lions gardiens sont traditionnellement installées devant les palais impériaux et les temples chinois car ils sont dotés de pouvoirs protecteurs.
En haut des marches, l’entrée du temple est gardée par deux dragons, des animaux typiques de la mythologie chinoise. Le dragon qui appartient à la famille des immortels est le symbole du principe mâle (yang), le phénix étant le symbole du principe femelle (yin).

Le lion gardien mâle en posant une patte sur une boule décorée représente la suprématie sur le monde. Photo Tahiti Heritage.

L’un des deux dragons de l’entrée du temple. Photo Tahiti Heritage

KANTI, DIEU DE LA GUERRE

Devant le temple trône la sculpture de Kanti. Kanti ou Guan Gong est un personnage-clé de l’histoire de la Chine qui vécut entre les années 162 et 219, à l’époque où la Chine était divisée en trois Royaumes. Célèbre par son courage, sa loyauté et son patriotisme, Kanti est également renommé pour ses qualités de bonté et de générosité envers les pauvres notamment. Il a été divinisé en tant que Dieu de la guerre et des arts martiaux.
La sculpture de Kanti, a été offerte par Gaston Amouy en 2007. Initialement, la sculpture était bien mal placée sur le trottoir à l’extérieur des jardins du temple. Une nuit, on a subtilisé l’épée du guerrier, ce qui a du être très humiliant pour le dieu de la guerre. Une autre nuit, la sculpture a été barbouillée d’huile de vidange. Du coup, la sculpture du vénérable Kanti a été déménagée dans un endroit plus sûr, à l’intérieur de l’enceinte de la propriété devant son temple.
L’autel de Kanti. Photo Yan Peirsegaele

La statue de Kanti, le dieu de la guerre. Photo Olivier Babin

LES DIVINITES DU TEMPLE

L’intérieur du temple chinois de Mamao est la représentation d’un bâtiment administratif officiel où siège le fonctionnaire Kanti. Devant sa statue, se trouve son bureau, où sont déposées les offrandes, sur lequel se trouve cinq objets rituels : un brûloir d’encens flanqué de chaque côté d’un vase et d’un candélabre.

La pièce avec ses mûrs et plafond noirs est sombre, enfumée et parfumée par les bâtonnets d’encens qui se consument. Une atmosphère propice au recueillement.
Dans le mur du fond de couleur noir se détachent trois renfoncements, des autels, qui brillent par leur couleur rouge et or.
Dans l’autel du centre, trône la statue du dieu Kanti, avec à sa gauche la statue de son fils adoptif, qui est en même temps son adjoint, et à sa droite, son écuyer porte-arme.
Une fresque représente le Serment du Jardin des Pêchers où Guang Gong, Liou Pei et Tchang Fei, amis inséparables, prêtèrent serment de fraternité jusqu’à la mort.
A droite se trouve l’autel de Tchong Ten Sou, maître taoïste chargé de chasser les mauvais esprits et d’améliorer le Feng Shui.
A gauche, trône l’autel de Mazu Niang Niang, la déesse de la mer et des marins qui a le pouvoir d’éloigner les catastrophes naturelles maritimes. Les pêcheurs locaux viennent demander sa protection avant leurs sorties en mer. C’est une déesse très importante en Chine où les adeptes implorent la déesse pour avoir un enfant, pour rétablir la paix, pour obtenir la solution à un problème ou pour leur bien-être général.
Au fond, à gauche, l’autel des cent familles, présumées originelles de toute la population chinoise en Chine.
A droite de la porte d’entrée, l’autel de Guan Yin, la déesse de la compassion et de la miséricorde qui est l’une des déités les plus populaires en Asie.
A gauche de la porte se trouve l’autel de Thi Tsou Ya, le dieu propriétaire de la terre, où repose les esprits de la terre.
A l’entrée du temple, siège l’autel de Tu Ti Kung le dieu de la terre (à qui on offre les gâteaux de lune) et Tuti po, le couple des divinités de la fertilité qui assure la protection de l’agriculture.
A droite de la porte d’entrée, l’autel de Kwan Yin Yang est dédié à la déesse de la miséricorde ou du Lotus, c’est une divinité du panthéon bouddhiste.
Au fond à droite se cache l’autel de Chim Soo Kung, une simple plaque noire gravée de sinogrammes pour rappeler l’histoire tragique de ce coolie chinois de la plantation d’Atimaono qui s’est sacrifié pour éviter une sanction collective de rapatriement et fut guillotiné en 1869. La communauté chinoise de Tahiti en a fait un martyr.
L’autel de Kwan Yin Yang. Photo Guy Tcheong

L’autel du martyr Chim Soo Kung d’Atimaono. Photo Olivier Babin

CULTE DES ANCETRES ET DES ESPRITS

Le concept de religion est plutôt occidental. Il y a cependant dans la culture chinoise, certains aspects qu’on pourrait qualifier de religieux, (culte des ancêtres, culte des esprits, croyances animistes). La religion chinoise est en fait un mélange d’influences provenant du confucianisme, du taoisme, et du bouddhisme, trois courants de pensée à caractère philosophique plutôt que déiste.
L’objet du culte chez les chinois est de s’assurer la protection surnaturelle au moyen de cadeaux. Pour cela, il faut solliciter le dieu par des offrandes de toutes sortes (bâtonnets d’encens, nourriture, papier-monnaie) pour obtenir ses faveurs.

LE RITUEL

Avant les offrandes, la communication doit être établie avec l’au-delà. Avec le gong et le tambour, on annonce qu’on est là pour demander audience à Kanti. Pour s’assurer de sa présence, on jette des croissants en bois dont un côté est plat et l’autre bombé. L’esprit est présent quand les deux croissants tombent sur une face opposée. Localement, les croissants servent à interroger Kanti qui donne une réponse selon la position des croissants :
•2 faces bombées = non
•2 faces opposées = oui
•2 faces plates = incertitude.

L’ORACLE

Quand le destin de l’homme échappe à son libre arbitre, souvent il s’adresse à une puissance extérieure pour connaître le cours futur des événements et influer sur lui, d’où l’utilité de l’oracle pour mieux maîtriser sa destinée. Pour obtenir un oracle, il faut secouer une boîte contenant 100 bâtonnets de bois où est inscrit un numéro. Quand une baguette tombe de la boîte, il faut l’apporter au gardien du temple qui donne en échange l’oracle correspondant au numéro de la baguette. C’est en langage souvent sibyllin la réponse de l’au-delà. Les 100 numéros représentent 100 cas de situations humaines anciennes dont l’évolution peut être mise en parallèle avec des situations actuelles.

Kung Hei Fat Choi !
Le plafond du temple dans les effluves d’encens. Photo Guy Tcheong

Statues diverses du temple . Photo Guy Tcheong

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Rédigé par TAHITI HERITAGE le Vendredi 5 Février 2016 à 12:50 | Lu 3276 fois