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“Le Sang du corail”, la parole aux raerae


Monak, l’auteure du Sang du corail espère "qu’on aborde le sujet, qu’on arrête de les montrer du doigt et de leur dire ce qu’elles doivent faire. Le problème est posé sur la table".
Monak, l’auteure du Sang du corail espère "qu’on aborde le sujet, qu’on arrête de les montrer du doigt et de leur dire ce qu’elles doivent faire. Le problème est posé sur la table".
TAHITI, le 22 septembre 2022 - Monak signe l’ouvrage Le Sang du corail paru aux éditions Maïa. Il est un roman, largement inspiré, de la vie des raerae du territoire. L’auteure ne cache pas son intention de dénoncer le manque tolérance et les humiliations qu’elles subissent au quotidien.

Parlez-moi de genre, comme on parle d’amour. Je fais partie de ces asociaux, sans doute, confronté(e) dès la conception à cette question insoluble entre chromosomes X-Y et gène SOX9”, écrit une “raerae qui ne s’ignore pas” en préface du livre Le Sang du corail : “La division cellulaire n’est pas la seule à atomiser nos sociétés. ‘La langue est un porc sauvage ; elle ne peut se dompter’, nous accuse un proverbe tahitien.”

Le Sang du corail est un ouvrage qui vient de paraître aux éditions Maïa. Une fiction “et non un documentaire”, insiste son auteure Monak. Il y a un personnage central surnommé Pers’ et plusieurs vies qui s’entrecroisent. Le récit explore la dureté du quotidien de celles qui paraissent, à première vue, intégrées. “J’ai de nombreuses amies raerae et j’ai pu constater les brimades, humiliations et insultes, le manque de considération. Alors même que l’on se sert d’elles.

En famille, “on leur demande de s’occuper des enfants par exemple, de réaliser les tâches ménagères”. Souvent, elles sont rejetées. “Faut-il rappeler que le monde marche sur la tête et que les adultes ne font cas de leur descendance que dans les limites de leurs convictions et de leur dose de patience ?”, est-il écrit dans l’ouvrage. Dans la rue, “on ne se gêne pas pour les déguster et les consommer !” Car d’après l’auteure, celles qui n’ont pas de diplôme et souhaitent changer de sexe n’ont pas d’autre choix que la prostitution. Un jour, c’était en 2014, Monak a voulu dénoncer tout cela. Car elle déplore que nombreux sont les documentaires qui les montrent “gentiment acceptées”. Ce qui, globalement, “n’est pas le cas”.

Dire les choses à leur place

Mon objectif est de dire, tout dire, à leur place”, explique Monak. “La société est intolérante, elle piétine éternellement les raerae.” Elle a demandé l’autorisation à ses amies concernées. Elle a rassemblé les récits, compilées ses propres observations et écrit son texte, petit à petit. L’histoire s’est construite au fil des expériences vécues. En avril dernier, tout s’est accéléré. “Jusqu’à Pâques, je ne savais pas trop où j’allais”, avoue l’auteure. À Pâques, celle qui a inspiré le personnage de Pers’ a été incarcérée à Nuutania, brutalement. Monak, profondément touchée par la tournure des événements et les conditions de détention a conclu son récit en moins d’un mois.

Pers’ qui n’est pas opérée est enfermée dans le quartier des hommes : “Trois codétenus par cellule (…), une douchette, trois lits superposés, une table : quelque chose comme 9 m2… À vérifier.” Plus loin, l’auteure constate : “Elle ne sort pas dans la cour pour la promenade. Certainement pour éviter de tomber sur ses clients de passe quand elle était dehors. Vu son allure au corps bien sculpté, elle ne passerait pas inaperçue.”

Le Sang du corail est entièrement inspiré de faits réels. Mais Monak rappelle que “toute ressemblance avec des personnes réelles ne peut qu’être fortuite". Excepté les citations, dûment attribuées à leur propriétaire : “Ce dont je les remercie pour la teneur, la beauté, la sincérité de leurs propos, venus cristalliser mes élucubrations.”

Monak espère avec cet ouvrage “qu’on aborde le sujet, qu’on arrête de montrer les raerae du doigt et de leur dire ce qu’elles doivent faire. Le problème est posé sur la table”. Leur rêve “est d’avoir un homme, de fonder une famille”. Et pourquoi pas ? “Sur Terre tout le monde est valable”, rappelle Monak.

Pers’ sortira-t-elle de la malédiction ?
Sur son atoll minuscule des Tuamotu, Elle n’est personne : fruit défendu, elle subit. Elle est Pers’, le personnage principal. Elle est un raerae qui a beaucoup souffert et qui reste éternellement révolté par toute la souffrance enfouie. Forcée de se battre pour survivre, elle fuit. Qui est-Elle ? Alien, l’Autre, la Raerae, la Trans, en butte à la réprobation ambiante, elle s’enfonce dans les nuits interlopes de Tahiti, ses menaces, son insécurité. Révoltée, sans point d’attache, elle échoue au rebut de l’Éden mā’ohi. Sortira-t-elle de la malédiction dont elle se croit poursuivie ? Recouvrera-t-elle son identité ?


Dédicaces

Rendez-vous à la librairie klima ce samedi 24 septembre pour rencontrer l’auteure et découvrir son livre.
Entrée libre.

Contacts

FB : Librairie Klima
Tél. : 40 42 00 63

Rédigé par Delphine Barrais le Jeudi 22 Septembre 2022 à 20:10 | Lu 2679 fois