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Le RN veut reconnaitre le fait nucléaire et solder l'ardoise à la CPS


Le député RN Yoann Gillet, à gauche, aux côtés d'Éric Minardi, à droite. Crédit photo : Thibault Segalard.
Le député RN Yoann Gillet, à gauche, aux côtés d'Éric Minardi, à droite. Crédit photo : Thibault Segalard.
Tahiti, le 23 mars 2025 - La commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les essais nucléaires français est arrivée en Polynésie samedi pour une mission de sept jours. Objectif : rencontrer les acteurs locaux, recueillir des témoignages et mieux appréhender les conséquences des expérimentations nucléaires. Parmi les membres présents, le député Rassemblement National Yoann Gillet a réaffirmé la position de son parti en faveur de la reconnaissance du fait nucléaire et du remboursement des dépenses engagées par la CPS.
 
C’est une arrivée qui n’aura pas fait trembler les atomes et pourtant. La commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur la politique française d’expérimentations nucléaires a posé le pied au Fenua ce samedi. Parmi les membres en vadrouille, Yoann Gillet, député du Gard, encarté Rassemblement national, vice-président de ladite commission, a profité de sa première soirée pour aller saluer les troupes locales du parti, menées par Éric Minardi.
 
Interrogé par Tahiti Infos, le député s’est fendu d’un tour d’horizon politique en Outre-mer, de la vie chère à la question nucléaire. Le tout en affirmant vouloir faire passer un message aux Polynésiens, celui de l'attachement de son parti à la Polynésie. Sur la flambée des prix en Outre-mer, l’élu s’est trouvé un point commun avec le sénateur polynésien Teva Rohfritsch, lequel estimait récemment dans nos colonnes que "l’autonomie ne doit pas servir de paravent" . Un postulat qu'abonde Yoann Gillet : “Oui, il faut agir contre la vie chère en Outre-mer, quel que soit le territoire. Mais il faut traiter chaque spécificité (...) La France a un rôle à jouer.” 
 
Mais c’est surtout sur le dossier des essais nucléaires que l’élu du Gard a voulu enfiler son costume de réconciliateur. “Il faut prendre acte de ce qui a pu se passer, et ne pas le nier, pour avancer ensemble. Les gouvernements successifs n'ont pas assez écouté la population (...) Il y a eu du mépris”, a-t-il affirmé. Une position qu’Eric Minardi a promptement validée, en brandissant le drapeau RN comme garant de la mémoire atomique : “Le RN a toujours été pour la reconnaissance du fait nucléaire, le remboursement de la CPS, et de toutes les évasans que les Polynésiens, entreprises et travailleurs doivent supporter.”
 
Panser les plaies... à crédit
 
Car si le RN revendique aujourd’hui un zèle mémoriel, la réalité, elle, est bien moins théorique. Depuis la loi Morin de 2010, la France indemnise – dans une logique de solidarité nationale – les pathologies radio-induites, sans pour autant reconnaître explicitement sa responsabilité dans les conséquences sanitaires des essais. Une subtilité juridico-sémantique qui permet à l’État de faire l’aumône sans jamais s’accuser.
 

Entre 1985 et 2023, le coût que représente la prise en charge des maladies radio-induites au Fenua atteint 107 milliards de francs, dont 89% ont été payés par les régimes de santé polynésiens. Crédit photo : Archives TI.
Entre 1985 et 2023, le coût que représente la prise en charge des maladies radio-induites au Fenua atteint 107 milliards de francs, dont 89% ont été payés par les régimes de santé polynésiens. Crédit photo : Archives TI.
Ce distinguo, Patrick Galenon, président du conseil d’administration de la CPS, l’avait expliqué d’un revers de chiffres en mars dernier : “En 39 ans, nous avons recensé 12 854 patients atteints de maladies radio-induites, dont la moitié sont décédés.”  Selon lui, la CPS a engagé plus de 107 milliards de francs – soit environ 899 millions d’euros – dans la prise en charge de ces malades. Un gouffre financier dont 89% ont été assumés par le seul système de santé polynésien. Traduction : sur les 12 854 patients, 11 120 étaient affiliés à la CPS. Le montant à la charge des cotisants locaux est donc de 95 milliards de francs. Une belle bagatelle.
 
“Maintenant, nous faisons notre devoir, nous demandons à la France de payer. Mais il faudrait qu'on soit un peu plus soutenu par l'assemblée territoriale et le Pays”, plaidait Patrick Galenon à l’époque. Une vision que le RN semble donc reprendre à son compte – au moins dans ses déclarations. 
 
Une semaine pour “écouter”
 
Concernant le passage de la commission au Fenua, sept jours sont prévus pour les travaux de la commission d’enquête. “C’est Mereana Reid-Arbelot qui est rapporteure. C’est elle qui aura la plume et rédigera le rapport. Elle y formulera des préconisations [...] Nous, bien sûr, on soufflera quelques idées [...] mais le but est de rencontrer la population”, a déclaré le député.
 
Objectif de cette immersion express : s’imprégner localement du dossier, après plusieurs auditions menées à distance depuis Paris, auprès d'acteurs institutionnels et associatifs. “Ce que j’ai vu à distance, c’est qu’il y a encore un traumatisme. Ce qui est légitime...” L’élu assure vouloir rencontrer les autorités, les anciens, les victimes, mais aussi la jeunesse, parce que “l’enjeu de la commission, c’est d’écouter tout le monde”.
 
Parmi les étapes de ce périple, une halte à Moruroa est d’ores et déjà prévue. L’île, symbole des essais, servira peut-être de décor à une prise de conscience parlementaire.
 

Rédigé par Thibault Segalard le Dimanche 23 Mars 2025 à 12:01 | Lu 2282 fois