Tahiti, le 27 mars 2025 – Les élus de l'opposition voient d'un mauvais œil le soutien du Pays à Air Moana. Pour Nuihau Laurey (Ahip) et Tepuaraurii Teriitahi (Tapura), le Pays prend un risque financier considérable car c'est lui qui devra couvrir les pertes de la compagnie qui est déjà en grande difficulté, s'exposant ainsi à créer un précédent dangereux. L'iniquité de traitement avec Air Tahiti est aussi pointée du doigt, et la compagnie domestique historique a d'ailleurs envoyé un courrier en ce sens au gouvernement et à l'assemblée.
Les élus de la commission de l'Économie étudiaient le collectif budgétaire du Pays ce jeudi à l'assemblée. Un collectif qui, rappelons-le, prévoit d'octroyer un prêt de 600 millions de francs à Air Moana (après l'avoir déjà aidée à hauteur d'1,6 milliard de francs), mais aussi au Pays d'entrer au capital de la compagnie par le biais de la Sofidep avec une participation symbolique.
“Le gouvernement a acheté une action à 5 000 et quelques francs pour pouvoir entrer au capital, car pour pouvoir se porter garant pour cette société, une des conditions est qu'il faut que le Pays soit actionnaire. Et ces 5 000 et quelques francs justifient aux yeux du gouvernement qu'il puisse se porter garant à hauteur de 9 milliards de francs pour l'achat des trois avions”, nous a ainsi confié l'élue du Tapura, Tepuaraurii Teriitahi, qui craint que ce soutien massif à Air Moana ne crée un précédent dangereux. “S'il fait ça pour Air Moana aujourd'hui, il faut qu'il fasse ça à chaque fois qu'une société va être en péril”, prédit-elle.
Même analyse de la part de Nuihau Laurey qui parle de “soutien quasiment abusif” du Pays alors que ce n'est pas son rôle “d'utiliser l'impôt des Polynésiens pour venir soutenir et régler la situation déficitaire de tous ces établissements ou entreprises qui se lancent dans des secteurs concurrentiels”. Car pour le représentant de Ahip, par cette démarche, le gouvernement place finalement Air Moana au même rang que les satellites du Pays qui sont déjà ultra budgétivores à l'instar de l'OPT, l'OPH ou ATN, et se met ainsi en danger sur le plan financier. “On se demande si le Pays ne devient pas la banque d'un ensemble d'entreprises ou d'établissements qui n'ont pas la capacité ou la volonté de rééquilibrer leurs comptes”, s'interroge Nuihau Laurey qui ne comprend pas cette stratégie puisque le président Brotherson était dans une posture clairement opposée l'an dernier, expliquant qu'il était hors de question pour le Pays d'entrer au capital d'Air Moana.
Une équité de traitement contestée
“Il n'y a pas de revirement”, nous a répondu Moetai Brotherson qui explique que son choix résulte d'une analyse externe qui a “établi de manière claire qu'il y avait une opportunité pour la Sofidep (et donc pour le Pays, NDLR)” d'entrer au capital de la jeune compagnie. “Air Moana n'est pas un satellite du Pays mais avec l'intervention du Pays en soutien, on va dire qu'on peut l'inclure dans cette galaxie”, admet-il avant d'ajouter : “Si on prend ATN, c'est vrai que le gouvernement a mobilisé trois milliards l'an dernier, mais il faut mettre ça au regard de ce qu'apporte ATN qui transporte encore aujourd'hui 47% de nos touristes. C'est de l'économie induite, c'est plus de 500 millions de cotisations à la CPS, donc il faut bien peser les choses”. Pour lui, l’objectif est de préserver une concurrence saine dans le secteur aérien local, en soutenant les compagnies polynésiennes. “Nous avons vocation à aider nos compagnies polynésiennes et l'arrivée d'Air Moana a créé de l'émulation”, se défend-il.
Mais tandis qu’Air Moana bénéficie d’un soutien financier massif, Air Tahiti, acteur historique et majeur du secteur, est mis de côté, ce qui soulève des questions sur l’équité du traitement réservé aux deux compagnies locales. Pour Tepuaraurii Teriitahi, le gouvernement prend clairement “le parti d'Air Moana” alors que parallèlement, il a refusé la demande d'Air Tahiti de défiscalisation pour Air Archipels “qui s'occupe des évasans quand même”.
Vers une délégation de service public pour Air Moana ?
Air Tahiti aussi s'inquiète de ce traitement de faveur du gouvernement envers Air Moana et l'a fait savoir dans un courrier transmis au gouvernement et à l'assemblée. “Je ne l'ai pas encore eu en main, et on l'examinera avec toute l'attention qui est due à cette grande compagnie qu'est Air Tahiti. Il y a d'ici quelques mois les travaux pour la révision de la DSP (délégation de service public, NDLR) sur l'aérien domestique qui vont démarrer et toutes ces questions d'équité, d'équilibrage entre les deux acteurs qui existent aujourd'hui seront examinés”, a réagi Moetai Brotherson qui n'exclut pas la possibilité d'accorder une DSP à Air Moana puisque “rien ne l'empêche”.
Enfin, la nomination du Pdg d'Air Moana comme administrateur d'Air Tahiti Nui pose aussi question, Nuihau Laurey estimant qu'il y a là “un mélange des genres”. Moetai Brotherson s'en défend, expliquant que la nomination de Lionel Guérin est basée sur “l’expertise et l'expérience d’un grand professionnel de l'aviation depuis 40 ans”.
En somme, le soutien financier du Pays à Air Moana a ouvert un débat sur l'utilisation des fonds publics, l'équité entre les compagnies aériennes locales et les risques financiers associés. Voilà de quoi susciter des débats certainement houleux à l'assemblée lors de l'examen du collectif budgétaire qui a donc été adopté en commission ce jeudi et qui sera étudié mardi prochain en séance plénière à Tarahoi.
Les élus de la commission de l'Économie étudiaient le collectif budgétaire du Pays ce jeudi à l'assemblée. Un collectif qui, rappelons-le, prévoit d'octroyer un prêt de 600 millions de francs à Air Moana (après l'avoir déjà aidée à hauteur d'1,6 milliard de francs), mais aussi au Pays d'entrer au capital de la compagnie par le biais de la Sofidep avec une participation symbolique.
“Le gouvernement a acheté une action à 5 000 et quelques francs pour pouvoir entrer au capital, car pour pouvoir se porter garant pour cette société, une des conditions est qu'il faut que le Pays soit actionnaire. Et ces 5 000 et quelques francs justifient aux yeux du gouvernement qu'il puisse se porter garant à hauteur de 9 milliards de francs pour l'achat des trois avions”, nous a ainsi confié l'élue du Tapura, Tepuaraurii Teriitahi, qui craint que ce soutien massif à Air Moana ne crée un précédent dangereux. “S'il fait ça pour Air Moana aujourd'hui, il faut qu'il fasse ça à chaque fois qu'une société va être en péril”, prédit-elle.
Même analyse de la part de Nuihau Laurey qui parle de “soutien quasiment abusif” du Pays alors que ce n'est pas son rôle “d'utiliser l'impôt des Polynésiens pour venir soutenir et régler la situation déficitaire de tous ces établissements ou entreprises qui se lancent dans des secteurs concurrentiels”. Car pour le représentant de Ahip, par cette démarche, le gouvernement place finalement Air Moana au même rang que les satellites du Pays qui sont déjà ultra budgétivores à l'instar de l'OPT, l'OPH ou ATN, et se met ainsi en danger sur le plan financier. “On se demande si le Pays ne devient pas la banque d'un ensemble d'entreprises ou d'établissements qui n'ont pas la capacité ou la volonté de rééquilibrer leurs comptes”, s'interroge Nuihau Laurey qui ne comprend pas cette stratégie puisque le président Brotherson était dans une posture clairement opposée l'an dernier, expliquant qu'il était hors de question pour le Pays d'entrer au capital d'Air Moana.
Une équité de traitement contestée
“Il n'y a pas de revirement”, nous a répondu Moetai Brotherson qui explique que son choix résulte d'une analyse externe qui a “établi de manière claire qu'il y avait une opportunité pour la Sofidep (et donc pour le Pays, NDLR)” d'entrer au capital de la jeune compagnie. “Air Moana n'est pas un satellite du Pays mais avec l'intervention du Pays en soutien, on va dire qu'on peut l'inclure dans cette galaxie”, admet-il avant d'ajouter : “Si on prend ATN, c'est vrai que le gouvernement a mobilisé trois milliards l'an dernier, mais il faut mettre ça au regard de ce qu'apporte ATN qui transporte encore aujourd'hui 47% de nos touristes. C'est de l'économie induite, c'est plus de 500 millions de cotisations à la CPS, donc il faut bien peser les choses”. Pour lui, l’objectif est de préserver une concurrence saine dans le secteur aérien local, en soutenant les compagnies polynésiennes. “Nous avons vocation à aider nos compagnies polynésiennes et l'arrivée d'Air Moana a créé de l'émulation”, se défend-il.
Mais tandis qu’Air Moana bénéficie d’un soutien financier massif, Air Tahiti, acteur historique et majeur du secteur, est mis de côté, ce qui soulève des questions sur l’équité du traitement réservé aux deux compagnies locales. Pour Tepuaraurii Teriitahi, le gouvernement prend clairement “le parti d'Air Moana” alors que parallèlement, il a refusé la demande d'Air Tahiti de défiscalisation pour Air Archipels “qui s'occupe des évasans quand même”.
Vers une délégation de service public pour Air Moana ?
Air Tahiti aussi s'inquiète de ce traitement de faveur du gouvernement envers Air Moana et l'a fait savoir dans un courrier transmis au gouvernement et à l'assemblée. “Je ne l'ai pas encore eu en main, et on l'examinera avec toute l'attention qui est due à cette grande compagnie qu'est Air Tahiti. Il y a d'ici quelques mois les travaux pour la révision de la DSP (délégation de service public, NDLR) sur l'aérien domestique qui vont démarrer et toutes ces questions d'équité, d'équilibrage entre les deux acteurs qui existent aujourd'hui seront examinés”, a réagi Moetai Brotherson qui n'exclut pas la possibilité d'accorder une DSP à Air Moana puisque “rien ne l'empêche”.
Enfin, la nomination du Pdg d'Air Moana comme administrateur d'Air Tahiti Nui pose aussi question, Nuihau Laurey estimant qu'il y a là “un mélange des genres”. Moetai Brotherson s'en défend, expliquant que la nomination de Lionel Guérin est basée sur “l’expertise et l'expérience d’un grand professionnel de l'aviation depuis 40 ans”.
En somme, le soutien financier du Pays à Air Moana a ouvert un débat sur l'utilisation des fonds publics, l'équité entre les compagnies aériennes locales et les risques financiers associés. Voilà de quoi susciter des débats certainement houleux à l'assemblée lors de l'examen du collectif budgétaire qui a donc été adopté en commission ce jeudi et qui sera étudié mardi prochain en séance plénière à Tarahoi.