Le Monarque de Tahiti franchit la barre des 100 individus


Tahiti, le 26 décembre 2020 - Après plus de 20 ans d'efforts de sauvegarde, la population de Monarque franchit enfin la barre des 100 individus, contre seulement 12 en 1998. Un immense aboutissement pour l'association SOP Manu,  reconnaissante pour le soutien du Pays et celui des mairies mais aussi pour l'aide précieuse de plusieurs milliers de petites mains bénévoles.

Si la population du Monarque de Tahiti franchit en 2020 la barre des 100 individus, le petit passereau endémique de l'île principale revient de loin. « En 1998, nous n’en connaissions que 12 » rapporte la SOP Manu dans un communiqué retraçant « l'épopée » de ce sauvetage. Cette année-là, l'association fait ses tout premiers pas grâce à Philippe Raust, Jean-Marc Salducci puis Caroline Blanvillain.
 
C'est à ces bénévoles que l'on doit les premiers efforts de sauvegarde. Mais le challenge qui se dresse devant eux est immense. Déjà parce qu'à l'époque, celui qu'on nomme en reo ma'ohi le 'ōmāma'o, faisait partie de « la liste peu enviable des 50 oiseaux les plus menacés au monde au début du 21e siècle ». Mais aussi parce que l'animal est parmi les pires reproducteurs du monde : seule la moitié des couples se reproduit à raison d'un juvénile par an et par couple.
 
« Il a d’abord fallu trouver les derniers survivants, pour la plupart âgés et incapables de produire encore des jeunes » raconte l'association. C'est ensuite posée la question des espèces envahissantes, comme les chats ou le rat noir, qui se glisse dans les nids pour dévorer les œufs et les oisillons, voire même les femelles qui couvent la nuit dans des recoins difficiles d'accès. « Certains territoires se trouvent au-dessus de cinq cascades de plus de 20 mètres de haut, » indique l'association qui a dû se tourner vers un cordiste professionnel.
 

« Une implication massive des habitants de Tahiti »

Ces premiers efforts ont certes permis de sauver l'oiseau d'une extinction certaine, mais pas encore de pérenniser sa survie. « Les effectifs n’avaient progressé que de 1 % par an en 2012, année où le véritable virage de ce programme a été pris grâce à une implication massive des habitants de Tahiti » raconte l'association, qui obtient alors le soutien du Pays et de nombreux « co-financements ».

L'association peut aussi compter sur l'aide des habitants de Punaauia et de Paea, notamment pour la régulation des autres espèces introduites, comme les Merles des Moluques (Martin triste) et le Bulbuls à ventre rouge, connu pour être agressifs vis-à-vis des autres espèces d'oiseaux et présents à l’aval des vallées à Monarques. La prédation des nids de monarques par les Merles a ainsi cessé en 2012 tandis que les Bulbuls colonisant les vallées depuis les jardins ont reculé.
 
A cela s'ajoute les quelques milliers de bûcherons et de « jardiniers » venus aider à restaurer l'habitat du 'ōmāma'o, cerné de Tulipiers du Gabon et du "cancer vert" qu'est le Miconia. Leurs petites mains ont permis de planter et d'entretenir 3 000 arbres indigènes en l'espace de six ans. « Les propriétaires terriens ont tous magnifiquement joué le jeu, en s’impliquant dans des activités et en autorisant les déplacements sur leur terre » félicite l'association. Engagement louable aussi du côté des mairies de Punaauia et de Paea qui ont signé en 2017 un pacte pour la survie du 'ōmāma'o et la gestion des pestes animales.
 

« Evitez de ramener la fourmi de feu chez vous »

Reste la question de la petite fourmi de feu (PFF) qui s'attaque à toutes les espèces indigènes qu'elle trouve. « Des efforts intenses sont menés depuis 2014 pour gérer trois méga-colonies de petites fourmis de feu installées sur plus de 80 hectares à l’entrée des vallées hébergeant le 'ōmāma'o, rapporte l'association. Grâce aux travaux de Manu, 90% des 178 maisons anciennement contaminées dans ces colonies sont indemnes de PFF, depuis plus de deux ans, et il n’y a toujours aucune PFF près de trois ans après dans une falaise traitée par drone. »

Trente ans plus tard, les efforts de la SOP Manu sont enfin récompensés. Ainsi la population ne cesse d’augmenter de manière vigoureuse depuis 2016, à raison de 17 % par an. La lutte n'est pas finie pour autant. « Il faut à tout prix éviter de ramener la petite fourmi de feu chez vous si vous habitez entre le PK 16 et le PK 20 de la côte Ouest » met en garde l'association.

Il s'agit donc de ne pas ramener de végétaux, ni de matériaux d’origine végétale comme le terreau. L'association encourage également à veiller que les engins ou les matériaux de construction ne proviennent pas d’une zone infestée, ou à prendre « toute les précaution si vous déménagez depuis une zone où cette peste est présente. »
 

Autres pistes de conservation

L'animal a peut-être repris des couleurs, mais « la route est encore longue pour lui trouver un avenir durable au fenua », met en garde l'association, consciente du danger notamment de la fourmi de feu. « Idéalement, il faudrait créer une population de sécurité dans une île afin de la protéger sur le long terme, mais il n’y a pas pour l’instant d’îles disponibles répondant aux différents critères. »
De l'ordre de 15 millions de francs par an, la question du financement annuel du programme de conservation est également problématique, obligeant l'association à rechercher activement des sources de financement complémentaires. « Les sources de revenu durable sont à développer – des produits dérivés, des visites payantes ou autre qui pourront permettre de lui assurer un avenir à plus long terme, argumente la SOP Manu. Le tourisme lui est plus ouvert maintenant que l’espèce n’est plus au bord de l’extinction comme avant. »

Enfin, une autre piste envisagée pour 2021 serait de renforcer la population de Monarque de la vallée Hopa - où six oiseaux nichent seulement -, en déplaçant des jeunes individus depuis les autres vallées.
 

Rédigé par Esther Cunéo le Samedi 26 Décembre 2020 à 14:31 | Lu 66677 fois