« Le Ministre, Teva Rohfritsch, réaffirme l’attachement de la Polynésie française à la grande famille européenne »


NDLR: ce communiqué est antérieur à l'éviction de Monsieur Rohfritsch du Gouvernement par Monsieur Tong Sang:

Dans le cadre du IXième Forum UE-PTOM organisé cette semaine à Nouméa, l’ensemble des PTOM (Pays et Territoires d’Outre Mer) et des Etats Membres de l’Union européenne ont remis aux autorités européennes, représentées par la Commissaire en charge du développement M. Andris PIELBALGS, le document exprimant leur position commune sur le futur partenariat entre l’UE et les PTOM qui sera proposé en 2013.
La position commune exprime le souhait commun des Pays et Territoires d’Outre-mer que cette appartenance à la famille européenne se traduise par une relation privilégiée, fondée sur un partenariat mutuellement bénéfique.
A cette occasion, la Polynésie française a, par la voix de son chef de délégation, Teva Rohfritsch, réaffirmé devant le Commissaire européen, la Ministre de l’Outre-mer, les représentants du Royaume-Uni, des Pays-Bas et du Danemark, et tous les PTOM, son attachement à cette « grande famille européenne », dans le respect de son identité et de sa personnalité institutionnelle.
(Vous trouverez ci-après l’allocution prononcée par M. Teva Rohfritsch)

Allocution de Monsieur Teva Rohfritsch, ministre de la reconversion économique de la Polynésie française, chef de la délégation de la Polynésie française
au Forum UE-PTOM
Nouméa 1-4 mars 2011


Monsieur le Commissaire européen,
Madame le Ministre de l’outre-mer,
Monsieur le Président de la Conférence des Pays et territoires d’outre-mer,
Messieurs les Chefs de gouvernement,
Mesdames et Messieurs les chefs de délégation,
Messieurs les ministres,
Messieurs les Parlementaires,
Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et messieurs les membres des délégations,
Monsieur le directeur de la Direction générale DEVCO,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis de la grande famille européenne,
Iaorana !

Le Président de la Polynésie française, Monsieur Gaston Tong Sang, retenu en Polynésie française par les travaux de notre gouvernement et de notre assemblée, regrette sincèrement de ne pouvoir être physiquement parmi nous aujourd’hui.
Depuis la première décision d’association, les PTOM et l’Europe partagent une longue histoire commune qui nous a permis de tisser et d’entretenir des liens qui dépassent largement le cadre de nos relations économiques et institutionnelles.
Alors que de nombreuses anciennes colonies choisissaient l’accession à l’indépendance et rejoignaient ainsi le groupe des Pays ACP, la Polynésie française marquait son attachement à la République française et à l’Europe en conservant son statut de PTOM.
Ces évolutions politiques on conduit à des aménagements, au fil de l’eau, de la stratégie d’association et de l’instrument financier associé, dessinés à l’origine pour les Pays ACP. Malheureusement, ces modifications n’ont que peu tenu compte des liens particuliers qui nous unissent à l’Europe. Aussi, je tiens à saluer la large concertation, lancée en 2008 par la publication du "livre vert", qui conduira, j’en suis sûr, à l’instauration d’un partenariat plus en adéquation avec ces liens très forts qui nous unissent mais aussi avec les attentes que nous exprimons à travers la Position Commune que nous sommes tous collectivement particulièrement fiers de présenter aujourd’hui.
Cette opportunité doit conduire à un véritable changement.
Nous soutenons, en ce sens, la position commune des PTOM et des Etats membres. Et je tiens à remercier les mots de notre Ministre de l’outre-mer qui vient de nous assurer de son soutien.
Nous autres PTOM, avons, chacun, notre Histoire, notre cadre institutionnel et politique, notre culture et nos traditions, notre environnement socio-économique et régional, enfin, tout ce qui fonde notre personnalité mais aussi notre identité et rend ainsi unique le lien qui attache chacun d’entre nous à notre grande Europe.
Mais nous partageons aussi tous, ensemble et avec l’UE, des valeurs essentielles qui guident comme une impérative nécessité notre action en faveur d’un développement dédié au bien être de nos populations. Ces valeurs humanistes nous les portons tous aux quatre coins du Monde et sommes particulièrement fiers de les faire vivre dans cette identité qui fait notre fierté.
Nous sommes tous différents mais nous avons en commun notre insularité, notre fragilité et notre vulnérabilité économique, la faiblesse numérique de nos populations, l’isolement voire le morcellement sur des espaces immenses de nos lieux de vies… Autant d’obstacles structurels qui pèsent fortement sur nos efforts propres pour susciter et pérenniser le développement auquel nous aspirons tous.
Cette communauté plurielle, qui enrichit l’ensemble européen, amène chacun d’entre nous à apporter un sens singulier à cette notion de « famille européenne ».
En ce qui concerne la Polynésie française, notre fierté d’appartenir à la famille de l’UE n'altère en rien notre vigilance quant à la préservation de notre identité propre au sein de la République française et, a fortiori, au sein de l’Europe.
Quelle place, donc, Monsieur le Commissaire , notre grande famille européenne est-elle prête à nous laisser au moment où elle s’élargit sur le grand continent ?
Notre destin commun en qualité de PTOM bien ancré au sein de cette Europe des peuples et de la diversité, la citoyenneté européenne qui fait la fierté de nos populations, les relations étroites entretenues avec nos Etats Membres respectifs, les valeurs que nous partageons, sont autant de raisons de revendiquer un partenariat fondamentalement différent de celui hérité des Pays ACP. La réduction de l’écart existant entre les PTOM et les RUP est, de toute évidence, l'objectif à privilégier.
Au centre du Pacifique Sud, la Polynésie française est sans doute le PTOM le plus éloigné de tout continent et, notamment, du continent européen. Aussi, nous ne pouvons que soutenir l’accent mis sur la promotion de la coopération et de l’intégration régionale.
Encore faut-il que nos intérêts économiques dans l’espace régional qui nous concerne soient préservés. Aussi, nous soutenons la demande, commune à l'ensemble des PTOM, d'une meilleure information, voire (oserai-je) d'une consultation, lors de la négociation par l’UE d’accords internationaux susceptibles de produire des effets sur notre économie, et nous revendiquons d’être considérés comme des acteurs majeurs dans les programmes régionaux.
Car nous disposons d’atouts qui donnent tout son sens au principe proposé par la Commission d’un partenariat mutuellement bénéfique.
Dans le Pacifique, l’Europe dispose, avec nous et nos frères océaniens de Wallis, Futuna et de Nouvelle-Calédonie, d’une formidable tête de pont présentant un atout géostratégique et un observatoire environnemental unique.
Avec près de 8 millions de km² de ZEE, nos trois pays du Pacifique contribuent à faire de la France la deuxième puissance maritime mondiale. Or, chacun s’accorde à dire que les ressources marines sont les ressources de demain. L’Europe ne peut rester indifférente à cette richesse maritime, ni ignorer la convoitise des grandes puissances régionales du Pacifique.
La Polynésie française représente aussi un observatoire unique des effets du réchauffement climatique : lorsque la glace va fondre au Groenland, une partie de nos îles sera recouverte ! Un observatoire unique et un lieu idéal pour la recherche en matière de production d’énergies alternatives renouvelables, notamment marines telles que l’énergie thermique des mers.
L’exploitation de ces potentiels, mais aussi les enjeux qu’ils sous-tendent, dépassent largement le cadre de notre pays d’outre-mer de 250 000 habitants. L’Europe ne peut l’ignorer et y rester insensible.
Elle peut mieux nous accompagner en adaptant ses instruments financiers.
Le Fonds Européen de développement (FED), hérité de l’Histoire, a pour objectif de lutter contre la pauvreté. Il aura très certainement permis de réelles avancées sur ce thème dans plusieurs pays mais il n’est plus l’outil dont la plupart des PTOM a besoin.
Il nous apparait tout à fait essentiel que les PTOM disposent d’un fonds d’intervention dédié, mieux adapté à nos problématiques de développement. Il nous semble tout aussi essentiel que les relations de proximité que nous entretenons avec l’UE par l’intermédiaire et dans les normes des Pays Membres auxquels nous sommes rattachés se traduisent par un engagement financier plus substantiel et plus souple.
L’intervention européenne gagnerait en pertinence et en efficacité si, en outre, les PTOM pouvaient accéder à un plus large éventail de programmes européens, notamment dans les domaines de l’environnement, des énergies renouvelables et des nouvelles technologies de communication. Notre objectif est d’atteindre 50% d’énergie renouvelable en 2020.
L’accès aux programmes horizontaux nous parait essentiel pour encourager également notre jeunesse à connaître cette Europe si proche de nos cœurs mais si lointaine de nos régions.
Les programmes horizontaux dans le domaine de l’éducation et de la recherche peuvent participer de manière déterminante à notre intégration dans l’économie mondiale et offrent à nos étudiants, citoyens européens, une opportunité unique d’enrichissement personnel et intellectuel.
Chers amis, l’Europe s’est construite et s’est développée sur un élan ambitieux des peuples continentaux qui ont choisi de s’unir malgré leur diversité pour préserver la paix, soutenir le développement et préparer l’avenir des générations qui leur succèderont.
Au moment où elle tend à s’élargir pour former un formidable espace économique et social continental, elle peut et doit prendre appui sur nos pays et collectivités ultra-marines pour élever les valeurs qui l’ont fondées aux quatre coins du monde, sans gommer nos personnalités qui ont forgé ce partenariat historique au delà des océans.
Nous appelons de tous nos vœux la tenue de groupes de travail thématiques et d’un nouveau Forum cette année pour donner corps à ce nouvel accord d’association renforcée.
Permettez-moi, pour conclure, de reprendre les mots du Président de la République française qui affirmait, lors de ses vœux à l’outre-mer, en parlant des PTOM français, que « l’unité, ce n’est pas l’uniformité ».
Nous sommes persuadés que cette affirmation peut être valable au sein de la grande famille européenne.

Merci de votre attention. Mauruuru.

Teva Rohfritsch



Rédigé par communiqué MRE le Mardi 1 Mars 2011 à 05:12 | Lu 474 fois