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Le Medef toujours plus inquiet de la nouvelle réforme fiscale


Fréderic Dock, le patron du Medef. Crédit photo : Archives - Antoine Samoyeau.
Fréderic Dock, le patron du Medef. Crédit photo : Archives - Antoine Samoyeau.
Tahiti, le 21 novembre 2023 – Si à Tarahoi ce mardi, on examine la nouvelle réforme fiscale, du côté du Medef on s'en inquiète. En effet, le syndicat patronal a organisé en urgence une conférence de presse afin de manifester ses inquiétudes et son mécontentement sur cette réforme qu'il juge “punitive” et “anxiogène”.
 
Alors que la reforme fiscale, présentée avec le budget primitif 2024 mercredi dernier, était examinée ce mardi en commission de l’Économie à l'assemblée de la Polynésie française, le Medef a organisé dans un même temps une conférence de presse afin de manifester son mécontentement et son inquiétude vis-à-vis de cette réforme jugée “anxiogène” et “punitive”. En effet, le syndicat patronal a eu vent des détails de ce projet en fin de semaine dernière, organisant en urgence sa propre commission de la fiscalité. “Ce texte a eu l'effet d'une bombe pour nous”, reconnait Fréderic Dock, le président du Medef. “Il n'y a pas eu de concertation, le texte n'a pas du tout été discuté avec nous. Et tout texte non discuté est de nature anxiogène pour le monde économique, surtout quand on sort un projet comme celui-là.”
 
Cependant, ce qui interroge ardemment le bureau du Medef, c'est le contexte économique particulièrement positif dans lequel intervient cette reforme. “C'est très surprenant, car au-delà du manque de concertation évident, le texte tombe à un moment où on annonce parallèlement les retombées fiscales liées au bon climat des affaires. Avec notamment une performance record, la meilleure de la décennie. En effet, les impôts sur les sociétés, avec la contribution supplémentaire, ont dépassé de 20% les prévisions et ont atteint 13,5 milliards de francs. On est dans un contexte de hausse drastique”, explique la vice-présidente du Medef, Florence Darnon. “On a bien compris qu'il fallait trouver une solution pour combler le trou de la suppression de la taxe CPS, pour autant, on s'interroge sur la portée des mesures.”
 
Mesures incohérentes
 
Et ces mesures peuvent être, à juste titre, qualifiées d'incohérentes par le syndicat patronal. En effet, la réforme prévoit nous seulement de diviser par deux les taux de crédits d’impôts des programmes de défiscalisation, dont celui du secteur hôtelier qui passerait de 60 à 30%, mais aussi de supprimer l’exonération de CSIS (contribution supplémentaire à l’impôt sur les bénéfices des sociétés) qui était jusque-là accordée aux hôteliers. Le décret d'application de cette mesure est d'ailleurs prévu pour le 31 décembre 2023. “Les professionnels du tourisme n'ont pas du tout prévu ça dans leur budget annuel, ça va avoir un impact considérable. Ce sont des dépenses supplémentaires non budgétées”, précise Florence Darnon. Un point qui pose d'autant plus problème quand on connait la volonté affichée du Pays de tripler la capacité touristique. Alors, est-ce que le gouvernement estime que les investisseurs n'ont pas besoin de ces crédits d'impôts pour investir ? Frédéric Dock, lui, est persuadé qu’ils en ont besoin. “C'est là toute l'importance de la concertation, si personne ne nous pose la question, ils ne peuvent pas avoir la réponse. On n'est pas en Union soviétique, à un moment donné, il faut pouvoir poser la question aux gens qui font. S'ils (le gouvernement, NDLR) pensent qu'un investissement est quelque chose de proportionnel, c'est une aberration économique”, ajoute-t-il. De nombreuses autres mesures font également sourciller le Medef, comme la contribution de solidarité sur les patrimoines immobiliers (CSPI) ou encore la suppression partielle des avantages fiscaux pour les véhicules hybrides et électriques. Les prix de ces voitures pourraient alors s'envoler de 40%, ce qui pourrait repousser de nombreux acheteurs en quête d'un véhicule propre.
 
“Tout ça, ce sont des messages très négatifs pour les investisseurs”, fustige le patron des patrons. “Encore une fois, pourquoi remet-on en cause un système qui fonctionne, qui atteint un rendement jamais vu et qui permet également au gouvernement de se rapprocher de ses objectifs ? C'est contradictoire et a minima incohérent (...) On ne peut pas avoir 4% de croissance, comme c'est souhaité, en prenant ce genre de décisions.”
 
Vers une fuite des investisseurs étrangers
 
Mais alors, que risque le Pays à obstruer de la sorte la visibilité du marché économique polynésien ? La réponse est claire du côté de Frédéric Dock, le gouvernement s'expose à un fort ralentissement, voire à un arrêt des investissements privés. “Le risque, c'est de passer de 150 milliards d'investissements à zéro.” “Il y a une absence totale de stratégie à court, moyen ou long terme”, regrette-t-il également. En résumé pour le syndicat patronal, la quasi-totalité de la réforme va à l'encontre de l'économie incitative en fermant ainsi les robinets. “C'est une fiscalité punitive”, s'indigne de son côté Florence Darnon. “Aucun investisseur ne viendra dans un pays qui lui colle une reforme comme celle-là au mois de novembre pour l'année en cours. Pour les investisseurs locaux, le risque, c'est qu'ils posent le stylo (pour les cinq prochaines années, NDLR)”, ajoute le patron du Medef. “Ce n'est pas une crainte, mais une alerte.”
 

Rédigé par Thibault Segalard le Mardi 21 Novembre 2023 à 18:15 | Lu 2789 fois