Le Conseil d'Etat met un terme à la commission d'enquête de l'assemblée


Marcel Tuihani a dit sa "déception", lundi après avoir pris connaissance de la décision du Conseil d'Etat, "le gouvernement nous parle de transparence alors qu'il n'en est rien concernant un sujet essentiel pour l'avenir de la collectivité et qui tend à redéfinir la politique de solidarité".
PAPEETE, 14 mars 2016 - Saisi en référé, le Conseil d’Etat a décidé lundi à Paris de suspendre la délibération portant création d’une commission chargée à l’assemblée d’enquêter sur les réformes à l’étude de la fiscalité et du système de protection sociale polynésien.

L’ordonnance rendue le 1er décembre dernier par le tribunal administratif de Polynésie française est annulée. Saisie en référé pour prononcer l’annulation de la délibération du 1er octobre, portant création d’une commission d’enquête à l’assemblée, la cour administrative de Papeete avait rejeté pour une question de forme la procédure du Pays. Sans même avoir à se pencher sur les moyens soulevés, l’ordonnance du juge des référés avait constaté l’irrecevabilité de la procédure dans la mesure où, selon le code de justice administrative, avant de demander l’annulation de la délibération contestée, la Polynésie française aurait dû au préalable obtenir une décision de "suspension".

Ce lundi à Paris, le Conseil d’Etat a non-seulement annulé cette ordonnance mais également suspendu la délibération portant création de cette commission d’enquête chargée "recueillir tous les éléments d’information sur la réforme fiscale y compris l’évolution de la fiscalité communale et le financement de la Protection sociale généralisée".

Cette décision intervient alors que la cellule d'investigation de l'assemblée se faisait fort de présenter son rapport devant les élus de Tarahoi le 16 avril au plus tard, soit deux jours après l’ouverture de la session ordinaire.

Travaux suspendus

"Une décision qui s’applique de droit", a simplement commenté lundi matin Marcel Tuihani, le président délégué du Tahoera’a Huiraatira qui avait personnellement défendu la création de cette instance au sein de l’assemblée. Le président de l'assemblée a indiqué lundi matin qu'il adressait "un courrier à la président de la commission d'enquête pour lui indiquer que ses travaux sont suspendus".

La délibération qui avait créé la commission d'enquête est toujours l'objet d'un recours sur le fond, devant le tribunal administratif de Polynésie française, pour excès de pouvoir. Cette ultime procédure devrait donner lieu à une annulation du texte voté le 1er octobre 2015 par une alliance Tahoera'a-UPLD.

Dans ses réquisitions, mercredi dernier à Paris, le rapporteur public avait évoqué le caractère "politique" de cette commission d'enquête. Pour lui, l’assemblée aurait cherché par ce biais à "s’immiscer" et à "interférer dans la préparation d’une réforme en cours" portant ainsi une "atteinte manifeste aux prérogatives du gouvernement" et "à l’équilibre des institutions". Selon lui l’assemblée aurait pu créer une commission d’enquête sur la réforme fiscale mais seulement après la mise en place de celle-ci. Analyse que partage visiblement le Conseil d'Etat en rappelant que la réforme fiscale est actuellement en cours d’élaboration par le gouvernement. De fait, selon la haute cour, les missions de la commission d’enquête "ne se limitent pas au contrôle ou à l’évaluation de l’action gouvernementale" comme elles le devraient, mais "constituent une immixtion de l’assemblée dans le domaine réservé au gouvernement" : une situation que le Conseil d'Etat analyse comme "propre à créer un doute sérieux" sur la légalité de la commission d'enquête.

Marcel Tuihani a dit sa "déception", lundi après avoir pris connaissance de la décision du Conseil d'Etat, "dans le sens où le gouvernement nous parle de transparence alors qu'il n'en est rien concernant un sujet essentiel pour l'avenir de la collectivité et qui tend à redéfinir la politique de solidarité".

Mercredi dernier, Edouard Fritch avait rappelé son incompréhension face à cette initiative de l'assemblée visant à "créer une commission d’enquête sur un chantier qui va s’ouvrir (...) Cela donne effectivement l’impression que l’assemblée veut faire le travail du gouvernement et de l’exécutif, en ouvrant une telle commission. Qu’ils nous laissent lancer les travaux sur cette réforme. Et lorsqu’elle sera déposée à l’assemblée, s’ils souhaitent ouvrir une commission pour enquêter sur les éléments constitutifs de ce dossier, je comprendrai mieux. Mais aujourd’hui, non ! On n’ouvre pas une enquête sur quelque chose qui n’existe pas encore".

DCE Com enquête.pdf  (680.27 Ko)


Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Lundi 14 Mars 2016 à 09:45 | Lu 3251 fois