Le Cesec va se pencher sur les inégalités et la pauvreté en Polynésie


Le Cesec va se pencher sur les inégalités en Polynésie afin de formuler des propositions et des recommandations pour le pouvoir public. Crédit photo : Thibault Segalard.
Tahiti, le 22 février 2024 – Le Conseil économique, social, environnemental et culturel (Cesec) a voté favorablement, ce jeudi, à la proposition d'autosaisine de Maiana Bambridge, qui porte sur la réflexion autour du sujet des inégalités et de la pauvreté en Polynésie. L'objectif étant de formuler des recommandations pour les pouvoirs publics.
 
Cela a été voté ce jeudi matin avec 42 voix pour et une abstention. Le Conseil économique, social, environnemental et culturel (Cesec) va se pencher dans les semaines à venir sur les questions des inégalités et de la pauvreté en Polynésie. En effet, Maiana Bambridge, qui représente la fédération des organismes socio-éducatifs au Cesec, a proposé en assemblée plénière une autosaisine intitulée “La Polynésie française, une société à deux vitesses : Vers un modèle social plus juste”.
 
“Pour l'instant, nous n'avons que des sujets de santé, d'économie... rien sur ce sujet. Alors j'ai proposé ce projet dans l'optique de confirmer les constats que font les associations sur le terrain et de formuler des propositions plus pragmatiques et plus actuelles pour notre société de 280 000 habitants”, a expliqué Maiana Bambridge à la sortie de la séance. Car en effet, dans sa proposition d'autosaisine, elle met en premier lieu en exergue les données de deux anciennes études (2009) – de l'Agence française de développement (AFD) et une autre de l'Institut de la statistique de Polynésie française (ISPF) – qui constataient que 26,6% de la population vivaient en dessous du seuil de pauvreté monétaire établi à 48 692 francs, alors que les 20% des ménages les plus riches captaient près de la moitié des revenus totaux des ménages. De quoi s'interroger, à l'époque, sur ces inégalités qui n'ont, d'après les associations sur le terrain, pas changé aujourd'hui. “Il faut désormais qu'on ait des données plus récentes pour pouvoir proposer des solutions plus en adéquation avec la réalité actuelle”, souligne-t-elle également.
 

Le 20 janvier dernier, un incendie s'est déclaré dans une maison du quartier Vaitareia à Heiri, Faa'a. 18 familles, pour un total de 58 personnes, s'entassées dans ce logement totalement insalubre. Crédit photo : Jean Pierre Viatge.
“Faire avancer le schmilblick”
 
Ainsi, le Cesec va se pencher pendant 17 séances sur ce sujet des inégalités en Polynésie. Séances durant lesquelles plusieurs organismes seront invités. C'est le cas de l'ISPF, pour faire une mise à jour des données existantes sur la pauvreté au Fenua, de la Direction des solidarités (DSFE), de l'Office polynésien de l’habitat (OPH), du service de l’emploi (Sefi) ou encore de la Caisse de prévoyance sociale (CPS) et de plusieurs associations de lutte contre les inégalités. “Par la suite, on va proposer des recommandations et des préconisations, qui seront, je l'espère, soutenues et portées par les pouvoirs publics. Par les décideurs, que ce soit le gouvernement ou l'assemblée”, explique Maiana Bambridge. “Tout cela dans l'optique d'une future prise en charge de toute notre population. Celle qui n'exprime pas, celle qui reçoit des coups, celle qui n'a pas la chance des autres. Il faut qu'on accompagne ces personnes démunies, mais autrement que ce que l'on fait aujourd'hui, car la situation a évolué ces dernières années”, ajoute-t-elle. L'objectif pour la représentante du Cesec est donc de secouer le cocotier et de “faire avancer le schmilblick” vers une société polynésienne moins inégale.
 

La cherté de la vie, une fois de plus dans le viseur

Qui dit lutte contre la pauvreté et les inégalités dit forcément lutte contre la vie chère. Un sujet bien connu des gouvernements successifs qui se sont confrontés, avec plus ou moins de succès, à cette problématique. Maiana Bambridge rappelle dans son projet d'autosaisine que, sur l'année 2022, les prix à la consommation ont augmenté de 8,5%, ce qui se répercute inexorablement sur la capacité des Polynésiens à se loger ou à se nourrir correctement. Les préconisations et les propositions qui seront faites à l'issue des séances du Cesec iront forcément dans le sens de contrer cette inflation qui met à mal les familles polynésiennes.
 

L'éducation, l'une des clés contre la pauvreté

La pauvreté, bien qu'un phénomène rapidement détectable par chacun, est pourtant difficile à définir avec des “indicateurs pertinents, indispensables pour déterminer une politique publique en connaissance de cause”, rapporte la proposition d'autosaisine. Selon le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), la pauvreté ne se limite pas seulement aux revenus mais aussi à la malnutrition, à l'accès limité à l'éducation, à la discrimination sociale, à l'exclusion... L'éducation est d'ailleurs l'une des clés contre la pauvreté, comme le rapporte Maiana Bambridge dans sa proposition d'autosaisine. “Le fait d'avoir le baccalauréat divise par deux le risque de pauvreté par rapport au fait de n'avoir suivi qu'une éducation primaire.” Par ailleurs, selon les évaluations de lecture effectuées lors des Journées d'appel de préparation à la défense (JAPD), obligatoires pour tous les jeunes de 17 ans, les difficultés de lecture sont extrêmement importantes en Polynésie. Faire des propositions sur l'adaptation du système éducatif pour les populations les plus démunies est d'ailleurs l'une des ambitions de cette autosaisine.

Rédigé par Thibault Segalard le Jeudi 22 Février 2024 à 15:50 | Lu 2349 fois