Le Cesec pas convaincu par la péréquation


Tahiti, le 30 octobre 2020 – Le Conseil économique, social, environnemental et culturel (Cesec) a rendu jeudi un avis réservé sur le projet de loi du Pays instaurant une péréquation des tarifs de l'électricité, tiquant notamment sur la faiblesse des dispositifs bénéficiant aux énergies renouvelables.
 
Attendu depuis plusieurs années, le projet de loi du Pays instaurant une péréquation des tarifs de l'électricité en Polynésie française est enfin entré dans le circuit réglementaire de la Polynésie française. Jeudi matin, les conseillers du Cesec se sont penchés sur un projet d'avis particulièrement fourni et détaillé, rendu par la commission de la quatrième institution du Pays. Mais un projet d'avis "réservé", avec une tendance très critique sur le texte du gouvernement…
 
Ce projet de loi –baptisé "dispositif de solidarité dans le domaine de l'électricité"– vise concrètement à compenser les variations du coût de l'électricité entre les différentes îles de la Polynésie française. En résumé, ce coût de l'électricité est de 28 Fcfp le kWh en moyenne sur la plus grande concession en terme de clients de Tahiti-Nord, mais en raison principalement de l'éloignement géographique ce coût s'envole en dépassant parfois les 100 Fcfp pour certaines îles… L'objectif du texte étant de créer un fonds de solidarité financé par une taxe "due par les gestionnaires de réseaux" et permettant d'équilibrer le prix de l'électricité sur l'ensemble de la Polynésie française. Un système dit de "péréquation" déjà pratiqué par EDT-Engie pour ses propres concessions, et qui pourrait ainsi bénéficier à toutes les communes des archipels éloignés.
 
Sémantique et énergie renouvelable
 
Dans son avis, le Cesec salue le principe de l'établissement d'un tel "cadre réglementaire", notamment dans le cadre des réformes actuelles du secteur avec les différents volets du code de l'énergie. Pour autant, il semble que le libellé du projet de loi du Pays ait nourri quelques débats au sein de l'institution. Les conseillers ont en effet longuement argumenté en séance sur le terme de "solidarité", visiblement assez maladroitement préféré à celui de péréquation par le Pays. Les conseillers estimant qu'une véritable solidarité impliquerait un effort de réduction de la facture des foyers les plus modestes. Pas vraiment l'objet du texte…
 
Davantage sur le fond et moins sur la sémantique, le Cesec a regretté que le projet ne fasse pas davantage la part belle aux énergies renouvelables. Principale critique adressée au projet de loi du Pays, celui d'une durée du dispositif prévue pour dix ans. Beaucoup trop court pour amortir des projets d'énergie renouvelable, ont déploré les conseillers. "On peut donc s'attendre à un statu quo des investissements sur les neuf prochaines années au détriment de la transition énergétique, qui prendra inexorablement du retard", regrette le projet d'avis voté avec ses "réserves" par le Cesec.
 

​Patrick Galenon, secrétaire général de la CSTP-FO : "La transition énergétique n'existe pas"

Qu'est-ce qui ne vous va pas dans ce texte ?
 
"Je suis contre le texte parce que la mention dite de "solidarité" dans ce texte n'en est pas une. C'est une solidarité entre les communes, mais pas entre les consommateurs de l'électricité du réseau de Tahiti-Nord. C'est à dire que sur Tahiti-Nord, il y a aussi des gens des vallées qui sont dans le besoin et qui paient leur électricité… La solidarité doit plutôt se faire vers les plus défavorisés. C'est ce qu'on regrette dans ce texte."
 
Vous avez également évoqué le problème des énergies renouvelables ?
 
"Il y a aussi effectivement cette notion d'énergie renouvelable qui n'apparaît pas dans le texte. La transition énergétique n'existe pas. Et on nous dit : ne vous inquiétez pas, dans 10 ans on va en reparler. Non, c'est aujourd'hui qu'il faut en reparler. On veut encore obliger la Polynésie à utiliser le pétrole pendant 10 ans."
 
Pourquoi ne pas avoir voté un avis défavorable ?
 
"Mais la notion de réglementer l'électricité aujourd'hui, nous sommes pour. C'est pour cela que nous avons mis un avis réservé. Les avis étaient partagés entre un avis défavorable ou réservé. L'avis défavorable s'est dégagé en commission, mais nous avons préféré y mettre un avis réservé pour que ce cadre général soit établi et que nous puissions bénéficier de la contribution au service public de l'électricité."
 

Rédigé par Antoine Samoyeau le Vendredi 30 Octobre 2020 à 01:13 | Lu 2400 fois