Le Cesec favorable à un solde bancaire insaisissable élargi


Tahiti, le 24 octobre 2023 – Bénéficiant d'un cadre restreint aux seules créances privées lors de sa mise en place effective au 13 décembre 2022, l'application du Solde bancaire insaisissable (SBI) pourrait être enfin élargie aux créances fiscales et non fiscales du Pays. Une mesure pourtant soutenue depuis 2021 déjà par le Conseil économique social environnemental et culturel de la Polynésie française, de nouveau saisi sur le sujet.
 
Inspiré par un modèle national qui a déjà fait ses preuves, le Conseil économique social environnemental et culturel (Cesec) de Polynésie française s'était déjà autosaisi du sujet en 2021. En effet, la mise en place d'un Solde bancaire insaisissable (SBI) avait pour but de permettre aux personnes dont le compte bancaire a été saisi de faire face à leurs dépenses alimentaires urgentes, et que les minima sociaux soient respectés. Hélas, si au niveau national, le SBI s'applique indifféremment au recouvrement des créances publiques et créances privées, au niveau local, en revanche, seul les créances privées sont soumises au respect de la règle du solde bancaire insaisissable.
 
En d'autres termes, en l'état actuel de la règlementation, le recouvrement des créances publiques peut aller jusqu'à la saisie totale des fonds disponibles sur le compte du débiteur. Une mise en œuvre incomplète dont le projet réglementaire, soumis aujourd'hui par le gouvernement mais initié à l'origine par le Cesec, constitue l'évolution juridique nécessaire à l'élargissement de l'application du SBI. À l'exemple des créances fiscales tels que les taxes et impôts prévus par le code des impôts, ou les créances non fiscales tels que les créances domaniales, les redevances d'eau ou d'ordures pour ne citer qu'eux.
 
Un champ d'application précisé
 
Si pour le Cesec, depuis 2021 déjà, le SBI doit être effectif quelle que soit la nature de la dette, publique ou privée, et applicable pour toute saisie d'un compte bancaire (saisie attribution, saisie conservatoire des créances ou avis tiers détenteur), il y apporte cette fois quelques recommandations supplémentaires. En effet, pour la quatrième institution du Pays, seul le montant de la dette peut être saisi, le compte devant pouvoir continuer à être actif. L'institution estime également que la sécurité juridique relative à la fixation du montant du SBI par arrêté pris en conseil des ministres doit être améliorée, et recommande la détermination du montant du SBI par une loi de Pays. De plus, considérant que le niveau actuel du SBI est insuffisant pour un minimum de “reste à vivre”, dans le contexte particulier d'une nette hausse des prix, le Cesec demande à fixer le SBI à 70% du Smig net. Actuellement fixé à 85 000 francs, son passage à 102 301 francs est donc recommandé.
 
Seul point de désaccord
 
Un solde bancaire insaisissable socialement plus juste d'accord, mais pas à n'importe quel prix. En effet, si le SBI est une mesure qui vise à soulager les débiteurs, les établissement tiers ne sont pas prêts à tout accepter, notamment concernant les frais bancaires : “Augmenter le montant du SBI revient à rendre plus difficile le recouvrement des créances pour les administrations, et donc à augmenter le nombre de saisies à tiers détenteur, ce qui a pour conséquences une multiplication des traitements au niveau des banques et donc de la prise de frais ”, explique Sandra Labbeyi, représentante du comité des banques de la Polynésie française au Cesec, qui appelle à davantage de travaux sur la question afin d'obtenir un consensus. En face, Christophe Plée, président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), rappelle le contexte propre à la Polynésie française, qui justifie une hausse du SBI : “Nous ne pouvons pas nous contenter des références de la Métropole. Là-bas ils ont des aides, des allocations de toutes sortes qui n'existent pas en Polynésie française. C'est pourquoi nous avons pris le SMIG en référence, car il est réévalué en fonction de l'inflation.”
 
 
Des recommandations parallèles
 
Afin de favoriser la mise en place du SBI élargi aux créances de nature publique, le Cesec préconise une amélioration de la prévention en termes de maîtrise du crédit par les débiteurs. “Il est trop souvent constaté que les personnes endettées du fait du crédit à la consommation ont reçu une information très succincte de la part des établissements de prêts”, affirme l'institution. C'est donc en amont d'un certain nombre d'engagements pris par le débiteur qu'un travail de prévention doit être effectué afin d'éviter le surendettement. Toujours dans un souci d'information, si l'administration ou les établissements assimilés ont aujourd'hui une obligation d'informer au préalable le débiteur sur une éventuelle saisie bancaire, le Cesec demande que ce même débiteur soit informé du jour de la saisie pour le recouvrement de créances publiques comme privées.

Recours obligatoire à un avocat : le seuil des sommes en question
 
Le recours à la voie judiciaire pour résoudre des conflits entre particuliers, artisans, commerçants ou entreprises nécessite bien souvent l'assistance d'un professionnel du droit, afin notamment d'assurer le respect des procédures d'une part, et éviter les rejets de leurs requêtes pour des questions procédurales de l'autre. Aussi, sans empêcher la représentation directe par chaque justiciable, tant devant le tribunal de première instance que devant le tribunal mixte de commerce, le projet de délibération proposé par le Pays en séance plénière de ce mardi encadre le recours à un avocat principalement lorsque les litiges portent sur des sommes égales ou supérieurs à 1,2 million au lieu de 2 millions de francs actuellement.
 
Pour autant, selon le Cesec, les rédacteurs ne sont pas parvenus à justifier l'intérêt réel de cette modification, pas plus que les effets bénéfiques qu'elle pourrait générer pour les justiciables. Selon les magistrats entendus par le Cesec, cette demande de l'abaissement des seuils ne provient pas des professionnels du secteur non plus. De plus, la quasi-totalité des justiciables ont recours à un avocat dès le début des procédures contentieuses, rendant ainsi le projet de modification proposé peu pertinent. Défavorable, le Cesec regrette que les rédacteurs du projet de délibération n'aient pas suffisamment motivé les raisons de cette évolution, et que la nature et la portée des améliorations attendues n'aient  pas été présentées.  
 
 

Rédigé par Wendy Cowan le Mardi 24 Octobre 2023 à 18:23 | Lu 1858 fois