Le Cesec, “c'est la guêpe du décideur”


Tahiti, le 14 août 2024 – “Yakafokon” ou base de travail qui pourra servir de feuille de route au gouvernement. Les avis de la société civile étaient partagés ce mercredi matin au Cesec. Après trois heures de débats, le rapport sur “une société polynésienne fracturée” et les perspectives pour la rendre “plus équitable” a finalement été approuvé par 40 conseillers. Sept se sont abstenus au motif que cette étude ratissait trop large.
 
“Une société polynésienne fracturée : quelles perspectives pour une société plus équitable ?” C'est l'intitulé final du rapport présenté ce mercredi matin en séance plénière du Cesec par Maiana Bambridge et Patricia Teriiteraahaumea. Une autosaisine sur la pauvreté et les inégalités en Polynésie initiée il y a plusieurs mois et menée par la commission “santé-solidarités” du Cesec présidée par Louis Provost. Cette étude comporte une soixantaine de pages et 72 recommandations déclinées en cinq axes que sont l'éducation, l'emploi, le logement, la fiscalité et la politique sociale. Des axes qui pourraient chacun faire l'objet d'autosaisines d'ailleurs, comme l'ont relevé certains conseillers et comme l'a concédé Maiana Bambridge.
 
“Le gâteau est trop gros” pour Christophe Plée qui estime en effet que cette étude ratisse beaucoup trop large et n'est qu'un catalogue de bonnes intentions rédigé sur le mode du “yakafokon”, pas très loin d'un programme électoral. Un sentiment partagé par son collègue syndicaliste Patrick Galenon qui lui aussi s'est abstenu de voter ce rapport.
 
“On a tous notre vision de la fracture polynésienne. On pourrait y passer la journée. J'aurais préféré qu'on fasse moins mais qu'on propose des solutions concrètes”, a lancé Christophe Plée, regrettant que les préconisations des rapporteurs n'aillent pas suffisamment loin et que, surtout, elles reprennent des solutions “qui existent déjà”. Pour Maiana Bambridge, il ne s'agit pas de réinventer l'eau chaude mais de “consolider” justement ces dispositifs qui “fonctionnent” et qu'il faut développer, à l'instar par exemple des contrats d'apprentissage ou en alternance.
 
Les volets relatifs à l'éducation et à la réforme de la fiscalité pour lutter contre la cherté de la vie ont notamment été au centre des débats ce mercredi matin. Le serpent de mer de la révision de la taxe de développement local, la fameuse TDL, est revenu sur le tapis. Une “bonne chose” pour Makalio Folituu pour qui la TDL a “un impact inflationniste sur la consommation”. “Fantasme”, répond Thierry Mosser qui estime au contraire qu'elle ne peut pas être responsable de tous les maux liés à la cherté de la vie. Et que si on venait à la supprimer, “les effets sur les prix ne seraient que d'1% et en une seule fois”.
 
Le Cesec a “fait le job”, la balle au gouvernement
 
Autre serpent de mer : les produits de première nécessité. Ces fameux PPN qui sont achetés par l'ensemble de la population et dont la liste doit être mieux ciblée pour que les produits y figurant soient meilleurs pour la santé et ne bénéficient qu'aux familles modestes. Le rapport encourage le Pays à mettre en place – là encore, un vieux serpent de mer – un observatoire des marges et des prix. Il permettrait notamment d'avoir une vision plus précise de la multiplicité des intermédiaires dans la commercialisation d'un produit.
 
Une meilleure redistribution des richesses est également recommandée par le Cesec qui précise que “77% des aides et allocations sont absorbés par des ménages non pauvres”. Que l'on gagne 200 000 francs ou 2 millions par mois, ces aides sont les mêmes. Ce que regrette Maiana Bambridge qui préconise la mise en place d'un “quotient familial” pour pouvoir y prétendre. Non seulement cela participerait à davantage de justice sociale mais cela amènerait “un volume de moyens financiers qui pourraient bénéficier aux familles monoparentales par exemple”.
 
Une chose est sûre, même si elle n'est pas parfaite, cette étude a le mérite d'exister et de mettre un coup de projecteur sur une problématique connue de tous. Ce rapport va être transmis aux élus de l'assemblée et aux membres du gouvernement qui pourront en faire ce qu'ils veulent. La balle est dans leur camp maintenant. “On a fait le job”, assure Maiana Bambridge qui souligne que “la société civile est la piqûre de guêpe du décideur. C'est la guêpe du décideur et c'est comme ça qu'il faut que ça continue”.

Rédigé par Stéphanie Delorme le Mercredi 14 Aout 2024 à 15:30 | Lu 2681 fois