Le Césec alerte le gouvernement


Tahiti, le 6 novembre 2023 - Les conseillers du Césec étaient réunis ce lundi matin pour donner leur avis sur quatre textes du gouvernement. Deux d'entre eux ont reçu un avis défavorable, dont l'un sur l'abrogation de la loi du Pays sur les substances vénéneuses. Le Césec tient à alerter le gouvernement sur la manière “précipitée” dont ces textes sont présentés aux représentants de la société civile saisis “en urgence” alors qu'il n'y a pas péril en la demeure.
 
Le Césec en lanceur d'alerte ? Sur la forme en tout cas, les conseillers du Conseil économique, social, environnemental et culturel tirent la sonnette d'alarme et mettent en garde le gouvernement. Ce lundi matin, quatre textes étaient à l'ordre du jour. Deux d'entre eux n'ont pas posé de problème ni suscité de débat. Pour l'un, il ne s'agit que de proroger de deux ans (au 1er janvier 2026) la suspension du ticket modérateur majoré (majoration appliquée lorsque l'on va voir un médecin spécialiste sans d'abord être passé par son généraliste) le temps que le gouvernement lui substitue, à terme, un autre mécanisme moins coercitif.
 
Le deuxième n'a pas non plus posé de souci sur le fond et a reçu un avis favorable unanime : il s'agit d'un projet de loi du Pays visant à simplifier la passation des avenants des différentes conventions passées entre les professionnels de santé et la Caisse de prévoyance sociale (CPS). C'est sur la forme que ça coince. Sur ce texte, les membres du Césec ont été saisis “en urgence” le 23 octobre dernier et doivent donc rendre un avis dans un délai de 15 jours. Ils sont bien dans les clous. Sauf que ce projet de loi du Pays a déjà été adopté en commission de la Santé la semaine dernière à l'assemblée. Tout comme le projet de loi du Pays qui vient abroger purement et simplement la loi du Pays du 5 janvier 2023 relatives aux substances vénéneuses, dont le cannabis thérapeutique.
 
Travaillant de son côté à un autre projet de texte, le gouvernement Brotherson entend en effet annuler cette loi du Pays au motif qu'elle manque “de lisibilité et d'intelligibilité” et que l'un de ses articles prévoit l'abrogation, le 6 janvier prochain, d'une délibération de 1978 qui règlemente justement l'exportation, l'achat, la vente, la détention et l'emploi de ces substances vénéneuses. Dans son avis qu'il a quand même rendu, le Césec estime qu'il “aurait été plus judicieux” de proroger le délai prévu par l'article 56 de cette fameuse loi de 2023 qui constitue déjà “une première réponse règlementaire” en attendant que le nouveau texte du gouvernement ne soit prêt.
 
“Il ne faut pas que l'abrogation devienne une habitude”
 
“Il suffisait de proroger le délai pour que la délibération ne soit pas abrogée. On est pressés par quoi ? Par une annonce ?”, a lancé Christophe Plée depuis son siège. Pour Patrick Galenon, qui dénonce un “texte empreint d'hypocrisie”, “on n'abroge pas une loi sans proposer quelque chose de clair derrière”. Avaiki Teuiau est allée plus loin et a tenu à mettre en garde le gouvernement : “Il ne faut pas que l'abrogation devienne un acte facile. Il ne faut pas que ça devienne une habitude pour l'exécutif comme pour nous.”
 
Une chose est sûre. Tous les conseillers ont insisté sur le fait qu'ils étaient en faveur de l'utilisation du cannabis thérapeutique et que cette loi du Pays du 5 janvier 2023 permettait justement d'avoir une base règlementaire sur laquelle travailler. Ce qui était d'ailleurs prévu au départ par les ministres de la Santé Cédric Mercadal et de l'Agriculture Taivini Teai qui souhaitaient faire “évoluer” ce texte en travaillant sur ses modalités d'application.
 
Marche arrière toute donc dans l'attente d'un texte de remplacement prévu “d'ici la fin de l'année dans le meilleur des cas”. Autant dire que les associations, les patients et les professionnels de santé, qui se battent pour que le recours au cannabis thérapeutique soit encadré et sécurisé, vont devoir s'armer de patience.

Une loi pour des bornes de recharge de voitures électriques : bonne idée mais trop tôt

En Polynésie, 1 200 véhicules hybrides ou 100% électriques sont actuellement en circulation et c'est un chiffre qui est amené à grossir pour parvenir à l'objectif d'arrêter les moteurs thermiques à l'horizon 2035. Il semble donc opportun de réfléchir à poser un cadre règlementaire pour pouvoir implanter des bornes de recharge un peu partout. D'où le projet de loi du Pays proposé par le gouvernement pour encadrer l'installation et le déploiement des infrastructures de recharge de véhicules électriques (IRVE). Si la démarche est louable et séduisante sur le papier, les conseillers du Césec ont néanmoins émis un avis défavorable “en l'état” à ce texte qu'ils estiment “mal ficelé” et “précipité”.
Pas d'étude préalable, pas de visibilité sur un secteur qui justement en a besoin puisqu'un véhicule se commande au moins huit mois avant, pas de tarifs clairement définis... bref, le gouvernement “met la charrue avant les bœufs”. “Où est le marché ? On ne sait pas”, s'est interrogé Christophe Plée, relayé par Christophe Monfort : “Il n'y a pas de vraie stratégie, de politique globale... et les batteries en lithium, on en fait quoi ?” Maximilien Hauata monte encore d'un cran : “C'est de la merde ! On veut faire semblant de parler d'environnement”. Quant à la volonté du gouvernement de supprimer, dès le 1er janvier prochain, l'exonération de taxes dont bénéficient ces véhicules hybrides et électriques, cela s'avèrerait contre-productif puisque cela entraînerait une augmentation de 30 à 40% du prix de ce type de voitures. Contrôler la marge des concessionnaires oui, mais à condition que cela bénéficie aux consommateurs... et à l'environnement. 

Rédigé par Stéphanie Delorme le Lundi 6 Novembre 2023 à 16:08 | Lu 3024 fois